Dans le sillage des commémorations des 188 ans de l'abolition de l'esclavage, le 1er Février, Jean-Claude Jance fait le point sur la situation du paysage culturel du Morne. Le 2 juillet, cela fera 15 ans que le Morne est classé patrimoine mondial.
Le nouveau "Management Plan" du paysage culturel du Morne, classé patrimoine mondial, a-t-il finalement été soumis à l'Unesco ?
Pas encore. Le document est toujours au niveau du ministère des Arts et du patrimoine culturel. Nous devons finaliser certains points avant de présenter le document au Conseil des ministres. C'est un dossier étoffé qui demande d'être mis à jour parce que les données, les réalités ont changé.
En décembre 2021, le ministre de tutelle et vous-même aviez dévoilé ce "Management Plan". Plus d'un an plus tard, il n'est pas encore prêt ?
Il y a des points techniques qu'il a fallu revoir...
Donnez-nous un exemple.
Prenez le Local Economic Development Plan (NdlR : le Management Plan est divisé en quatre parties qui concernent la gestion du lagon, des terres et le développement du village du Morne). Avec tout ce qui s'est passé post Covid-19, nous voulons développer le tourisme culturel dan tou so grander. Comme plusieurs partenaires sont concernés, nous voulons tous les inclure.
Le Trust Fund s'occupe aussi de diverses demandes de permis. Il y a maintenant un comité pour examiner les demandes, de concert avec le conseil de district de Rivière-Noire.
Les demandes passaient déjà chez vous et au conseil de district. Qu'est-ce qui a changé ?
Maintenant les demandes passent d'abord au conseil de district avant d'arriver chez nous.
C'était le contraire auparavant ?
Oui.
Le signal que cela donne c'est que c'est le développement d'abord, le patrimoine ensuite ?
De toute façon, il faut que les projets respectent les exigences de l'Unesco à la lettre.
Quand le document sera-t-il envoyé à l'Unesco ? Le plan de gestion devait déjà être soumis en 2014.
Incessamment.
L'Unesco n'a pas signalé que Maurice accuse un retard ?
Non, pas encore.
Vous avez mentionné le "Local Economic Development Plan", qui concerne l'avancement du village du Morne. Comment imaginer la croissance alors que la fourniture d'eau - un élément de base - est irrégulière depuis longtemps dans la région. Pas plus tard que la semaine dernière, des habitants de La Gaulette, Case Noyale, Coteau Raffin ont manifesté leur colère après que les robinets soient restés à sec plus de trois jours.
Des choses ont été faites : pran dilo larivier, tret li. Et la distribuer dans le village. Cela a fonctionné. Nous en sommes reconnaissants. On sait qu'après les fortes pluies, quand on ouvre les vannes, sa eklat bann tiyo. Il faut moderniser le réseau. Cela se fera par étapes.
La question de la fourniture d'eau estelle prise en compte dans le "Management Plan" du patrimoine mondial ?
Non, cela n'est pas inclus.
Vous estimez qu'il faut tenir compte de cette réalité dans la gestion du patrimoine mondial ?
Nous avons mis à jour le Management Plan et cette question s'est invitée dans le débat. On ne s'y attendait pas. Pourquoi ne pas en tenir compte ? Nous ne sommes pas là pour faire la sourde oreille.
L'autre volet qui retient l'attention c'est la gestion des terres. Une parcelle additionnelle du Morcellement Cambier est prise en compte dans le "Planning Policy Guidance" (PPG 2) de 2021. Est-ce que le projet du Morne IRS est toujours d'actualité ?
Tout projet doit être conforme aux règles de l'Unesco. Toute construction ne doit pas dépasser le rez-de-chaussée.
Y a-t-il une demande de permis devant les instances concernées ?
Pas à ma connaissance.
Les deux hôtels RIU au Morne sont en chantier actuellement. Ils seront rasés et reconstruits avec plus de chambres.
Plus de chambres mais sur la même superficie de terrain.
Est-ce que d'autres hôtels sont à venir dans la région du Morne ?
Oui, mais je ne peux pas me prononcer sur l'état d'avancement.
La péninsule du Morne s'approche- t-elle d'un seuil de saturation en nombre d'hôtels ?
