C'est le bureau de l'"Attorney General" qui a été désigné comme la "Central Authority" pour recevoir les demandes de la "Mutual Legal Assistance" (MLA). Or, il ne répond pas à nos demandes d'information.
Il sera difficile pour Maneesh Gobin de dire qu'il n'était pas au courant de la requête pour une commission rogatoire venant des autorités réunionnaises. Donc, même avant la signature du traité d'entraide judiciaire et d'extradition entre Maurice et la France en novembre 2022, le premier s'était engagé à aider un autre pays signataire.
On nous a fait comprendre qu'une commission rogatoire tombe bien sous la Mutual Legal Assistance. D'ailleurs, le jugement réunionnais précise que Maurice n'a pas refusé de fournir son aide dans le cas de Jean Hubert Celerine, alias, Franklin. Des engagements avaient même été pris en vain par la police mauricienne pour interpeller Franklin. Pourtant, contacté, le commissaire de police (CP) d'alors, Mario Nobin, nous répond de façon lapidaire : "Knowledge nil please." S'il dit vrai, qui a fourni ces faux "engagements" aux autorités réunionnaises pour le compte de la police ? Khemraj Servansing, son successeur ? Ce dernier nous dit qu'il n'a jamais vu ce dossier et que s'il avait été déposé à son bureau, il s'en serait souvenu car il concerne une affaire très grave de trafic de drogue international. Il est vrai que Servansing n'a été nommé CP qu'en juillet 2021, alors que la requête pour la commission rogatoire a été faite en 2019.
Il est aussi possible que ce soit le directeur de l'Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU), Choolun Bhojoo, qui avait le dossier à l'arrivée de Servansing, après que Mario Nobin ou quelqu'un d'autre le lui ait remis. De toute façon, le dossier aurait normalement dû lui être adressé par le CP de police de 2019. Or, Choolun Bhojoo n'a pas répondu à nos appels et messages. C'est un de ses assistants qui est revenu vers nous pour nous dire que c'est une affaire judiciaire qui ne concerne pas l'ADSU. Toujours par l'entremise de son assistant, nous lui avons demandé si le dossier ne lui était jamais parvenu, mais nous n'avons obtenu aucune réponse.
Procédures pas bien claires
Selon la procédure, c'est la Central Authority, soit le bureau de l'Attorney General (AG), qui remet le dossier au Parquet qui le présente à la justice, que la police soit intervenue ou non. Nando Bodha, alors ministre des Affaires étrangères et qui était en copie de toute communication venant de l'étranger, nous fait savoir de son côté que de telles requêtes concernant la police sont envoyées au Prime Minister's Office (PMO) et que celles concernant le judiciaire à l'AG, son ministère n'agissant que comme une courroie protocolaire. Donc si on comprend bien ce que dit Nando Bodha, la demande de commission rogatoire concernant Franklin a atterri au PMO, qui devrait la transmettre à la police.
Bodha ajoute que selon "ses informations", la requête réunionnaise a bien été portée devant la Cour suprême en 2019 mais qu'aucune suite n'y a été donnée après que Franklin ait fait une déclaration à cette même cour. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-il vrai d'abord que Franklin ait comparu en Cour ? Son avocat a bloqué notre journaliste depuis l'éclatement de l'affaire Franklin. Ce dernier, comme nous l'avons déjà écrit, nous avait parlé d'un ton très menaçant lors de notre dernière conversation, tout en nous prévenant de ne plus l'appeler. Dont acte.
Ce qui est certain, c'est que la convention sur la Mutual Legal Assistance stipule que : "Following execution of the Request, evidence produced to the Court is handed over to the Central Authority (NdlR, bureau de l'Attorney General) for transmission to the Requesting State either via diplomatic channels or by courier (in case of urgent matters)." En clair et en français, c'est le bureau de l'AG qui avait la responsabilité de faire un retour aux autorités réunionnaises. En l'absence ou en cas d'échec de l'interpellation de Franklin, on veut bien croire que Maneesh Gobin ait quand même informé le requérant de l'île sœur. À moins qu'il leur ait dit que "l'enquête est en cours" et que la justice réunionnaise, lasse d'attendre, ait jugé Franklin et Nono par contumace.
Négociations pour un accord
Autre interrogation, s'il faut croire Nando Bodha qui affirme que Franklin a bien comparu en Cour suprême et que cela n'a rien donné - car, faut-il le rappeler, Franklin se pavane depuis 2019 en toute liberté au nez et à la barbe de notre police, y compris l'ADSU et la Special Striking Team -, on se demande pourquoi une application ex parte autorisée par la convention n'a pas été faite. Pourquoi Franklin a-t-il été invité à se défendre contre cette requête ?
Plus intéressant encore, une source au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) nous dit qu'il y aurait eu une négociation pour trouver un accord dans l'affaire Franklin. Quelles négociations ? Quel accord ? Il est difficile de penser que Maurice ait refusé d'interpeller Franklin, et encore moins de le remettre aux autorités réunionnaises pour des raisons humanitaires ou parce que nos autorités craignaient qu'il soit victime de violation de ses droits aux mains de la police et de la justice réunionnaises.
Nous avons aujourd'hui abordé le volet de la commission rogatoire. Nous reviendrons bientôt sur celui du jugement du tribunal correctionnel de St-Denis pour tenter de savoir si et comment il a été signifié à Franklin et Nono ou, le cas échéant, pourquoi il ne l'a pas été ? Il faut dire que, que ce soit le gouvernement ou l'opposition, tout le monde semble être très frileux sur ce dossier.