Madagascar: Des punitions inefficaces contre les indigènes

Pour obliger les paysans à rejoindre les chantiers des Travaux publics comme main-d'œuvre, surtout la construction du railway Tananarive-Antsirabe, l'administration de la province du Vakinankaratra " réinvente " la technique américaine de l'injonction (lire précédentes Notes).

En parallèle, conscient de l'effort excessif imposé depuis deux ans, le chef de la province, Fraud, lance un cri d'alarme : sa circonscription est à bout et les deux provinces voisines doivent alléger son fardeau en lui envoyant mille à mille cinq cents travailleurs. Le gouverneur général, Hubert Garbit, choisit de ne pas répondre.

La nouvelle méthode de mobilisation de la main-d'œuvre, mise en pratique par Fraud, à partir du 2 novembre 1920 à avril 1921, va permettre l'achèvement des 12e et 13e lots, et la fin des conventions passées avec les Fokonolona. Son grand mérite pour l'administration provinciale est de se fonder sur une base légale, le décret du 9 mars 1920. L'article 18 de ce texte stipule : " Le Fokonolona peut se charger, suivant conventions passées pour le compte des services locaux et moyennant juste rétribution, de l'exécution des travaux publics tels que fournitures de matériaux, construction de bâtiments, ouverture ou empierrement de voies de grande communication. "

Fraud propose donc à l'autorité supérieure d'utiliser les Fokonolona dans " l'exécution de tâches fractionnées conduites en régie, pour respecter la lettre du texte ". Jean Fremigacci, dans son étude sur la " Mise en valeur coloniale et travail forcé : la construction du chemin de fer Tananarive-Antsirabe 1911-1923 ", en 1975, estime que ce serait un progrès notable sur les pratiques antérieures. Et, comme l'écrit, le 19 novembre 1920, l'administrateur du Vakinankaratra au gouverneur général, " il serait enfin possible d'assurer à la main-d'œuvre des logements et des conditions de vie normales, conditions qui n'étaient pas réalisées jusqu'ici sur les chantiers des entrepreneurs ".

L'auteur de l'étude cite deux autres avantages de cette nouvelle méthode. Le premier est de gagner un ou deux ans dans la construction du chemin de fer. Le deuxième est, qu'en cas de non-respect des engagements pris, le Fokonolona peut être puni, " non au titre douteux de l'indigénat ", mais par les sanctions collectives prévues dans l'article 5 du décret du 19 novembre 1920, " véritablement providentiel ". " La contrainte par corps sera exercée, soit contre les récalcitrants si ceux-ci sont la majorité, soit contre les raiamandreny, anciens du Fokonolona. "

Sur le terrain, les populations ne peuvent guère constater le changement, selon Jean Fremigacci. Les avantages sociaux restent " théoriques " dans la mesure où l'on continue à livrer la main-d'œuvre des Fokonolona aux entrepreneurs privés. Ce qui, de l'aveu même du chef de la province de Vakinankaratra au gouverneur général en septembre 1921, " provoque les mêmes abus que la réquisition ". D'ailleurs avant lui, en février 1921, Hubert Garbit les qualifie lui-même " d'expédients provisoires destinés à faciliter la transition entre la réquisition et le travail libre... ".

En fin de compte, cette corvée camouflée donne un rendement rapidement décroissant et, dès le 19 février 1921, Fraud doit constater qu'elle va, à son tour, " faire faillite ". En effet, les travailleurs " recommencent à déserter en masse malgré les punitions collectives ou individuelles. Car leur fatigue est telle qu'ils sont contents d'être mis en prison ou de payer de fortes amendes... " Seul le Vakinankaratra ne peut s'en sortir, remarque Jean Fremigacci.

Une fois de plus, il faut trouver autre chose. Hubert Garbit suggère alors de mettre en œuvre la " récente législation du travail par laquelle il a inauguré son proconsulat " (arrêtés des 19 et 20 aout 1920 sur les commissions et les contrats de travail). Il s'agit, explique-t-il, " d'amener progressivement les Malgaches aux contrats de travail individuels ". La circulaire du 22 mars 1921 expose aux chefs de circonscription les méfaits de la réquisition et les vertus du libéralisme en matière de relations du travail.

En revanche, une contre-épreuve, fort inquiétante, est fournie par la province d'Ambositra, commandée par le redoutable administrateur Marchand. Selon Jean Fremigacci, ce dernier est moins respectueux des principes et des textes que son homologue Fraud, et maintient la corvée des Telopolo andro (trente jours) qui dure soixante jours, pendant les années 1920

et 1921.

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