Tunisie: Un danger nommé impunité

2 Février 2023
opinion

On cherche les causes alors que les réponses sont là: déclin des valeurs, généralisation de la corruption, affaiblissement des autorités, absence du sens de la responsabilité... C'est tout le quotidien des Tunisiens qui est gangrené par les activités illégales sous toutes leurs formes. Cela s'étale au grand jour, même sur nos écrans de télévision.

"Le naufrage du bateau de migrants irréguliers au large des côtes de Zarzis est un acte criminel prémédité", révèle le Président de la République qui affirme aussi que "toutes les preuves laissent à dire que cette tragédie était un acte ordonné et planifié dont les victimes sont des personnes vulnérables".

Saïed pointe également la lenteur des procédures de l'enquête et appelle à "la nécessité d'appliquer la loi à tous sans discrimination aucune et de traduire en justice les personnes impliquées".

En attendant que la vérité, toute la vérité, éclate au grand jour, l'on ose penser que les informations qui filtrent à propos des circonstances liées au naufrage de certains bateaux des migrants font état de doute et de suspicions qui suscitent beaucoup de points d'interrogation et qui interpellent sur l'implication de telle ou telle partie. Les instructions, révélées ou non, ne concernent pas seulement les intermédiaires et les organisateurs, d'ailleurs la plupart fichés, des opérations de migration clandestine, mais supposent l'engagement de personnes qui sont prêtes à tout faire pour déstabiliser le pays.

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Néanmoins, une question se pose : jusqu'à quand va durer l'impunité ? Est-il encore possible de croire que certains se voient intouchables, irréprochables et inapprochables ? Quels que soient les privilèges, voire le passe-droit auxquels ils s'accrochent, cela ne peut en aucun cas constituer une justification des abus de tous genres. Une fois les faits établis, la tolérance ne peut plus y avoir de raison d'être, et cela pour une seule et unique raison: il n'existe pas d'excuse à la perversion et au dérèglement. Et si nous y prônons aujourd'hui la tolérance zéro, c'est parce que les répercussions du fléau de la corruption et de la malversation menacent essentiellement les catégories vulnérables.

On en cherche les causes alors que les réponses sont là: déclin des valeurs, généralisation de la corruption, affaiblissement des autorités, absence du sens de la responsabilité. C'est tout le quotidien des Tunisiens qui est gangrené par les activités illégales sous toutes leurs formes. Cela s'étale au grand jour, même sur nos écrans de télévision.

Dans un univers déconnecté, d'argent facile et abondant, dans un milieu où il faut se singulariser pour s'imposer à tout prix, les comportements exemplaires, individuels ou collectifs, n'ont plus leur raison d'être dans la société tunisienne. Les dérives ont fini par devenir inquiétantes.

Finalement, que nous reste-t-il pour tenter de faire revivre les valeurs morales ? Quelle réponse donner aux parents des enfants morts, ou encore toujours portés disparus, dans les embarcations illégitimes ?

Le temps commence à paraître long. Chaque époque a, certes, ses exigences, mais nous sommes dans le regret de reconnaître que la plupart de ceux qui occupent des postes de responsabilité et qui sont censés remettre chacun à sa place sont largement en déphasage avec ce que les Tunisiens attendent.

Il faut être attentif à tout ce qui touche aux écarts de conduite, à tout ce qui rend la vie des Tunisiens difficile. Il s'agit de rappeler à chacun son devoir et ses obligations.

Depuis 2011, on avait tous l'espoir et l'envie que cela change, mais il y a toujours une fracture entre ce qui est souhaité et la réalité. On est loin, très loin du chemin d'un redressement complet.

Face à l'émigration clandestine, la Tunisie fait fausse route, car ce fléau menace essentiellement les jeunes générations. Des jeunes désorientés, désespérés et qui sont prêts même à risquer leur vie pour un statut social meilleur.

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