Les chasseurs traditionnels appelés " dozos " œuvrent, notamment pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Principalement localisés à l'ouest du Burkina Faso, ils se sont également engagés dans la lutte contre le terrorisme dans notre pays. Le coordonnateur général de l'Union nationale des dozos du Burkina Faso, Klabéré Seydou Konaté que nous avons rencontré, le 7 janvier 2023 à Bobo-Dioulasso, revient également sur la contribution de sa confrérie à cette lutte, mais aussi les relations qu'elle entretient avec les Forces de défense et de sécurité (FDS).
Le Burkina Faso vit une situation sécuritaire difficile depuis plusieurs années. Quelle lecture en faites-vous ?
Cette situation sécuritaire que nous vivons tire notamment sa source dans la mal gouvernance. Au Burkina Faso, nous privilégions beaucoup plus l'intérêt individuel au détriment de l'intérêt général. Cela a eu pour conséquence de créer la frustration et la marginalisation de certaines couches sociales. Certaines zones se sont senties délaissées. Tout cela a permis au terrorisme de se développer et de favoriser l'enrôlement de certains jeunes dans le terrorisme à cause de leur niveau de vie trop bas.
Du fait de ce délaissement, les populations des zones délaissées bondissent sur la moindre occasion qu'on leur offre pour améliorer leurs conditions de vie. Il est aussi vrai que la destruction de la Libye a permis au terrorisme de prospérer, mais il faut reconnaitre que ce phénomène s'est fortifié au Burkina grâce à la mal gouvernance.
La lutte contre la mal gouvernance n'est-elle pas un combat de longue haleine ?
C'est un fléau qu'on ne peut pas éradiquer du coup, mais je crois qu'avec la bonne volonté de nos dirigeants, on va y arriver. Il faut que nous soyons optimistes et penser positif. Nous allons tenir bon et compter sur la bonne volonté de nos premiers responsables pour éradiquer cet autre mal.
Comment les dozos contribuent-ils à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso ?
Le président de l'Union nationale des dozos, Aly Konaté, a déjà organisé les dozos depuis les années 2018. Nous nous sommes organisés de telle sorte que toutes les zones du pays soient couvertes par les dozos. Nous avons des dozos dans chaque village et y avons un démembrement de l'union qui veille sur la sécurité des personnes et des biens.
Nous avons fait un maillage qui fait que nous avons des bureaux dans chaque village, chaque département, chaque province et chaque région. Nous avons fait cette organisation depuis longtemps parce que nous avons vu venir ce fléau. Nous avons aussi été formés pour la police de proximité. Ce dispositif n'est pas allé loin, mais nous avons continué à former nos éléments afin qu'ils puissent être des comités de veille dans leurs zones respectives.
Pouvez-vous nous citer des exemples de vos victoires sur les hommes armés non identifiés ?
"Nous avons engrangé beaucoup de victoires dans la lutte contre le terrorisme" dans les zones de Mangodara, de la Leraba ou de Orodara. Les autorités compétentes le savent.
Il est question de coopération transfrontalière dans cette lutte. Quels sont vos rapports avec vos confrères de la sous-région, notamment le Mali et la Côte d'Ivoire ?
Avant même le phénomène du terrorisme, nous collaborons étroitement avec les autres dozos de la sous-région, notamment de la Côte d'Ivoire, du Mali et de la Guinée. Lors de nos cérémonies au Burkina Faso, les dozos des autres pays sont présents. Nous avons un système de collaboration en place. Nous avons toujours communiqué entre nous pour combattre le grand banditisme avant l'avènement du terrorisme et nous continuons toujours d'échanger entre nous pour lutter contre le terrorisme.
Quelles relations entretenez-vous avec les FDS sur le terrain ?
Nos relations avec les FDS sont au beau fixe. Mais, il y a quelquefois des difficultés surtout avec la police, la gendarmerie ou les agents des Eaux et forêts. Ils arrêtent quelque fois nos éléments et leur retirent leurs armes parce qu'ils n'ont pas le permis de port d'arme alors que nous luttons tous pour la même cause.
Nous n'avons pas de moyens pour acheter des armes appropriées et ce sont des armes de fabrication locale que nous utilisons pour combattre le terrorisme. Nous n'avons pas de problèmes avec l'armée mais c'est avec les forces de sécurité intérieure que nous avons souvent de petits couacs. Quand nous arrêtons par exemple les bandits, nous les remettons aux autorités compétentes car nous ne sommes pas des officiers de police judiciaire.
Les autorités actuelles ont recruté 50 000 VDP. Les dozos ont-ils participé à ce recrutement ?
Nous avons massivement participé au recrutement des VDP. Ce recrutement est venu trouver que nous avons déjà près de 500 éléments que nous avons formés. La zone de Mangodara par exemple était sous l'emprise des terroristes avant l'avènement du MPSR. C'est en ce moment que nous avons commencé à former les 500 personnes. Mais ce personnel formé n'a toujours pas de vraies armes pour le combat et se débrouille toujours avec les fusils calibre 12.
Depuis plus de trois mois, le MPSR 2, avec à sa tête, le capitaine Ibrahim Traoré, dirige le pays. Quelle appréciation faites-vous de son bilan dans la lutte contre le terrorisme ?
