Tunisie: Start-up - Un royaume où la vie est loin d'être facile !

31 Janvier 2023

En 2018, sous les applaudissements des parlementaires et des jeunes entrepreneurs, naissait le " start-up-Act ", avec son lot de promesses et d'espérances.

Une loi qui mettait enfin les premiers jalons d'un cadre légal relativement avantageux pour les start-up. Quatre ans plus tard, certains déchantent, d'autres arrivent à tirer leur épingle du jeu, certains ont réussi à faire d'impressionnantes levées de fonds. Mais de l'avis de ceux avec qui nous avons pu échanger, il est temps de repenser la stratégie de l'Etat en matière de soutien à ces entrepreneurs. Des entrepreneurs, qui sont des personnes qui " sautent d'une falaise et assemblent l'avion pendant la chute ", pour reprendre la définition du serial entrepreneur américain Reid Hoffman.

Réputé être l'un des hubs de l'innovation digitale en Tunisie, l'espace " The Dot " a eu la formidable idée de réunir, récemment, des médias et une belle brochette de jeunes startuppeurs, pour échanger autour de leur parcours, des principaux défis auxquels ils font face et pour réfléchir, avec les médias notamment, à la manière de faire évoluer un écosystème pas toujours très viable.

Démocratiser le recyclage de l'eau

Point commun entre les quatre intervenants, tous fondateurs ou cofondateurs de start-up, c'est sans nul doute l'abnégation dont ils font preuve malgré les difficultés. A l'image du cofondateur et directeur de la start-up " Dracoss ", Amen Allah Souli dont l'énergie débordante est presque insolente. Son projet, s'inscrivant dans le cadre de la " Greentech ", est dans l'air du temps. A l'heure où le monde en général et la Tunisie en particulier sont au bord d'une véritable " détresse hydrique ", et où surconsommation d'eau traduit une inconscience surréaliste, la start-up propose aux professionnels, notamment les restaurateurs et les hôteliers, de réduire drastiquement leur consommation d'eau. L'idée, à la fois simple et innovante, consiste à proposer un petit appareil de recyclage, qui convient parfaitement à de petites structures. Rapidement, cette technique permettra non seulement d'alléger substantiellement la facture, mais aussi de suivre en temps réel la consommation d'eau.

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" Malheureusement, le marché tunisien étant relativement étroit, nous travaillons au développement de notre offre aux Etats-Unis et particulièrement en Californie où nous pensons qu'il est possible de croître ", explique Amen Allah Souli.

" Zéro tracas, zéro blabla"

Alaâ Chaïbi, lui, cofondateur de la start-up " Birou ", pense qu'il peut très bien s'accommoder au marché tunisien en dépit des obstacles. Sa promesse, faciliter la vie des TPE et MPE en dépoussiérant leurs méthodes de gestion. Concrètement, l'observation démontre que plus de 80% des faillites d'entreprises sont essentiellement dues à la mauvaise gestion. " Une mauvaise facturation, une gestion approximative de la trésorerie, une mauvaise évaluation du cash-flow, peut aisément précipiter une entreprise dans un gouffre financier inextricable, qui conduit, à terme, à la banqueroute ", précise Alaâ Chaïbi, dont la start-up a permis à des centaines d'entreprises de sortir la tête de l'eau. En introduisant l'intelligence artificielle et l'analyse des données dans la gestion commerciale et financière, " Birou " ne laisse aucune place au hasard. Récemment, grâce aux solutions de la start-up, une PME a réussi à économiser entre 15.000 et 20.000 dinars en seulement 6 mois. Au total, ce sont plus de 2.000 entreprises de tailles différentes qui ont opté pour la solution " Birou ".

"Sghartoon" ou comment vaincre les difficultés d'apprentissage

La plateforme " Sghartoon ", cofondée par Hidayet Ayadi, est totalement gratuite pour les parents. Cette dernière met à la disposition des utilisateurs, des outils de diagnostic et d'orientation pour les enfants âgés de 5 à 10 ans, souffrant de troubles d'apprentissage. Dyslexie, troubles d'attention et autres troubles associés sont repérés par la plateforme et les parents sont par la suite orientés vers des professionnels à même d'aider ces enfants à s'en sortir. Grâce à un travail digitalisé avec les professionnels, " Sghartoon " propose des jeux interactifs et personnalisés, conçus spécialement pour accompagner les enfants souffrant de troubles d'apprentissage.

