Tunisie: "Quelles nouvelles compétences pour l'enseignement des Sciences Politiques ?" - Les compétences juridico-institutionnelles méritent une nouvelle prise en charge

30 Janvier 2023

Le pays ne peut plus avancer dans un climat politique flou et l'expectative. Il nous faut de la clarté, de la prospective, de la prévoyance comme dans les autres sphères.

L'intérêt de la science politique serait grand si l'on arrivait à prospecter le futur. Une conférence de presse a été organisée, récemment, à l'Université privée Polytech Intl Group. Le débat a porté cette année sur les "Nouvelles compétences pour l'enseignement des sciences politiques", adaptant les habiletés en droit, médias, statistiques, Big data, gouvernance et géopolitique aux nouvelles données constitutionnelles et institutionnelles.

Dans ce cadre, Pr Sadok Chaâbane, ancien ministre, professeur de droit et sciences politiques et cofondateur de Polytech Intl a mentionné que le présent débat est purement académique. Il a souligné, par ailleurs, que les anciennes compétences restent importantes et gagnent à nouveau du terrain. Avec des exemples, le Professeur a illustré son allocution et rappelé comment, en 2014, le régime parlementaire, introduit par la Constitution de 2014, ainsi que le régime électoral à la proportionnelle, ont bouleversé la gouvernance et le schéma des partis et le comportement des gens. Plus tard, en 2022, on a assisté au même phénomène ; il aurait suffi de changer la Constitution et le mode électoral en revenant au régime présidentiel et en introduisant le scrutin uninominal, pour que le paysage politique se transforme totalement.

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Le Professeur veut dire par là que même si les autres éclairages sont utiles, l'éclairage juridique reste essentiel. Il ne faut surtout pas le négliger. Mais plus important que cela est cette compétence nécessaire à tout homme de science politique ou autre science.

Ce qui est attendu aujourd'hui d'un homme de science politique c'est de prévoir les changements, les prévenir, ou les susciter.

C'est en quelque sorte l'ancienne compétence, mais remodelée. Un vrai constitutionnaliste n'est pas seulement celui qui écrit bien les textes, ou les interprète correctement, mais c'est surtout celui qui fait de l'ingénierie juridique. C'est celui qui sait anticiper les retombées de chaque édifice, de chaque disposition.

C'est justement cette compétence-là qu'il faudrait dorénavant enseigner, ce génie d'organisation et de gestion de l'État ou de la société.

Ainsi un leadership à trois têtes ne pouvait pas marcher, un mode électoral à la proportionnelle ne peut qu'affecter le paysage politique, durcir les attitudes des partis et entraîner des gouvernements instables... Les constitutionnalistes qui ont conçu un tel système n'ont pas servi leur pays. Au même titre, exiger 400 parrainages pour un candidat aux législatives prive le parlement de bonnes candidatures, et aura un effet réducteur sur la qualité de la compétition, les programmes et le taux de participation.

Ou encore le non-cumul de la fonction de député avec des professions libérales! Ç'est un gâchis pour le Parlement, et une professionnalisation du "métier" de député dont les déboires feront surface un jour.

La leçon à tirer de ce qui précède est la suivante : les compétences juridico-institutionnelles méritent une nouvelle prise en charge. Et, conjugué aux nouvelles compétences qu'apportent aujourd'hui les spécialistes des données, des réseaux, de l'intelligence artificielle, de la géopolitique, du management des organisations, du discours et bien d'autres domaines et habiletés, le phénomène politique serait non seulement bien assimilé, mais aussi et surtout mieux maîtrisé, a conclu Pr Sadok Chaabane.

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