Ils sont âgés entre trois mois et 46 ans. Et tous ont la même particularité. Celle d'être nés avec une fente labiale, appelée aussi bec-de-lièvre. Toutefois, cette malformation congénitale se soigne et tous peuvent aspirer à vivre une vie normale. Rencontre avec ces jeunes et moins jeunes qui, comme des soldats, ne baissent jamais les bras.
En ce mardi, le couloir menant à la section de la Burns Unit de l'hôpital Victoria fourmille de monde. En effet, parents et patients - enfants et adultes - attendent patiemment de rencontrer les spécialistes qui jugeront où ils en sont avec leur récupération depuis leur dernière opération. C'est le cas de Lakshana. Les va-et-vient entre l'hôpital et sa maison, elle y est habituée depuis ces trois derniers mois.
Aujourd'hui, étudiante à l'université, elle raconte qu'elle est passée sur le billard une douzaine de fois environ. "Je suis toujours venue dans cet hôpital. J'y ai fait ma rhinoplastie, ma palatine et aussi le traitement pour ma voix. Je peux constater les améliorations faites depuis."
Elle ajoute avoir été complexée depuis qu'elle est en âge de comprendre. "Je me souciais de mon apparence. Le regard des autres était souvent dur à soutenir. Je n'arrivais pas à faire face aux gens, je me sentais différente." Ce n'est qu'après plusieurs opérations qu'elle s'est sentie à nouveau bien dans sa peau. Aujourd'hui, c'est une jeune femme confiante qui arrive à s'adresser à une audience, comme elle le fait lors de ses cours.
"Il ne faut pas se le cacher, les opérations étaient un peu douloureuses mais le résultat est là." Ce parcours, elle l'a fait encadrée par ses proches. Sa mère, Dhanshalinee, qui l'accompagne en cette journée, ressentait le mal-être de sa fille à l'époque. Elle est soulagée maintenant. "Il a fallu beaucoup de patience et d'encouragement. Son papa aussi a été à ses côtés dans cette épreuve."
Pour elles, une mention spéciale va au personnel de l'hôpital. "Les docteurs et les infirmiers ont toujours été là à nous encourager. On s'est senti entourés." Maintenant, Lakshana espère atteindre son objectif qui est de faire carrière au Forensic Science Laboratory.
Quelques sièges plus loin, se trouve la petite Erwina qui attend aussi son tour de visite. Elle relate son parcours à ce jour. "Quelquefois, à l'école, on ne me comprenais pas. Je devais bien prononcer pour que l'on me comprenne. C'était un souci. À ce jour, cela va beaucoup mieux." Sa dernière opération remonte à 2010. "J'en ai fait trois. Je sais que c'était dur, mais la chance, j'étais encore toute petite." Sa force, elle la puise également dans la chaleur des bras de ses parents.
De son côté, Nazim Jafeerally confie qu'il doit beaucoup à sa mère, aujourd'hui décédée. "Elle n'a jamais baissé les bras pour moi et a fait son possible pour me soulager." Il confie qu'il s'est fait opérer à l'hôpital du Nord. "Quand le médecin est reparti, j'ai été transféré dans un premier temps à l'hôpital ENT, puis à Victoria."
Il a eu plusieurs complications, aussi bien au niveau de son palais que de la respiration. "C'était difficile pour moi de m'alimenter. Ce sont des situations éprouvantes. Et il faut beaucoup de patience et de courage. C'est ce que je demande aussi aux familles qui accompagnent leurs enfants."
À savoir que cinq opérations ont été faites mardi, et que d'autres sont prévues jusqu'au départ des spécialistes indiens venus à cet effet cette semaine.
Une grande première dans un hôpital public, dixit Jagutpal
L'Inde et Maurice scellent une nouvelle collaboration. Grâce à l'intervention du professeur S. M. Balaji de Chennai, le ministère de la Santé pourra bénéficier de la dernière technologie en matière de chirurgie de fentes labiales et palatines. Auparavant, soutient le ministre Kailesh Jagutpal, c'était la Plastic Unit qui faisait de la comestic surgery pour soulager ceux atteints de cette malformation. Mais aujourd'hui, tout a évolué. Dans un premier temps, c'est l'ONG Smile qui prodigue des conseils aux parents. Prenant le relais, le ministère fournit un traitement "multi-disciplinaire". "Passant du speech therapist au pédiatre, sans oublier le gynécologue, tous ont un rôle à jouer au sein de cette équipe."
Concernant la présence du spécialiste indien, le ministre ajoute que c'est la première fois qu'un hôpital public bénéficie de tous ces équipements pour réparer cette malformation. "Le professeur nous a également offert des équipements." Il espère qu'avec la formation dont ils bénéficient, les spécialistes mauriciens pourront bientôt pratiquer ces opérations eux-mêmes à Maurice. En ce qui concerne le coût de ces opérations, Kailesh Jagutpal soulignera que cela "ne coûte presque rien. Quand nous aurons à acheter les consommables médicaux, nous les prendrons en gros. À ce jour, un consommable coûte environ 75 000 roupies indiennes (environ Rs 42 000). Mais nous le ferons dans l'intérêt des enfants." Il termine en disant que chaque année, une dizaine de bébés naissent avec ce problème, et qu'il veut donner à chaque enfant "un joli sourire".