Dakar — Cicodev Afrique, une organisation de défense des consommateurs, a fait part, jeudi, de ses "inquiétudes" relatives aux objectifs du Forum Nourrir l'Afrique, qu'organise la Banque africaine de développement (BAD) depuis mercredi au Sénégal.
L'Union africaine et le gouvernement sénégalais prennent part à l'organisation de ce forum de trois jours, qui se tient à Diamniadio, une ville située à une trentaine de kilomètres à l'est de Dakar.
"Au Sénégal, l'enjeu, selon le ministre de l'Agriculture, de l'Equipement rural et de la Souveraineté alimentaire, est de nourrir plus et de nourrir mieux", affirme affirme Cicodev Afrique dans un communiqué reçu à l'APS.
"Ce besoin d'augmenter la productivité présente des inquiétudes pour nous membres de la société civile. De réelles menaces pèsent en effet sur les exploitations familiales", relève l'organisation de défense des consommateurs.
Elle affirme que "la productivité engendre un besoin accru de surfaces agricoles disponibles, pouvant conduire à des accaparements des terres de petits producteurs, les empêchant de satisfaire des besoins essentiels".
"Au cours des dix dernières années, soutient Cicodev Afrique, d'importantes étendues de terres ont été accaparées en Afrique par des intérêts agro-industriels."
"Cinquante pour cent des transactions d'investissement foncier en Afrique ont eu lieu sur des terres utilisées par de petits agriculteurs, principalement en Ethiopie, au Sénégal, au Ghana, au Mozambique, en Sierra Leone, en Tanzanie et en Ouganda", affirme-t-elle.
Elle dit citer, pour cette donnée, un récent rapport de Land Matrix, un organisme indépendant de surveillance des acquisitions de terres.
Parmi les technologies de l'agriculture intelligente face au climat (AIC) promues au Forum Nourrir l'Afrique figure le maïs économe en eau et intelligent face au climat, selon Cicodev Afrique.
"La promotion et l'introduction de maïs et d'autres semences hybrides risquent d'être un phénomène dévastateur pour les semences paysannes qui nourrissent la population africaine", avertit-elle.
L'organisation fustige "une pratique qui va à l'encontre des principes de la souveraineté alimentaire, dont l'une des bases est de contrôler la production, l'approvisionnement, la conservation et les échanges de semences paysannes entre les communautés".
"Ce sommet qui favorise ces semences résistantes aux changements climatiques est une voie utilisée par les multinationales pour mettre en place un système de dépendance accrue de l'alimentation des pays africains", soutient Cicodev Afrique.
"Mettre fin à l'accaparement des terres"
L'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) s'est toujours employée à expliquer que les pratiques agroécologiques et autochtones sont la bonne voie à suivre pour que les agriculteurs africains survivent à la crise climatique, selon le communiqué.
"Ce qui nous inquiète, c'est que le sommet parle de souveraineté en omettant des spéculations majeures en Afrique et dans le Sahel en particulier : le mil, le sorgho et le niebé. Ces cultures ont une diversité immense permettant leur développement dans divers climats. Ce sont elles qui sont réellement intelligentes face au climat", déclare Famara Diédhiou, chargé de programme de l'AFSA en Afrique de l'Ouest, dans le communiqué.
L'AFSA est constituée d'exploitants agricoles, d'éleveurs, de chasseurs-cueilleurs, de peuples autochtones et d'organisations de consommateurs. Cicodev Afrique est membre de son conseil d'administration.
"L'Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement dénonce le processus non inclusif lié à la préparation de ce sommet", affirme le communiqué.
"Les organisations de la société civile (... ) n'ont pas été consultées et impliquées dans le processus de préparation de ce sommet", argue l'organisation consumériste.
Elle fait valoir que "c'est pour toutes ces raisons que" ses dirigeants exhortent "les participants au sommet de Dakar (... ) et l'Etat du Sénégal" à "promouvoir l'agroécologie en lui accordant des ressources adéquates dans la finance climatique".
Cicodev Afrique les appelle également à "mettre fin à l'accaparement des terres" et à "rejeter les approches basées sur l'AIC, qui renforcent les grandes entreprises semencières et agro-industrielles".
Elle invite la BAD, l'Union africaine et le gouvernement sénégalais à "soutenir les initiatives des agriculteurs africains et des organisations qui luttent pour la souveraineté alimentaire et l'agroécologie".