Madagascar: Musicalité - En perpétuel mouvement...

La démocratisation des logiciels, l'émergence des Petites et Moyennes Industries de disque à Madagascar facilitent l'ascension des chanteurs. Selon l'estimation des musicologues, chaque famille a sa star. Alors, la Grande île assiste à une surproduction musicale depuis deux décennies.

D'après le jeune sociologue Herizo Fanirandrainy, " la musique n'est plus comme avant. Je ne dis pas que l'art n'est plus présent dans les chansons de nos jours, mais en vérité, la concurrence oblige ces artistes en herbe à sortir des chansons toutes les semaines. Par conséquent, les produits ne sont plus de qualité. Les chanteurs misent sur la quantité au lieu de se focaliser sur la qualité. En fait, l'objectif c'est de chanter plus d'une heure sur scène. Tandis qu'auparavant, c'était une musique par mois. L'arrangement se faisait durant une semaine... Je crois que la vulgarisation des matériels bon marché transforme le paysage musical malgache. C'est un fait. D'un côté, cela permet aux talents de sortir du lot, conduisant à l'émergence de la nouvelle génération. Mais d'autre part, les artistes ont beaucoup de similitudes ; ainsi, nous voyons des artistes qui ont le même type de voix, chantant le même sujet... L'art devient uniforme...

Bref, c'est plastique ". Chanter sur le même instrumental, avec le même vocal, tels sont les fredonneurs malgaches. Cependant, l'inspiration dépend également du contexte dans lequel ils vivent, la région où ils demeurent. Il n'est pas étonnant que les habitants de la partie Sud se plaignent du phénomène dahalo et du kere, comme la partie septentrionale se vante en étalant ses paquets de billets bleus de 20 000 ariary, parce l'environnement forge l'homme et sa vision. Cependant, des questions interpellent les passionnés de la musique, ces nouveaux talents ne trouvent-ils plus de thème à aborder ? La société veut qu'ils agissent ainsi. Le mélomane John Bohely essaie de répondre à ces questions en disant " l'artiste est un leader d'opinion, depuis toujours. La vie quotidienne du temps de Kaiamba n'est pas la même qu'aujourd'hui. Il faut le dire. Les Kaïamba évoquent l'amour à leur manière, parce que les circonstances entre 1970 et 1990 étaient différentes.

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La musicalité du temps d'Oza Jerome n'est pas là même que celle des chanteurs. En fait, l'inspiration dépend des événements, du vécu. Nos raiamandreny avaient une vie assez rude, tandis que la génération de notre époque, bien que certains se prétendent issus d'une famille modeste, avait une chance... Plus d'une vingtaine de studios dans un quartier. Vous imaginez ? Bien sûr que les enregistrements coûtent dix fois moins chers qu'il y a 50 ans. Alors, nous aurons une multitude d'artistes qui ne proposeront qu'une chose ". Refrains et paroles identiques, ils chantent tous la réalité. Un fait récurrent qu'ils avouent tout cru. Chercher les mots est facile, pas besoin de métaphore. Les auditeurs n'ont plus le temps de feuilleter le dictionnaire. La vie est assez dure, alors la rendre encore difficile en incitant les auditeurs à feuilleter un dictionnaire ne sera pas rentable. Zahara Miadanirina, passionnée de musique urbaine avance que " les métaphores fatiguent les inconditionnels. Les paroles doivent être claires et directes. Les inconditionnels n'ont plus le temps de creuser ".

Pour leur part, les vétérans ne sont pas de cet avis. Pour eux, la musique est composée de mélodie et de textes. " La composition musicale est un savoir-faire. Elle parle, c'est un moyen d'exprimer les sentiments. Elle verse des larmes, motive. Les paroles, quant à elles, constituent une œuvre littéraire à part entière. Personnellement, lorsque j'écoute une chanson, je décortique ", affirme Razanandrazanaka, un musicien de la chorale anglicane. Dès lors, la guerre générationnelle s'installe. Elle est palpable. D'ailleurs, ce genre de débat a été soulevé deux semaines plutôt. Un senior qualifie les jeunes artistes de poupées fragiles.

À la création vite fait, s'ajoutent les lyriques affichées sur les écrans, la tendance actuelle ! Les littéraires malgaches ne cachent pas leur inquiétude. " Je lis les paroles qui glissent sur mon écran, des milliers de fautes d'orthographe et grammaticales. Je suis choqué... La langue malgache a ses règles. Pourtant, nos stars écrivent différemment ", martèle Jacob Ndrianisy, un malgachisant. Un grand nombre d'artistes venant de la région, en particulier ceux du triangle du Nord commettent ces erreurs. Momo Jaomanonga, un écrivain-poète de cette contrée, s'interroge : " est-ce une revendication identitaire? ". En vérité, les règles grammaticales et l'orthographe des parler des faritra ne sont guère étudiés à l'école, que le malgache. Donc, chacun écrit les lettres comme bon lui semble. " Il est de notre devoir d'écrire un livre pour que les habitants des faritra puissent apprendre les règles grammaticales de chaque région ", ajoute encore l'auteur de Taratasin'i zaman'i Jao.

En somme, la société évolue, c'est une vérité générale ! L'art n'est pas figé. Sa transformation progressive engendre un courant artistique créé non seulement par l'artiste, mais aussi par la société. L'époque conditionne le savoir-faire. Elle façonne en quelque sorte les artistes.

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