Sénégal: Cheikh Mbow, ( Directeur Exécutif COSYDEP ) - "Des études ont montré que, pour réaliser des gains importants de qualité pour tous, il faut réduire la taille des classes"

1 Février 2023
interview

Qu'est-ce qui explique les effectifs pléthoriques dans les écoles, surtout dans la région de Dakar ?

Il faut dire que, de manière générale, dans les grandes agglomérations et dans la banlieue de Dakar en particulier, les effectifs par classe sont souvent très élevés. Il n'est pas rare d'observer des ratios de 80 à 100 élèves par classe et par enseignant. Cette réalité s'explique par plusieurs facteurs : (1) une forte croissance démographique ; (2) la rapide croissance du rythme d'urbanisation qui n'est pas proportionnel à l'extension du réseau scolaire ; (3) les importants besoins en personnel enseignant et en salles de classe.

Ces facteurs sont en total porte à faux avec des options de politique éducative comme le droit à l'éducation pour tous, la gratuité de l'enseignement et l'obligation scolaire de 10 ans. Il n'y a pas de doute que ce sont les déficits en enseignants et en salles de classe qui expliquent les effectifs pléthoriques dans les milieux à forte concentration humaine. Pourtant, c'est le constat du caractère pléthorique des effectifs et les conséquences qui en découlent qui avaient amené le ministère de l'Education nationale et les partenaires, à soutenir la norme de 45 élèves par classe et par enseignant. L'application stricte des options politiques supposent une planification rigoureuse de la résorption des importants besoins en enseignants et en salles de classe.

Quel est l'impact des effectifs pléthoriques sur l'encadrement pédagogique et la réussite scolaire ?

Il est clair que les effectifs pléthoriques ne militent pas pour des apprentissages de qualité pour tous et des performances élevées. En outre, cette situation donne un surcroît de travail à l'enseignant autant au niveau de l'action de classe que de l'encadrement différencié nécessaire pour prendre en charge les élèves en difficultés. L'enseignant risque de ne prendre en charge que le groupe classe, ignorant les besoins spécifiques de chaque élève.

La COSYDEP a toujours soutenu que les classes à effectifs pléthoriques ne sont pas un facteur de qualité, elles ne garantissent pas la sécurité, ne permettent pas d'accompagner les besoins de chaque élève pour la réussite pour tous. Dans les classes pléthoriques, il est quasi impossible de disposer des supports pédagogiques suffisants et de mettre en œuvre des méthodes pédagogiques qui garantissent l'équité et l'efficacité.

Qu'est-ce que l'Etat doit faire pour remédier à cette situation ?

C'est d'abord, des investissements pour construire plus de salles de classes et procéder à un recrutement conséquent d'enseignants. Il faut une planification rigoureuse pour suivre le rythme de croissance d'une démographie exponentielle, dont le corollaire est l'augmentation constante des demandes en matière d'éducation. Le déficit d'équité et d'égalité des chances sont exacerbés par la pénurie en enseignants et leur répartition inégale, notamment dans les zones défavorisées ou enclavées. Etant le principal facteur de qualité, il convient de s'assurer que les enseignants soient autonomisés, recrutés de façon transparente, formés conséquemment, motivés correctement, appuyés systématiquement par un corps d'encadrement suffisant et outillé.

C'est ensuite une décision ferme, d'une part, de mettre en œuvre ses options déclinées dans la Constitution et les lois d'orientation et, d'autre part, de respecter ses engagements face aux exigences de l'ODD4 (4e Objectif de développement durable - ODD, ndlr) qui affirme que la disponibilité d'enseignants suffisants et de qualité est la clé du succès de l'Agenda Éducation 2030.

C'est enfin, une conviction que le recrutement et la formation d'enseignants, couplés à la construction de salles de classe à la hauteur des demandes en éducation, constituent les meilleures solutions contre les effectifs pléthoriques, surtout en milieu urbain. Je rappelle que des études ont montré que, pour réaliser des gains importants de qualité pour tous, il faut réduire la taille des classes.

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