Lorsque la matinée va être belle, cela se sent dès les premières heures. Les premières déclarations des premiers responsables du MPSR 2 dès leur arrivée nous ont beaucoup réconfortés. Il faut être un ennemi de ce pays pour juger négatif le bilan du président de la Transition, Ibrahim Traoré. Ce bilan parle de lui-même. Il y a beaucoup de victoires engrangées sur le terrain depuis leur arrivée.
Nous sommes réconfortés et rassurés qu'on est sur la bonne voie pour la reconquête du territoire national. Nous jugeons très positif le bilan des cent premiers jours du président de la Transition, Ibrahim Traoré.
Y a-t-il eu une amélioration dans vos rapports depuis l'arrivée des nouvelles autorités ?
Il y a une amélioration dans nos rapports depuis l'arrivée du MPSR 2. Nous luttons contre le terrorisme depuis des années. Il y a eu de nombreux morts et blessés dans nos rangs. Nous avons enregistré une vingtaine de morts et autant de blessés. Mais jusqu'à ce jour, nous n'avons eu aucun soutien des autorités. C'est le président Aly Konaté qui a toujours pris en charge les blessés et accompagné les familles des victimes. Notre structure n'a pas de fonds et nous n'avons pas de financement. Mais les nouvelles autorités sont venues nous voir et recenser nos difficultés. Nous leur avons soumis ces situations.
Quelles sont donc les difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?
Nous manquons de moyens logistiques et des armes. Les éléments que nous avons formés n'ont pas d'armes. Il y a une grande différence entre leurs équipements et ceux de nos ennemis. Egalement, nous n'avons pas de moyens de déplacement. C'est le président Aly Konaté qui a distribué plus de 70 motos acquises avec ses propres fonds afin que les dozos puissent lutter contre le terrorisme.
Nous n'avons pas de sièges propres à nous. Nous voulons que les autorités luttent franchement contre le terrorisme en impliquant les populations comme elles ont commencé à le faire avec le recrutement massif des VDP. Qu'elles accompagnent également les structures déjà organisées afin que celles-ci leur donnent un coup de main pour éradiquer le mal. Si les nouvelles autorités arrivent à résoudre les difficultés que nous leur avons soumises, je crois que nous ferons un grand pas dans la lutte contre le terrorisme.
Quelles sont vos suggestions pour une meilleure réussite de la dynamique actuelle de reconquête du territoire ?
Il faut former les VDP et mettre l'accent sur la police de proximité. Il faut faire un effort à ce niveau parce que nous avons une lecture future de cette lutte. Le combat sur le terrain va finir. Les terroristes vont alors se replier dans les centres urbains et opérer des attentats. Il faut que la population soit formée à cela. Il faudrait que les populations soient vigilantes pour éradiquer définitivement ce mal.
Le versement de 500 millions F CFA de la LONAB à un prétendu représentant des dozos a défrayé la chronique. Qu'en est-il exactement ?
Nous avons été surpris de lire dans Courrier confidentiel que les dozos de l'Ouest ont demandé une aide financière à la LONAB. Nous avons appris que la LONAB avait déjà décaissé une aide de 250 millions F CFA dans un premier temps. Elle a ensuite versé en deux tranches 50 millions F CFA. Cette affaire a failli tout de suite diviser les dozos.
Les dozos sur le terrain se sont dit que ce sont les responsables qui ont pris cet argent et ne leur ont rien dit. Nous n'avons jamais adressé une lettre à qui que ce soit pour demander une quelconque aide financière pour lutter contre le terrorisme. Ce que nous savons, lors de nos manifestations annuelles, nous adressons des lettres d'aide à certaines structures. C'est tout. Nous n'avons donc rien reçu de qui que ce soit.
Le directeur général de la LONAB d'alors que nous ne connaissons même pas a délégué un vieux qui est venu voir le président de l'Union nationale des dozos afin que celui-ci ne réagisse pas. Nous avons refusé de l'entendre parce que l'affaire est suffisamment grave. Il faut que la justice fasse son travail et que la lumière soit faite.
La confrérie des dozos est vaste. Il se peut que d'autres aient pris cet argent. Mais nous, à notre niveau à l'Ouest, nous n'avons reçu aucun rond. L'ASCE-LC est venue écouter chacun de nous et nous avons donné notre version.
Celui qui a reçu l'argent n'est pas de votre confrérie ?
Nous ne le connaissons pas. Il n'est pas de la confrérie. Il faut que cette affaire soit élucidée. Si la lumière n'est pas faite, cette situation peut nous diviser.
Quel message avez-vous pour la population et les autorités ?
Nous demandons à la population d'être vigilante et d'accompagner le chef de la Transition actuel parce qu'on voit en lui une volonté affichée de libérer le pays. Que la population collabore beaucoup plus parce que dans la division, on ne pourra pas s'en sortir. Il faut qu'on s'unisse main dans la main pour soutenir le chef de la Transition et le MPSR 2, afin de venir à bout de ce fléau.
Nous demandons aux autorités de lutter franchement contre le fléau, de combattre la mal gouvernance et de mettre l'accent sur la justice afin que les crimes de malversation ou de mal gouvernance soient élucidés. Le pays n'est pas pauvre. Nous sommes méchants et ne sommes pas assez solidaires. On ne peut pas s'en sortir avec ces mentalités. Il faut être intègres, solidaires et vigilants.