17 personnes ont perdu la vie dans un petit marché. Il y a dix jours, les ADF ont tué 15 personnes dans un attentat dans une église protestante à Kasindi.
Présents dans cette région depuis les années 1990, les Forces démocratiques alliées, un groupe affilié à l'Etat islamique (ADF), est à l'origine de nombreux massacres dans la région du Nord Kivu.
La région de Beni est l'une des zones les plus instables de l'est de la RDC, en proie à l'insécurité depuis près de 30 ans.
Le 15 janvier, un attentat attribué aux ADF, groupe affilié aux jihadistes de l'État islamique a fait une quinzaine de morts dans une église protestante évangélique à Kasindi, à la frontière avec l'Ouganda.
Ces miliciens sont accusés d'avoir tué au moins 23 villageois ce 23 janvier, une nouvelle tuerie revendiquée par l'EI.
Depuis fin 2021, une opération militaire conjointe congolaise-ougandaise ciblant les ADF dans cette région est en cours. Mais des attaques continuent d'être rapportées.
Reagan Maviri, chercheur à Ebuteli, l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence revient sur les raisons de la diversification du mode opératoire des ADF.
DW : Depuis un certain temps, les ADF ont recours à l'utilisation de bombes artisanales. Quelle lecture faites-vous de ce mode opératoire ?
Reagan Miviri : il est vrai qu'ADF diversifie ses méthodes. Cependant, il y a déjà eu des cas d'utilisation de bombe. Il y un an, pendant la période des fêtes de la nativité, il y a eu l'explosion d'une bombe dans une église. Souvenez-vous, il y a une semaine, un engin explosif a explosé dans une église à Kasindi. Ce n'est pas vraiment un nouveau mode opératoire. C'est un ajout à ce qui se passe déjà dans la province de Beni et dans l'Ituri.
DW : Pourquoi selon vous le recours aux engins explosifs artisanaux ? Comment expliquer ce changement dans le mode opératoire?
Reagan Miviri : On pourrait dire que c'est peut-être plus facile. Comme c'est artisanal, il est plus facile de se procurer ce dont on a besoin pour la fabrication de ces engins. Il est plus facile d'y avoir recours sans être soupçonné. Selon les explications que nous avons reçues par rapport à l'incident qui a eu lieu hier (25.01.23), il s'agit d'une femme qui a dissimulé l'engin dans un seau de farine de manioc. C'est une situation que personne n'aurait soupçonnée et donc il est plus facile d'opérer. Ceci en dit long sur le réseau qui existe dans la ville et ses alentours.
DW : Est-ce que cela revient à dire que les ADF ont recours à des citoyens congolais pour perpétrer des crimes au sein de la population ?
Reagan Maviri : difficile de se prononcer car pour l'instant on ne connaît pas encore l'identité de la femme dont je fais mention, si elle est Congolaise ou pas. Ce qui est sûr c'est que l'ADF est bien ancré dans le tissu social de la République démocratique du Congo. Je rappelle que quand on parle par exemple des personnes qui ont été kidnappées, souvent elles sont ensuite utilisées dans les activités des ADF. Autant ils recrutent par la force, autant il y a aussi de l'endoctrinement qui fait qu'il y a des personnes qui épousent leurs thèses et leurs actions.
DW : Justement, comment expliquer que les gens adoptent plus facilement leur idéologie?
Reagan Miviri : C'est plus complexe que cela. Déjà, on sait qu'il y a des zones où ils étaient implantés depuis très longtemps, notamment dans le Bachu où ils ont eu des interactions. D'ailleurs, on peut dire qu'ils ont eu des relations pacifiques avec la population pendant plusieurs années. Depuis les années 1990. C'est après, quand le gouvernement a commencé à les combattre, qu'ils ont commencé à être virulents contre la population. Ça en dit beaucoup plus sur l'orientation idéologique du groupe que sur la population.