" S'il y a une chose dont je suis fière, c'est certainement de voir des enfants améliorer considérablement leurs notes à l'école, ou encore de voir une petite fille atteinte d'une maladie rare, reprendre goût à la vie et créer, pour la première fois depuis des années, des interactions avec son environnement ", nous confie Hidayet Ayadi.

Mais tout comme " Dracoss ", la start-up " Sghartoon " se sent à l'étroit sur le marché local. En effet, que ce soit avec les thérapeutes ou avec les parents, elle a dû faire face à des barrières culturelles et des clichés difficiles à tordre. " Les parents sont réticents à reconnaître la maladie de leurs enfants, et les professionnels craignent que l'application ne les remplace, alors que cette crainte est totalement infondée puisque nous ne sommes véritablement qu'un trait d'union entre eux et les patients ", résume la co-fondatrice de la start-up.

Pour échapper à ces obstacles en attendant des jours meilleurs, " Sghartoon " met le cap sur les pays du Golfe, qui semblent plus ouverts à ce type d'initiatives. En Arabie saoudite, c'est ni plus ni moins que le ministère des Affaires sociales qui est le principal client de la start-up.

Toujours est-il qu'en Tunisie, les officiels du ministère de l'Education nationale sont convaincus que le système actuel est défavorable aux enfants souffrant de difficultés d'apprentissage. Dans un futur proche, " Sghartoon " espère mettre en place une coopération fructueuse dans ce domaine.

Du sport pour lutter contre l'absentéisme en entreprise

Ces dernières années, les chefs d'entreprise, et les responsables des ressources humaines ont pris conscience de l'importance du bien-être au travail. La corrélation entre " congés maladies ", absentéisme et manque d'activités sportives, par exemple, n'est plus à démontrer. Seulement voilà, les responsables ne savent pas toujours comment s'y prendre pour encourager leurs employés à faire du sport. La start-up " Wemovese " présente comme un outil d'accompagnement des entreprises qui font du bien-être de leurs collaborateurs une priorité. Cofondée en 2021 par Meriam Sellami, " Wemove " travaille actuellement avec plus d'une vingtaine d'entreprises, qui emploient plus de 2.000 personnes. Pour l'une d'elles, les résultats sont sans appel. " Lorsque nous avons commencé à travailler avec une entreprise de 250 salariés, seuls 5 faisaient régulièrement du sport, raconte Meriam Sellami. Aujourd'hui, ils sont 110 à pratiquer du sport de manière assidue ".

Alors comment cela marche concrètement ? " Wemove " permet de trouver l'offre qui correspond à chacun et chacune selon " les besoins et les envies ". En fait, " Wemove " ne dispose pas de salles de sports, mais elle aide à trouver, à des tarifs préférentiels, le programme sportif adéquat.

" Nous sommes une solution entièrement automatisée pour l'attribution, la gestion et le suivi des avantages sportifs accordés aux collaborateurs ", explique Meriam Sellami. Grâce à une maîtrise du budget dédié, sans se ruiner, les employés d'une entreprise peuvent souscrire à l'offre qui leur convient.

4 ans après, l'heure du bilan

En 2018, sous les applaudissements des parlementaires et des jeunes entrepreneurs, naissait le " Start-up-Act ", avec son lot de promesses et d'espérances. Une loi qui mettait enfin les premiers jalons d'un cadre légal relativement avantageux pour les start-up. Quatre ans plus tard, certains déchantent, d'autres arrivent à tirer leur épingle du jeu, certains ont réussi à faire d'impressionnantes levées de fonds. Mais de l'avis de ceux avec qui nous avons pu échanger, il est temps de repenser la stratégie de l'Etat en matière de soutien à ces entrepreneurs. Des entrepreneurs, qui sont des personnes qui " sautent d'une falaise et assemblent l'avion pendant la chute ", pour reprendre la définition du serial entrepreneur Américain Reid Hoffman.

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