Kaffrine — Au quartier Escale, celui du calme des "bureaux" et des affaires, le long boulevard qui débouche sur le siège de la gouvernance en construction porte à Kaffrine (centre, 262 Km à l'est de Dakar), le souffle d'une ville qui essaie, depuis quelques années, de se mettre au niveau de son statut de capitale régionale. En cette fin du mois de janvier, la ville offre un temps ensoleillé certes, mais doux.
Le bâtiment de la future gouvernance s'élève au cœur d'une "sphère administrative" qui va abriter d'autres représentations d'institutions étatiques. Parce que Kaffrine, érigé en région en 2008, doit quitter le statut de commune simple pour porter les habits de capitale régionale, au cœur d'une zone qui sert de carrefour entre l'ouest (Kaolack, Dakar), l'est (Tambacounda), le nord (Diourbel, Louga), tout en donnant une ouverture sur la Gambie au sud.
De cette position de carrefour, Kaffrine a hérité aujourd'hui d'une population cosmopolite, représentative de la diversité que créent les mouvements de populations. Au grand marché de la ville, comme on en trouve au cœur de toutes les communes du Sénégal, on trouve une friperie qui a du mal à faire de l'ombre à la panoplie de produits agricoles allant du mil au maïs en passant par la patate douce, les courges, le bissab blanc et rouge, de l'arachide, du haricot...
C'est dans cette atmosphère que les populations ont accueilli du 21 au 28 janvier la 11-ème édition du Festival national des arts et cultures, manifestation-clé de l'agenda culturel sénégalais depuis que, au mois de juin 1994, universitaires, acteurs culturels, représentants des pouvoirs publics et artistes ont recommandé la tenue d'un ensemble d'activités pour illustrer et célébrer l'unité dans la diversité culturelle du pays.
Entre les différentes rencontres intellectuelles et politiques, le traditionnel colloque de la manifestation, les plateaux consacrés aux concours dans les domaines de la musique, du théâtre et de la danse, voici un abécédaire de la 11-ème édition du Festival national des arts et cultures qui s'est achevée samedi soir à Kaffrine (centre).
--ACCUEIL - Il fallait être au stade et aux alentours, le jour de l'ouverture du festival, pour constater la joie des Kaffrinois à accueillir leurs compatriotes des autres régions, venus faire de leur ville - pendant une semaine - le lieu de vie et d'expression pour des troupes et leurs propositions artistiques. A l'arrivée du Premier ministre Amadou Bâ, en début de soirée, les tribunes étaient bien garnies d'invités faisant face à une pelouse où se sont déroulés le défilé des artistes et la chorégraphie d'ouverture mise en scène par Jean Tamba et Marianne Niox.
--COLLOQUE - Moment fort de la manifestation depuis sa première édition, le colloque a tenu son rang sous la direction du professeur Ibrahima Wane, enseignant à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Axée sur le thème "Patrimoine, créativité et entreprenariat", la rencontre a enregistré douze communications. Les participants ont, dans leurs recommandations, insisté sur la nécessité de préserver et promouvoir le patrimoine culturel du pays, pour aider à comprendre le présent et éclairer le futur.
--DAKAR - Après la prestation fort réussie de ses représentants aux concours de musique et de danse, la région de Dakar s'était positionnée comme favorite au grand prix Douta-Seck qu'elle a fini par remporter le 28 janvier, jour de clôture de l'édition de janvier 2023. En plus de ce prix, les Dakarois sont repartis avec le deuxième prix en musique, théâtre et danse.
--FEMMES - Le thème, "Femmes, éducation culturelle et développement socioéconomique", donnait une idée de la place que le ministère et le comité d'organisation ont voulu accorder aux femmes, à leur rôle dans la création artistique et dans les activités culturelles ayant un impact sur le développement économique et social des terroirs. Le samedi 21 janvier, à l'ouverture, la directrice du festival "Kaay Fecc", a porté dans un discours la voix des femmes. La compétition dans les trois sections (musique, danse, théâtre) a été axée sur la thématique des droits des femmes, de l'illustration de leur rôle dans le développement socioéconomique du pays.
--HEBERGEMENT - L'une des équations que devait résoudre le comité d'organisation du Fesnac concernait l'hébergement des différentes délégations et des invités. Une bonne organisation, dans une ville qui n'a pas encore les réceptifs en nombre suffisant, a permis de s'en sortir. Pour montrer l'hospitalité des populations de Kaffrine, les associations sportives et culturelles et les familles ont été mises à contribution pour faciliter le séjour des différentes délégations. C'est la référence à la province historique du Ndoucoumane et à sa tradition d'accueil qui a sous-tendu de bout en bout cette démarche.
--INTERNATIONAL - La présence de délégations ministérielles de la sous-région à l'ouverture et lors d'activités du programme du Fesnac a donné à celui-ci une dimension internationale qu'il n'a jamais connu auparavant. Le ministre de la Culture et du Patrimoine a invité ses homologues de Guinée, de Gambie, de Guinée-Bissau (venu au milieu du festival). Ils ont rehaussé de leur présence la cérémonie d'ouverture et participé le lendemain au Centre culturel régional de Kaffrine à une rencontre pour discuter de problèmes communs. Des ténors des "cultures urbaines" ont assisté à cette cérémonie : Didier Awadi, Safouane Pindra, Fou Malade, Matador, Docta.
--KEUR PATHE - Cette édition du Fesnac avait, parmi ses innovations, une décentralisation d'une partie de son programme dans d'autres localités que la capitale régionale. C'est ainsi que Keur Pathé a enregistré vendredi, à la veille de la clôture du festival, le retour sur scène d'Abou Thiam, artiste engagé sur des questions environnementales et sociales. S'y ajoute que le Théâtre national Daniel-Sorano a présenté une pièce sur la bataille de Pathé Badiane de 1865, mise en scène par Mamadou Seyba Traoré. Le Ballet national de Guinée Bissau, composé d'une vingtaine d'artistes, s'est produit en présence d'Augusto Gomez, ministre bissau-guinéen de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, invité d'honneur de son homologue sénégalais Aliou Sow.
--WANAR - Dans le programme de la 11-ème édition du Fesnac, il y avait l'inauguration le 26 janvier du centre d'interprétation de Wanar, un site mégalithique de la région de Kaffrine inscrit depuis 2006 au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO. Le centre, situé dans la commune de Mabo dans le département de Birkilane, est appelé à "servir de médiation de la mémoire constituée autour des sites mégalithiques". L'Etat du Sénégal s'est inscrit dans une démarche de préservation, de valorisation et de promotion des sites du patrimoine à travers ce centre d'interprétation.