La mesure prise par l'État du Sénégal de doter les producteurs sénégalais du matériel et équipements agricoles, et qui est entrée en vigueur plusieurs années avant, continue de soulever un débat, mieux une polémique assez nourrie dans le monde rural.
Si certains continuent encore de saluer ce principe de développer l'agriculture de manière générale et renforcer la production dans les différentes filières, chez d'autres, la mesure est vue comme prétentieuse, car n'ayant jamais été portée à bon port. Autrement dit, elle ne garantit guère un accès favorable des producteurs à ces équipements. Dans la plupart des villages, ce sont les petits producteurs qui en souffrent le plus. A part le matériel léger (semoirs, houes de Sine, et les autres accessoires de petit calibre), les producteurs sénégalais peinent toujours à bénéficier du matériel lourd (tracteurs). Et cela à cause des prix affichés hors de portée dans le marché, malgré la subvention à 60 ℅ par l'État pour chacun de ces engins. Mais il y a également l'absence sur le terrain de coopératives paysannes dynamiques capables d'investir dans ce genre de projet.
Aujourd'hui, dans le monde rural, rares sont les organisations qui disposent d'un tracteur. Celles qui en possèdent, utilisent peu les tracteurs en location au sein de leur région de résidence, mais dans d'autres régions du pays comme la vallée du fleuve Sénégal et les autres périmètres à forte exploitation rizicole. Une équation à plusieurs inconnus que la plupart des producteurs essayent de résoudre, mais vainement. Car ils ne peuvent ni disposer d'un tracteur, ni mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la location journalière d'un tracteur. Malgré les recommandations du président de la République qui a suggéré aux producteurs la nécessité de se regrouper autour de fortes organisations pour entrer en possession du matériel lourd, les paysans semblent traîner le pas.
L'autre remarque, ce que déplorent nombre d'acteurs du monde rural, c'est que le matériel agricole lourd a plus profité aux personnes nanties, aux privés et autres acteurs de l'agro-business en activité dans le secteur. Au-delà des sommes énormes collectées sur le travail de la terre, ces engins ouvrent aujourd'hui les portes d'un juteux business agricole. Et chaque année, leurs détenteurs se font plusieurs dizaines de millions qu'ils tirent de la location. Toutefois, dans le monde rural, bon nombre de producteurs continuent à déplorer le comportement de certains de leurs collègues qui, en périodes de vaches maigres, n'hésitent nullement à revendre leurs matériels dans les marchés hebdomadaires communément appelés " Louma " ou parfois dans certains pays limitrophes où les équipements agricoles sénégalais commencent à inonder les marchés.