Les 16 hôtels étaient là avant le Planning Policy Guidance 1 (NdlR : document de 2007). Avec le PPG2 (NdlR : document de 2021), dans la zone tampon du paysage culturel du Morne, il n'y aura pas d'autres d'hôtels.
La zone tampon de ce patrimoine mondial s'étend jusque dans la mer. Des désaccords avaient surgi dans le cadre de la pratique du kitesurfing. C'est chose du passé ?
Zot pa fer bann tapaz. Il n'y a pas de carburants largués dans la mer. Et un périmètre a été délimité. Tant que le kitesurfing n'en sort pas, qu'il respecte les critères, il n'y a aucun souci. Il nous faut préserver l'environnement marin au spot Oneye aussi.
C'est une activité qui rapporte aux gens du Morne ?
Quand c'est un festival, oui. Pas quand ce sont des individus qui le pratiquent. Je n'étais pas encore en poste comme président, mais il y a eu des indemnisations pour les pêcheurs, pour un festival international.
À votre nomination en septembre 2021, vos priorités étaient la création d'emplois, le développement des tables d'hôtes et le pèlerinage annuel au Morne. Avez-vous entrepris la création d'emplois ?
Prenez les cases construites à Trou Chenille au pied de la montagne (NdlR : cases qui font partie de l'Open Air Museum inauguré le 1er février 2020). Il y a un projet pour que des habitants du Morne puissent proposer des produits d'artisanats sur place. Cela se fera dans un avenir pas trop lointain. La question de ce que les habitants tirent de ce patrimoine mondial me préoccupe.
Quatre collégiens du Morne ont réussi aux examens du School Certificate avec cinq, six et sept Credits. Ce sont des role models. Le patrimoine mondial doit promouvoir l'éducation. LMHTF va leur donner une enveloppe leur permettant par exemple d'acheter du matériel scolaire. À l'avenir, cela pourrait devenir une bourse. Les bailleurs de fonds dans la région gagne sa. À leur tour ils bénéficieront du branding du patrimoine mondial.
Cela fera 15 ans que le paysage culturel du Morne est patrimoine mondial. Cela fera donc 15 ans qu'on parle de développer des tables d'hôtes dans le village.
Sakenn inn sey fer enn zafer dans so manyer. C'est vrai qu'il n'y a pas eu une grande évolution avec 15-20 tables d'hôtes dans le village. Il n'y en a que deux, trois. Nous en avons discuté avec le ministère du Tourisme. J'ai buté contre certains obstacles. (Il ne souhaite pas en dire plus).
À titre personnel, j'ai accompagné quatre, cinq familles. Il faut se demander si elles ont le savoirfaire et la volonté pour gérer une table d'hôte. Fode kan sa klian-la asize, li pe manz enn ti manze, li pa pe tann lot la pe lager par laba. Je les ai accompagnées pour inculquer une culture d'entrepreneuriat. Durant mon mandat, si j'arrive à voir quatre, cinq nouvelles tables d'hôtes, je serais très heureux.
L'Unesco a aussi signalé le manque de guides formés au Morne. En un peu plus d'un an en poste, vous avez attaqué ce problème ?
LMHTF n'a pas de guides. Nous travaillons pour avoir une équipe de guides formés qui soit le reflet de la culture des descendants d'esclaves. Anou travay pou reapropriasyon bann desandan.
Le 2 juillet cela fera 15 ans que Le Morne est patrimoine mondial. Quelle est la prochaine étape ?
Que les habitants tirent profit de ce site. Pour le moment, ce sont les opérateurs économiques qui en bénéficient.
Le Morne Heritage Trust Fund: Nouveau directeur, recrutement en cours
C'est fin 2022 qu'a été lancé l'appel à candidatures pour recruter un directeur de Le Morne Heritage Trust Fund (LMHTF). La date limite pour postuler était fixée au 26 décembre dernier. Il s'agit d'un "permanent and pensionable post" avec un salaire mensuel de Rs 103,875. Le poste d'officer in charge est occupé par Magali Sinatambou, proche de l'ex ministre Étienne Sinatambou, depuis 2015.