Afrique de l'Ouest: Patrimoine Matériel et immatériel - Cinq pays de la sous-région veulent mettre en valeur le tourisme culturel

4 Février 2023

Des représentants de cinq pays : Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée et Mali ont convenu, en décembre dernier, lors du Festival Kom-Kom à Ziguinchor, de promouvoir le secteur touristique en mettant en avant la dynamique du patrimoine matériel et immatériel. Ils ont préconisé l'élaboration d'un plan d'action qui devrait aboutir à un salon international axé sur le tourisme, les industries culturelles, l'artisanat et l'environnement (Ticae).

Une des recommandations fortes de l'édition 2022 du Festival Kom-Kom de Ziguinchor qui s'est tenu du 15 au 18 décembre dernier insiste sur la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel en lien avec le développement touristique. " Nos grands-parents ne s'étaient pas trompés en nous léguant ce potentiel qui, à travers ses différents secteurs porteurs de croissance économique et sociale, doit être humanisé en vue d'une exploitation maximale pour le bénéfice des communautés, surtout celles polarisées autour des différentes zones touristiques ", a laissé entendre Khalifa Dramé, le Directeur du Festival Kom-Kom.

Ce potentiel, a-t-il souligné, est constitué de quatre secteurs transversaux mais complémentaires que sont : le tourisme, les industries culturelles, l'artisanat et l'environnement (Ticae) qui sont une belle approche-grappe multi-secteurs et multi-acteurs, chaque secteur disposant d'un potentiel assez important qui, s'il est bien articulé, devrait pouvoir créer des richesses mais surtout des emplois. " Et dans tout cela, nous avons les données culturelles et environnementales ", a-t-il poursuivi.

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D'ailleurs, comme l'a rappelé le Directeur sénégalais du patrimoine historique, Alassane Ndiaye, " le tourisme et le patrimoine sont intimement liés car, autrefois, le tourisme était articulé par des offres balnéaires, c'est-à-dire la plage, le bronzage, entre autres ". Une offre qui, selon lui, est devenue saturée, au fil du temps. " Entre-temps, les gens ont constaté qu'il y avait des choses à prendre, des marchés et des opportunités dans le domaine du tourisme culturel. Et le tourisme culturel aussi est organisé selon certaines réalités culturelles ", a-t-il soutenu. Et, M. Ndiaye d'ajouter : " La culture en tant que telle est un peu encadrée selon un schéma normatif au niveau international. Car il y a l'Organisation des Nations unies qui a une structure qui gère la culture. Et à l'Unesco, on retrouve autant de conventions à travers lesquelles on définit les directives opérationnelles, des critères de gestion et de protection des biens culturels. Notre pays, le Sénégal, qui s'est inscrit dans cette directive, a déjà ratifié beaucoup de conventions ".

Liens de solidarité

Mais, souligne le Directeur du patrimoine culturel, " aujourd'hui, la question fondamentale qui se pose est celle relative à la mise en tourisme de ces questions fondamentales ". À travers ce festival autour de la calebasse, se sont tissés des liens de solidarité pour raffermir davantage les peuples du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée et du Mali, entre autres nations africaines, au prix de beaucoup de sacrifices.

C'est à partir de 2017, comme l'a rappelé Elimane Baba Ndao du Syndicat régional de promotion touristique du Sine Saloum, que le Gie Goorgorlou, en partenariat avec ledit syndicat, avaient compris la dimension de la notion culture, en organisant un atelier sur le thème : " Calebasse et langues nationales ". " Ceci nous a permis, ensemble, de comprendre comment ce matériau, entre l'imaginaire et l'agriculture, était présenté à la naissance comme à la mort dans beaucoup d'ethnies ". Pour M. Ndao, la calebasse est véritablement un facteur d'intégration. Ainsi, dans la vision prospective de Goorgorlou et dans le projet de développement des terroirs (Parena), des thèmes didactiques ont été développés en tenant compte que tout ce qui est culture est culturel. La culture étant le fondement sur lequel se construit l'humain.

" Le patrimoine monumental avait une part belle dans les classements de l'Unesco jusqu'au moment où l'institution a compris que le patrimoine immatériel était l'âme de l'humanité ", a avancé Elimane Baba Ndao. Ce dernier a insisté sur la nécessité de mieux s'enrichir des enseignements de " nos Leuls " (lieux de circoncision) qui " renferment toute une relation entre la culture et la biodiversité qui sont des outils de compréhension de l'écotourisme à travers le chant ".

