Afrique: Le Burkina Faso sous mesure de sauvegarde supplémentaire du Fonds mondial - À qui le tour ?

analyse

En décembre 2022, le ministre de la santé du Burkina Faso a reçu un message provenant de la Division de gestion des subventions lui expliquant que le pays sera mis sous Politique de sauvegarde supplémentaire (PSS) à partir de 2023. Cette mesure donne l'autorité au Secrétariat du Fonds mondial de choisir les acteurs de mise en œuvre, de signer des contrats avec des organisations humanitaires ou n'importe quelle autre structure pour travailler au Burkina sans en référer aux autorités nationales.

Le Secrétariat du Fonds mondial s'est également prononcé sur les conditions que devra remplir le Burkina pour espérer sortir de ce qui ressemble à une mise sous tutelle. Les deux conditions les plus importantes sont :

Recouvrer 75% de son territoire ;

Renouveler l'Instance Coordination Nationale (ICN).

De grands succès dans la lutte contre les trois maladies pilotée par les gouvernements successifs

Depuis 20 ans, le Burkina Faso consent de gros efforts pour améliorer la santé de ses populations. D'après Examplar of Health, la mortalité infantile a reculé de plus de 74% dans le pays durant les 02 dernières décennies. Depuis 2016, les soins dans les centres de santé publique, sont gratuits pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Et pourtant, le pays est classé parmi les plus pauvres au monde.

La sécurité au Burkina Faso

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Sur le front sécuritaire, le Burkina Faso est en proie depuis 2015 à des attaques djihadistes, lesquelles ont entrainé un climat d'instabilité dans le pays. Qui plus est, le pays a connu deux coups d'état successifs en 2022. À chaque fois, les putschistes, militaires en l'occurrence, ont promis le retour à un climat de sécurité et de paix.

L' ICN dans le collimateur

Au début du cycle 2020-2022, l'ICN a tenté de changer les récipiendaires principaux. Cette tentative infructueuse a entrainé une division au sein de l'instance. Le Président de la République s'est saisi de l'affaire et a instruit le ministre de la santé de l'époque de créer une structure transitoire. Le Secrétariat du Fonds mondial a demandé et obtenu du Bureau de l'Inspecteur Général une revue du fonctionnement du ICN. Le putsch de janvier 2022 a conduit à un changement à la tête de l'État et du ministère de la santé. Aidspan a appris que les votes des différentes parties qui composent l'ICN ont eu lieu et le renouvellement de l'ICN est prévu pour ce mois de février.

Il faut noter que lors de ce cycle, d'autres pays tels que le Nigeria, le Kenya et le Soudan du Sud ont aussi essayé de changer de récipiendaires principaux sans succès. Au Nigeria et au Soudan du Sud, le Secrétariat du Fonds mondial s'est appuyé sur la Politique de sauvegarde additionnelle pour imposer à ses acteurs de mise en œuvre préférés.

Dans la plupart des pays, la Politique de sauvegarde additionnelle est invoquée à la suite de problèmes de malversation. Jusqu'à présent, une telle accusation n'a été portée sur un récipiendaire principal ou secondaire du Burkina Faso. D'ailleurs, un agent fiscal supporte l'une des subventions pour mitiger les risques financiers.

Quelques questions sur les mesures de sauvegarde supplémentaire

Pour lever l'application de la Politique de sauvegarde supplémentaire, le Secrétariat pose comme condition, disions-nous plus haut, que le Burkina doit recouvre 75% de son territoire. Cette condition suscite de nombreuses questions. En effet, il est loisible de constater que la guerre, l'instabilité politique ou l'insécurité généralisée sévissent actuellement dans de nombreux pays dont certains sont quotidiennement au cœur de l'actualité. Sont-ils pour autant sous mesure de sauvegarde supplémentaire ? À qui le tour ? Faut-il rappeler ici que d'après les audits du Bureau de l'Inspecteur Général (Les investigations du FM sur Chemonics Nigeria, PSI en DRC, PNUD au Soudan), de nombreux partenariats contractés par le Secrétariat du Fonds mondial dans les pays sous sauvegarde supplémentaire ont débouché sur des résultats mitigés voire affligeants ?

Le Burkina Faso s'émancipera-t-il des mesures de sauvegarde supplémentaire ? Cette question est d'autant plus importante que peu de pays africains parviennent à en sortir une fois que celles-ci sont en vigueur. À titre d'exemple, cette politique est en vigueur depuis 2003 au Soudan du Sud (qui faisait alors partie du Soudan), 2011 en Mauritanie, 2012 en Guinée, 2016 au Nigeria et au Tchad.

Quels sont les effets de cette mesure sur la réputation du Fonds mondial ?

En 2020, des membres de la société civile nigériane ont publié des articles incendiaires à propos de cette politique. Aidspan a donné la parole à un membre de la société civile. Plus récemment, des membres de la société civile mauritanienne ont écrit une lettre aux partenaires et à certains responsables du Fonds mondial afin de dénoncer la mise en œuvre de la Politique de sauvegarde supplémentaire actuellement en vigueur dans leur pays. Cette politique disaient-ils alors en pointant un doigt accusateur vers le Fonds mondial, ne tiendrait pas compte des intérêts des populations clés. (Aidspan a pu consulter la lettre). Pour le Fonds mondial qui se targue de faire avancer les droits et la représentation des populations clés, ces accusations sont malvenues.

À qui profite l'invocation de la Politique de sauvegarde supplémentaire? Jusqu'à quand le Conseil d'administration du Fonds mondial pourra-t-il continuer à ignorer les plaintes et récriminations des pays africains sous Politique de sauvegarde supplémentaire ? N'est-il pas temps que cette institution fasse une sorte d'aggiornamento sur cette question ? N'est-il pas temps de revoir de fond en comble cette Politique (À quelles conditions faut-il l'appliquer) ? Pour quelle durée ? Quand et comment abroger son application dans un contexte donné ? etc.).

Une telle mise à jour ne serait-elle pas une excellente façon de gérer les risques réputationnels que cette Politique fait courir au Fonds mondial ? Osons ouvrir le débat.

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