Madagascar: Riveltd Rakotomanana - Les incubateurs canalisent les idées d'entreprises vers le secteur formel

À Madagascar, gérer des affaires est naturel et s'apparente à un instinct de survie, mais entreprendre relève d'un tout autre univers. Faute de structures d'appui, la plupart des petites structures individuelles sont absorbées par le secteur informel, soit 99% des unités économiques recensées selon une étude réalisée en 2018. Des structures d'accompagnement à l'entrepreneuriat innovant (SAEI) ont vu le jour depuis quelques années. Des entités privées, qui embrassent l'appellation d'incubateurs, mais dont les activités s'élargissent au-delà de la définition standard, faute de conjoncture. Interview avec Riveltd Rakotomanana, directeur exécutif du Centre d'excellence en entrepreneuriat (Le CEENTRE).

Comment se positionne l'incubation dans le tissu entrepreneurial malgache ?

Riveltd Rakotomanana (R.R.) : L'accompagnement à l'entrepreneuriat est une chaîne de valeur, au début il faut d'abord convaincre d'entreprendre. L'objectif vise à créer l'intention entrepreneuriale, donc à cultiver la personnalité et à apprendre les compétences de base nécessaires. Mais ce n'est que de l'intention. Beaucoup d'entreprises franchissent l'étape de transformation d'idées en projet ou en produit et commencent à avoir de la visibilité. Mais après quelques temps, les activités s'arrêtent, faute de modèle adéquat et d'accompagnement. L'incubation prend place à partir de là, au niveau du potentiel entrepreneur. Depuis plus d'une décennie, on recense une dizaine d'incubateurs à Madagascar, tous des entités privées, dont près de la moitié se trouve dans la capitale. Ce qui est fréquent, ce sont plutôt les centres d'affaires qui font des services de domiciliation et de conseils fiscal.

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Comment les opérateurs économiques perçoivent-ils les incubateurs ?

À Madagascar, l'incubation est récente, c'est un concept nouveau qui n'a pas encore l'acceptabilité des hommes et des femmes d'affaires malgaches, certains l'ignorent et d'autres le redoutent.

Et d'ailleurs jusqu'ici, chaque incubateur opère individuellement, la plupart du temps. L'intention de se réunir et de conjuguer les efforts s'est fait sentir mais rien de concret jusqu'ici. L'idée d'unifier les SAEI est évoquée mais aucune formalisation jusque-là.

À quels besoins se confronte-t-elle ?

R.R : Au vu de l'état des lieux, nous donnons des formations sur les outils de développement d'entreprises, tels que le business plan, l'idéation ou encore le business model. Mais tout cela n'a pas d'importance si l'entrepreneur n'a pas le " mindset " qui lui permet de les utiliser. C'est le mental utile pour faire face aux difficultés qui surviendront à forte chance, pour qu'il soit capable de pivoter au lieu d'abandonner. En outre, cet esprit procure aussi un sens de l'initiative.

Toute entreprise qui se lance est toujours sujette à des risques de non-solvabilité ou tout simplement de non sérieux, l'incubateur, en tant qu'entité tierce, renforce sa crédibilité et pourrait attester de son sérieux vis-à-vis des interlocuteurs.

À quels défis se heurtent les structures d'incubation à Madagascar ?

En tant que structure privée, les incubateurs tarifent leurs services d'incubation. Ils s'élèvent de 200.000 à 600.000 ariary par mois pendant une période de six à douze mois au moins, en fonction de l'état de lieux de début de l'entreprise. Et les services d'incubation coûtent 1 à 1,2 million d'ariary par mois aux incubateurs. Evidemment, les porteurs d'idées en quête de projets pour gagner de l'argent n'ont rien pour payer. Très peu vont recourir aux services des incubateurs. En tout, chacun des incubateurs malgaches encadre environ 4 à 10 projets par an.

Heureusement, des projets de partenariats et de soutien financiers sont prévus avec les partenaires techniques et financiers internationaux, ce qui nous permet de continuer à opérer. Je cite par exemple le programme Incuboost de l'Union européenne, qui va accorder 2 millions d'euros pour appuyer les incubateurs et les structures d'accompagnement malgaches.

En outre, il n'y a pas de référentiel d'accompagnement d'entrepreneur que j'estime nécessaire. Faute de quoi, les centres d'incubation recourent à de la bonne pratique reçue d'ailleurs.

Quels impacts apportés jusqu'à aujourd'hui ?

R.R : Aucune étude n'a montré le succès des incubés par rapport à ceux qui ne l'ont pas été. Mais je peux dire qu'à Madagascar, ces petites structures canalisent les idées d'entreprise vers le secteur formel. L'intention entrepreneuriale augmente. Elle a été chiffrée à 37% en 2019. Trois ans après, aucune étude n'a montré l'évolution mais je témoigne d'un changement de l'écosystème, tiré par plusieurs acteurs avec les incubateurs, dont notamment les influenceurs d'entrepreneurs.

Dans un écosystème entrepreneurial avancé, à l'exemple de ceux des pays développés, il y a différentes étapes de SAEI qui interviennent au cours du cycle de vie de l'entreprise, à savoir la couveuse, la pépinière d'entreprise, l'incubateur et l'accélérateur.

Couveuse : C'est un organisme, un environnement qui permet au porteur de projet de trouver l'idée et de s'assurer que cette dernière réponde à un besoin. La couveuse intervient avant toute création juridique. Elle accompagne les créateurs pour les aider à tester leur idée, se confronter au marché et se former aux bases de la gestion d'une entreprise.

Incubateur : Transforme l'idée en produit, c'est-à-dire une réponse à un besoin, et arrive à séduire une clientèle. Dans cette phase, le produit est commercialisable et le projet est érigé en différents business model afin qu'il puisse éclore et grandir dans les meilleures conditions.

Accélérateur d'entreprise : accompagne le porteur de projet sur des aspects techniques et pointus, avec un objectif de croissance de manière exponentielle. Ici, on passe à l'augmentation des chiffres d'affaires, à un certain niveau élevé des ventes, assez suffisamment pour développer l'entreprise avec des financements plus conséquents.

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