Promouvoir le tourisme entre les pays

Dans cette dynamique, la volonté de promouvoir le tourisme entre les différents pays a été affichée lors des panels organisés en marge du festival. Ainsi, en tenant compte du fait que la calebasse est un élément d'intégration, les bases d'un partenariat ont été jetées pour faire en sorte que la culture soit au centre des préoccupations touristiques, en plus de la biodiversité. Selon Khalifa Dramé, président du Gie Goorgorlou, " il faudrait que les gens voient en la culture un élément essentiel, mais aussi porteur de croissance et de valeur, qui fait que les gens peuvent se rencontrer, puisque c'est la vocation essentielle du tourisme, pour ainsi bâtir une humanité ".

Pour Dr Adama Ba, chef de la délégation de la Gambie, en ce " qui concerne le tourisme inter-États, l'histoire ancienne peut déjà faciliter cette idée adossée à l'imaginaire qu'il convient de revaloriser en droite ligne des relations entre le patrimoine et le tourisme ". Il a donné l'exemple du " Ninki Nanka " qui était intensément vécu en Gambie et qui pourrait être revisité pour connaître une nouvelle dynamique.

L'autre aspect qui a été bien pris en compte, c'est bien la présence des Manufactures des arts décoratifs de Thiès dont le Directeur général, Aloyse Ndam Diouf, a expliqué la vocation en estimant que sa " structure dispose d'une véritable offre touristique toujours méconnue du point de vue touristique et qui est basée sur le patrimoine ".

Avec, dans ce festival, on note aussi l'implication des groupes ethniques et autres associations des terroirs, avec qui travaille le Gie Goorgorlou. Ceci, selon Khalifa Dramé, pour permettre aux populations de profiter de l'économie du tourisme et plus particulièrement de ceux ou celles qui détiennent et protègent le patrimoine, tout comme l'environnement. " Nous avons estimé que ce sont ces populations qui doivent être les premiers bénéficiaires de ces secteurs transversaux en lieu et place d'autres acteurs qui viennent vivre sur leur dos. Cette thématique de l'Organisation mondiale du tourisme de repenser le tourisme est très intéressante en ce sens qu'elle s'adresse directement à l'humain qu'elle remet au centre des préoccupations ", a-t-il expliqué.

Répertoire de sites de patrimoine

Il faut le souligner, dans tous ces pays, il existe dans leurs différents terroirs, un répertoire de sites de patrimoines très attractifs qui parfument déjà le circuit construit entre les îles du Saloum, le Pays Bassari, la Gambie et la Guinée-Bissau, et dont les effets induits profitent aux populations visitées. Certains villages renferment un patrimoine culturel, socle d'une cohésion sociale entre plusieurs ethnies. La Casamance et les Iles du Saloum ont donné l'exemple en menant déjà le même combat auquel sont venues s'ajouter d'autres populations de ces pays.

Parmi les solutions préconisées pour la mise en marché de ce tourisme inter-États, l'instauration d'une libre circulation du flux touristique et l'élaboration des programmes touristiques entre les États. En droite ligne de l'esprit de la politique commune de l'Uemoa, dont le thème choisi traduit le constat d'un faible développement du tourisme entre les États, malgré les potentialités majeures. " Nous avons plus de 500 ethnies, plusieurs sites classés patrimoine de l'Unesco, des zones côtières partagées très propices aux circuits inter-États qui constituent un même peuple et dont la Guinée, véritable paradis touristique sort du lot avec un riche tourisme de découverte ", a souligné le président de Goorgorlou.

Ainsi, une belle occasion est donnée aux populations de ces pays, et au-delà, de réinventer un espace de paix, de circulation des idées et de prospérité pour tous. Mais également de travailler pour la construction d'une conscience historique basée sur le développement économique porté par la grappe Ticae. Une première étape a été franchie avec l'expérience entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau qui partagent tout, dans le cadre du développement durable, avec les indications géographiques de territoires, à travers un inventaire du patrimoine qui n'a de valeur que s'il y a une économie. " Ainsi, la calebasse étant un élément d'intégration, elle constitue également un moyen pour promouvoir le tourisme entre les trois pays que sont : le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau ", a fait savoir Dr Oumar Ba, chef de la délégation gambienne.

Tous ces éléments sont bien pris en compte dans les tapisseries des Manufactures des arts décoratifs de Thiès (Msad) où les mythes et légendes sont aussi matérialisés. C'est dire qu'un festival commun sur tous ces éléments devrait pouvoir favoriser une harmonisation des politiques d'aménagement touristiques et la construction de circuits vendables.

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