Ile Maurice: Les autorités mauriciennes ont refusé de remettre Franklin à la justice réunionnaise

L'express, qui est poursuivi par Jean Hubert Celerine, dit Franklin, pour avoir supposément faussement affirmé que ce dernier a bien été condamné à l'île sœur, revient sur les détails du jugement prouvant cette condamnation. Mais il y a plus grave encore...

À la page 32 du jugement du 2 juillet 2021, la présidente du tribunal de St-Denis de La Réunion, Carole MeunierLemas, parle d'une commission rogatoire internationale délivrée aux autorités mauriciennes par celles de l'île sœur "aux fins notamment de procéder à l'interpellation de Franklin et Jérémie Décidé". Ce qui suit est encore plus troublant.

"En dépit des engagements des autorités policières, aucune suite n'a été donnée par les autorités requises, de sorte que les deux hommes, manifestement localisés, étaient convoqués aux fins d'interrogatoire de première comparution." Un mandat d'arrêt a donc été émis le 13 juin 2019 contre les deux trafiquants de drogue mauriciens en raison du refus de coopération des autorités mauriciennes. Et pourtant, personne ne peut dire que la police ne connaissait pas Franklin !

Franklin et Nono, les plus sévèrement sanctionnés

La présidente du tribunal de La Réunion a donc jugé Franklin et Nono par contumace alors que les autres accusés étaient présents. Parmi, deux Mauriciens, Jean Lindsay Florimond de PortLouis et Jean François Louis, originaire de Flacq. Ce sont Franklin et Nono qui ont été les plus lourdement sanctionnés avec sept ans de prison chacun. Ceci car comme a dit la juge, le premier était le commanditaire et le chef d'orchestre de ce trafic international de drogue et le second est celui qui assurait le transport. Jérémie Décidé était skipper avant d'être convoyeur de drogue. Les autres ont écopé de sentence allant de 18 mois à quatre ans, y compris Laurent Mariaye, l'organisateur des exportations de zamal vers Franklin.

En l'absence d'aide de la part des autorités mauriciennes concernant la commission rogatoire, le verdict du jugement a été signifié à Franklin et Nono. Nous n'avons pas téléphoné à Franklin qui nous avait demandé la dernière fois, d'un ton très menaçant, de ne plus le faire. Quant à son avocat, Yatin Varma, il a tout simplement bloqué notre journaliste sur son téléphone. Le téléphone de Maneesh Gobin, lui, était éteint. Du côté de la police, personne ne répond.

La compétence des autorités réunionnaises

On apprend à la lecture du jugement que c'est grâce aux interceptions par la police réunionnaise des conversations téléphoniques entre d'une part, les exportateurs de zamal et d'autre part, Franklin et Nono que ce trafic a pu être découvert et stoppé net. En effet, contrairement à nos SST ou ADSU, les gendarmes réunionnais n'ont pas mis la main seulement sur la drogue mais aussi sur les trafiquants, le 30 avril 2018, qui seront condamnés. Les 148 kilos de drogue saisies ce jour-là étaient destinées au marché mauricien et valant 2,3 millions d'euros soit Rs 114 millions ! Fait inquiétant, le jugement parle aussi d'autres importateurs mauriciens, "Les Démolitions", qualifiés de concurrents directs de Franklin, Davy Rasta ou Robot.

C'est l'aveu du Réunionnais Laurent Mariaye qui a permis aux gendarmes de remonter aux commanditaires. Enfin, à l'identité de Franklin car l'État mauricien ne leur a pas permis d'aller plus loin. Lors de sa garde à vue et de sa mise en examen subséquente, Laurent Mariaye et d'autres protagonistes ont formellement identifié Franklin et Nono sur une photo. Le beaupère de Mariaye a même remis une photo de ce dernier en compagnie de Franklin. Le Mauricien Jean François Louis a déclaré de son côté qu'il avait fait la connaissance de Franklin dans une boîte de nuit à Grand-Baie.

Autres renseignements recueillis du jugement et qui pourraient aider nos "autorités" : le trafic entre nos deux îles a eu lieu entre le 24 décembre 2017 et le 30 avril 2018 avec au moins six exportations. Toute l'exportation de la bande à Mariaye et d'un autre Réunionnais était destiné au seul marché mauricien, ce qui avait même poussé un "agriculteur" réunionnais à s'adonner à la culture du zamal à grande échelle, entre ses plantations de cannes à St-Paul. C'est Franklin et son concurrent Rasta qui fournissaient les puissants hors-bords qui feront le va-et-vient entre nos deux îles.

Langouste pour le passeur

Franklin payait en espèces. (On se rappelle qu'il avait déclaré lors de sa "live" qu'il recevait beaucoup d'euros de touristes compatissants, NdlR). Les montants variaient entre Rs 200 000 et Rs 2,3 millions. Le Mauricien Florimond a raconté comment il est venu prendre 47 000 euros de Franklin en mars 2018, et comment il a pu passer les douanes mauriciennes sans être inquiété, pour se faire finalement pincer par les douaniers réunionnais. Parfois, Franklin remettait l'argent à un certain Louis Rouget à l'aéroport SSR.

Plus intéressant encore : Franklin a aussi fait des virements bancaires, une fois en faveur de Florimond et une autre fois à Mariaye. 8 000 euros en tout. Florimond s'est plaint d'avoir été "exploité" par les cerveaux du trafic. Il n'a reçu que 3 000 euros pour une livraison de 47 000 de drogue livrée et de... langoustes. Il y a aussi eu au moins une vente directe de Laurent Mariaye à Franklin pour 19 000 euros de drogue, c'està-dire une remise de drogue contre un paiement sans passer par des mules ou d'autres intermédiaires.

D'ailleurs, le jugement cite souvent les autres condamnés qui racontent comment Franklin, entre autres, a souvent doublé ses partenaires pour négocier directement avec d'autres fournisseurs. Et comment Franklin ne paie pas toutes les livraisons de drogue. Le plus troublant : en novembre 2017, une kalachnikov a même accompagné une cargaison de drogue. Et le jugement ne dit pas que l'arme était factice.

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