Madagascar ambitionne de relancer la filière noix de cajou. Dans le nord de l'île, qui concentre la majorité des plantations, la campagne de collecte et de commercialisation vient de se terminer. La Grande Île exporte en moyenne un peu moins de 10 000 tonnes de noix de cajou brutes par an, à destination principalement de l'Inde, qui les transforme ensuite. Depuis deux ans, l'ONG Nitidae tente de redonner un nouveau souffle à la production et de renouveler des plantations vieillissantes. Christian Olivier Mahefa est le coordonnateur du projet Madacana, qui soutient 1 500 producteurs dans le district d'Ambilobe.
La filière noix de cajou a été livrée à elle-même depuis les années 1970, quels sont les principaux défis à relever pour la Grande Île pour rattraper son retard ?
L'enjeu est d'améliorer la quantité et la qualité des noix de cajou. Aujourd'hui, la plupart des 11 000 hectares d'anacardiers dans la région Diana sont vieux et datent de 1968. Nous avons formé les producteurs aux bonnes pratiques agricoles, à faire l'entretien de leurs champs et, là, on commence à voir de la qualité du produit noix de cajou brutes. Nous avons pu reboiser 317 hectares d'anacardiers et, cette année, nous allons reboiser 15 000 pieds. Je dirais que dans les trois ans à venir, Madagascar peut figurer dans les 10 premiers producteurs d'anacardes dans le monde.
Comment la Grande Île peut-elle tirer son épingle du jeu face aux pays voisins ?
L'anacarde est un produit à haute potentialité pour Madagascar et s'adapte parfaitement au climat et au sol de la région Nord-Est de l'île. C'est un arbre facile à faire pousser - il suffit d'avoir un terrain plat et sablonneux - et il commence à donner des fruits au bout de trois ans. Sur le marché international, il n'y a que deux pays, la Tanzanie et le Mozambique, qui concurrencent Madagascar durant la saison des récoltes sur le produit noix de cajou brute. Pour ce qui est de la transformation en amandes, elle est artisanale pour le moment et les produits sont écoulés sur le marché local uniquement. J'espère que des investisseurs viendront à Madagascar pour faire cette transformation au niveau industriel.
Que faudrait-il pour attirer les investisseurs à Madagascar ?
Il faut mettre en place des mesures incitatives. L'État voit que c'est une filière porteuse, mais il faut qu'il s'implique beaucoup plus sur la chaîne de valeur anacarde. Chercher une politique pour, par exemple, défiscaliser la chaîne de valeur, réduire les taxes sur l'exportation du produit et subventionner la transformation en amandes de cajou, surtout au niveau de l'industrialisation.
La relance de la filière, qui a débuté il y a deux ans, a-t-elle permis d'améliorer le niveau de vie des paysans?
L'objectif du projet a été en premier lieu d'améliorer le revenu des producteurs. Ils sont regroupés en associations et dans une coopérative et le but est de les connecter directement avec l'exportateur pour qu'ils puissent vendre leur produit à un meilleur prix. C'est déjà tangible à Ambilobe puisque, avant, le prix du kilo de noix de cajou brutes était à 200 ariary, mais aujourd'hui le prix varie entre 2 000 à 5 000 ariary le kilo (NDLR entre 0,45 centimes d'euros et 1,10 euros) en fonction de la qualité. La saison des récoltes a lieu au mois de septembre et cela aide, par exemple, les producteurs à payer les frais de scolarisation des enfants. Cela peut aussi se constater auprès des transformatrices puisque certaines peuvent maintenant s'acheter un terrain et construire leur maison.
Une situation qui suscite les convoitises...
Comme tous les produits de rente à Madagascar, la noix de cajou fait face à un problème d'insécurité, puisque les gens constatent que ça rapporte de l'argent. Ceux qui ne cultivent pas de noix de cajou les volent dans les champs des producteurs et les vendent auprès des collecteurs ou des sous-collecteurs à bas prix. Ils les cueillent alors qu'elles ne sont pas encore mûres.
C'est donc de la mauvaise qualité qu'ils vendent, ce qui entraîne une baisse du prix. Depuis l'année dernière, les producteurs sont même obligés de dormir dans leur champ pour protéger leurs cultures. La gendarmerie fait des patrouilles dans le district d'Ambilobe, mais comme leur effectif est insuffisant, ils ne peuvent pas couvrir toutes les communes.