Congo-Kinshasa: Le pape François au Soudan du Sud - Là où embrasser les pieds a été de nul effet

Le pape François a bouclé son pèlerinage en République démocratique du Congo, où il a célébré une messe devant un million de personnes mercredi dernier.

Un séjour qui a été marqué par des mots forts du souverain pontife, lequel a critiqué le néocolonialisme dont pâtit le pays, et plus généralement le continent, demandant aux "vampires " d'ôter leurs mains assassines qui étouffent le berceau de l'humanité. Après la RDC, le séjour papal continuera aujourd'hui jusqu'à dimanche au Soudan du Sud.

Et il y a fort à parier que la tonalité sera la même dans ce plus jeune Etat du monde indépendant en 2011, après une guerre civile qui l'a amené à se détacher de Khartoum. Mais s'il suffisait de se retrouver dans un monolithisme ethno-religieux pour que la démocratie et le progrès social soient, on aurait compris. Hélas, deux années seulement après les indépendances, le pays a été plongé dans une autre guerre, civile cette fois-ci, sur fond de rivalité entre frères d'armes : Salva Kiir et Riek Machar.

En 2019, le pape François recevait au Vatican Salva Kiir, président du Sud Soudan, et son vice-président, Riek Machar. Et à l'image de Jésus-Christ lavant les pieds de ses apôtres le jeudi saint, il avait embrassé les pieds des deux leaders, une image qui avait ému les deux frères ennemis (surtout Salva Kiir, réputé très pieux), les Sud-Soudanais et une bonne partie de la planète. Après s'être relevé, le Saint Père leur avait fait ce sermon : " Votre peuple aspire à un avenir meilleur, qui ne peut se concrétiser que par la réconciliation et la paix ".

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C'est dire si ces deux seigneurs de guerre ont été marqués par cette grande preuve d'humilité du successeur du successeur de l'apôtre Pierre. Et beaucoup avaient pensé que la hache de guerre allait être définitivement enterrée. Malheureusement le miracle ne s'est pas véritablement produit.

Et selon bien des témoignages, les choses sont aujourd'hui même pires qu'elles ne l'étaient au plus fort du conflit. Le bilan de cette guerre civile est effroyable : environ 440 000 morts, des millions de déplacés et de réfugiés et trois quarts de la population survivant grâce à l'aide humanitaire internationale.

Selon le dernier classement du PNUD, le Sud Soudan occupe la place infamante de dernier au monde en matière de développement. Triste destinée pour un pays qui, bien qu'enclavé, croule sous les richesses minières, pourvoyeuse avant la partition de 85% de la production pétrolière.

C'est donc dans cette contrée désolée que le pape pose les pieds, une espèce de ni-paix ni-guerre. En 2019, un accord de paix avait été certes trouvé, partageant le pouvoir entre les deux leaders antagoniques, mais c'est une paix fourrée qui ne trompe personne. Pour tout dire, c'est un tandem qui tire à hue et à dia, pour le plus grand malheur des Sud- Soudanais, qui continuent de souffrir le martyre.

Ce qu'ils espèrent est que cette visite papale redonne un souffle nouveau à ce processus de paix qui en a bien besoin, même si nombreux sont ceux qui ne se font guère d'illusion. Après avoir embrassé les pieds des deux frères ennemis sans succès, l'illustre visiteur va-t-il tenter le lavement pour attendrir leurs cœurs ? Plus sérieusement, il faudra bien plus qu'un simple passage, soit-il papal de 72 heures, pour que les cœurs battent à l'unisson et qu'on s'attelle à ce qui en vaut vraiment la peine : le développement socio-économique du pays et l'enracinement d'une culture démocratique dont on cherche en vain les prémices.

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