À Madagascar, prévenir et lutter contre la corruption en milieu carcéral, c'est l'objectif de la Commission nationale indépendante des droits de l'Homme (CNIDH). Alors qu'elle a rendu visite, depuis son existence, à une cinquantaine de lieux de privation des libertés dans toute l'île, cette dernière vient de publier, en collaboration avec l'OIF-océan Indien, un guide à destination des détenus et de leurs familles qui liste, entre autres, les procédures officielles et les services gratuits régulièrement monnayés dans les prisons.
Droit de visite, demande de mise en liberté provisoire ou encore acheminement de nourriture à un détenu... autant de procédures trop souvent accordées en l'échange d'une somme d'argent. Pour Seth Andriamarohasina, président de la CNIDH, l'opacité qui règne dans le milieu carcéral favorise ces actes de corruption : " Très peu de personnes connaissent les démarches à suivre. Il y a des gens qui viennent des campagnes. Il y a aussi la peur et le manque de familiarité avec l'administration. Face à cela, il y a des agents de l'Etat ou d'autres personnes qui connaissent les rouages administratifs qui s'interposent comme intermédiaires et qui demandent de l'argent à ces personnes qui n'ont pas suffisamment de connaissances. Selon des enquêtes que nous avons effectuées, la demande de mise en liberté provisoire, qui est une procédure totalement gratuite, est parfois moyennée par des rabatteurs, par des agents de l'Etat ou par d'autres personnes auprès des juridictions jusqu'à 2 millions d'ariary, l'équivalent de plus de 400 euros", précise-t-il.
" Endiguer les actes corruptifs "
Lever le silence autour de ces actes considérés, par beaucoup, comme une norme, c'est aussi l'ambition de ce guide d'environ 80 pages, publié en version numérique et en format papier. " L'objectif c'est d'endiguer les actes corruptifs, concernant surtout les agents de l'Etat. C'est vraiment intolérable que des agents soient impliqués dans la corruption puisque c'est l'Etat qui garantit la jouissance des droits et qui fait respecter les droits de l'Homme. Donc, il faut aussi inculquer et développer l'esprit de dénonciation des actes de corruption. C'est pour ça que nous avons aussi mis dans notre guide les lois et les textes qui protègent les personnes détenues, les dénonciateurs, victimes de ces actes de corruption", poursuit le président de la CNIDH.
Lourdeurs administratives et surpopulation carcérale
Une corruption aussi entretenue par des lourdeurs administratives et une surpopulation carcérale. " Il y a une corruption dans les deux sens. Il y a les actes commis par les agents de l'Etat et il y aussi des citoyens qui se retrouvent dans l'engrenage de la corruption. [...] Quand il y a surpopulation, il y a lourdeur de procédures. Lorsqu'il y a des dossiers en suspens qui n'aboutissent pas, on peut être amené à corrompre quelqu'un pour que le dossier soit traité plus facilement ", fait encore savoir Seth Andriamarohasina.
Dans la plupart des prisons malgaches, l'effectif des détenus représente le triple de la capacité d'accueil.
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