A Madagascar, la plateforme C Lera, qui a été créée en ce début d'année 2023, rassemble des personnalités et entités politiques, des acteurs de la société civile, des syndicats, des opérateurs économiques et des citoyens. A quelques mois de la présidentielle, elle affiche son rejet du pouvoir. Explications.
" Tous unis contre Rajoelina " : ce pourrait être la devise - réductrice, certes - de la nouvelle plateforme qui a été créée il y a quelques jours à Madagascar.
" C Lera ", à traduire par " C'est l'heure ", est une plateforme ad hoc, regroupant pour moitié des personnalités et entités politiques - essentiellement de l'opposition - ainsi que des acteurs de la société civile, des syndicats, des opérateurs économiques et des citoyens.
Ce qui semble unir ces 300 personnes : leur lassitude et leur indignation vis-à-vis des dérives du pouvoir en place à moins d'un an de l'élection présidentielle, et vis-à-vis d'une situation économique et sociale préoccupante.
Le dépôt de la motion de censure par les députés le 7 décembre 2022 et les événements rocambolesques qui s'en sont suivis ont eu un effet catalyseur, explique la députée indépendante Eléonore Johasy, l'une des initiatrices de la plateforme. " La motion de censure a vraiment démontré qu'il y a eu immixtion de l'exécutif, et en particulier du Président de la République, dans les affaires internes de l'Assemblée nationale, affirme l'élue de Vangaindrano. Et ce alors que la Constitution dispose qu'il y une séparation de pouvoir à Madagascar ".
C Lera " n'est pas uniquement pour les politiciens, les élus "
A moins d'un an de l'élection présidentielle, le sujet fait tache d'huile. Et inquiète. " Ces élections ne risquent-elles pas elle aussi de voir l'immixtion de personnalités, d'institution qui n'en ont pas la charge ? ", poursuit Eléonore Johasy. " Dans nos débats, nos réflexions, quand nous nous sommes rapprochés de tous bords, nous avons jugé que les conditions sont réunies pour une crise postélectorale, si les élections devaient se dérouler dans les conditions actuelles. A savoir une refonte de la liste électorale uniquement préparée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), par rapport à laquelle nous émettons une réserve puisqu'il y a du népotisme. Une élection avec un budget insuffisant qui pourrait ensuite être brandie pour justifier d'une inefficience quelconque et contester les résultats. "
La députée conclut : " Donc, notre point de vue est qu'il est préférable de réagir en amont et d'arriver à une espèce de cogestion. De telle sorte qu'au moment des élections, les chances soient à peu près égales, qu'il y ait une certaine forme d'équité. "
La plateforme se veut rassembleuse et inclusive, et son nom, " C Lera ", parlant pour tous. " Ce n'est pas uniquement pour les politiciens, les élus, mais c'est pour tout le monde, pour la population qui en a marre. Il est temps de dénoncer ces agissements. On va droit dans le mur ! ", s'agace Maître Hanitra Razafimanantsoa, députée élue sous la bannière du TIM (parti de Marc Ravalomanana, ex-président du pays de 2002 à 2009).
Au lendemain de l'annonce officielle de la création de la plateforme, l'initiative a été vivement critiquée par différents membres du gouvernement.
Des attaques qu'Eleonore Johasy balaie posément d'un revers de la main : " On nous taxe de vouloir déstabiliser le pouvoir, de vouloir opérer un coup d'Etat. Est-ce que dire la vérité et témoigner de notre inquiétude par rapport à ce qui est en train de se préparer, équivaut à vouloir faire un coup d'Etat ? Toute cette contre-offensive à l'égard de notre plateforme est justement due au fait qu'ils sont conscients que nous avons la sympathie du public. Que nos propos sont fondés. Ils ne peuvent pas nous attaquer sur le fond, alors ils s'en prennent à notre légitimité ... "
Les sympathisants seraient chaque jour plus nombreux à rallier la plateforme. Information difficile à vérifier, tant tous - exceptées les personnalités politiques - aspirent pour le moment à conserver leur anonymat.