Sénégal: Cordonnerie - A Ngaye, "Caawaan" mise sur des ateliers-satellites pour dupliquer son modèle

Ngaye Mékhé — Le GIE "Caawaan", propriétaire de l'un des ateliers de cordonnerie les plus réputés pour la qualité de ses produits à Ngaye Mékhé, mise sur la formation et l'aide à l'insertion des jeunes à travers des ateliers satellites, pour dupliquer son modèle, a dit à l'APS, son secrétaire général, Mactar Guèye.

L'entreprise familiale "Caawaan", créée vers 1930, transmet de père en fils, les métiers du cuir, une tradition qui existait du temps du royaume du Cayor. Elle fabrique des chaussures, des ceintures, des sacs, des jackets, des ballons, des porte-documents, etc.

L'ère de la modernisation est intervenue avec l'actuelle équipe, qui est allée se former en France, notamment à Poitiers, Niort, en Haute-Savoie, explique Mactar Guèye, qui a arrêté ses études pour se consacrer à la perpétuation de cet héritage.

Grâce à l'initiation de son père, sa formation à l'étranger et sa participation à des expositions internationales au Burkina Faso, en Tunisie et ailleurs, l'entreprise a acquis une expérience qui l'incite à envisager la création d'une structure de formation.

Guèye ne peut concevoir le chômage des jeunes dans un contexte où il y a beaucoup d'opportunités. "Le chômage, je n'y crois pas", martèle-t-il.

Refusant de céder à la tentation de l'émigration, qui serait à ses yeux, une "fuite de responsabilité", il est d'avis qu'il vaut mieux rester au bercail pour appuyer les jeunes et développer le pays".

Pour dupliquer son modèle, "Caawaan" s'appuie sur des ateliers satellites, tenus par des fils, des frères, neveux et autres proches, que l'entreprise a formés avant de les aider à s'installer à leur propre compte.

L'atelier-mère leur offre une machine pour démarrer et les suit, à la condition qu'il ne s'associe pas à d'autres artisans. "A terme, ils deviennent comme Caawaan", dit-il.

"On les forme gratuitement pendant des années sans aucun apport de l'Etat", précise Mactar Guèye.

Une bonne partie des cordonniers formés par "Caawaan" restent à Ngaye, tandis que d'autres vont s'installer à Dakar.

Lorsque l'atelier-mère reçoit une grosse commande, elle en sous-traite une partie à ses satellites, pour aller plus vite, mais aussi leur permettre d'avoir des rentrées d'argent.

Pour Mactar Guèye, le manque de financement est le "principal obstacle" à l'industrialisation des ateliers de cordonnerie, en raison de la cherté des équipements.

"On a besoin de financement pour industrialiser le secteur parce le matériel coûte cher", dit-il en recevant des journalistes de l'APS, en perspective du Conseil des ministres prévu mercredi dans la capitale régionale, Thiès.

"La matière première est aussi introuvable au Sénégal. On est obligé de se rabattre sur l'Europe ou certains pays asiatiques pour en avoir, alors qu'au Sénégal des nombres incalculable d'animaux meurent dans le pays", regrette-t-il.

Les peaux importées sont des résidus de moindre qualité, alors que le Sénégal exporte des peaux brutes, a déploré le cordonnier qui invite l'Etat à promouvoir des tanneries modernes.

Conscient du savoir-faire local, reconnu par les patrons de grandes marques étrangères, Mactar Guèye lance : "Notre objectif, c'est de battre quiconque amènera des chaussures dans le pays, que ce soit les Chinois, les Américains, les Italiens".

Pour ce faire, il dit avoir besoin de certaines facilités et d'un encadrement de l'État. Mais, "que l'Etat agisse ou non, nous avançons", assure-t-il.

Il croit dur comme fer que "Caawaan", à l'image de grandes entreprises familiales européennes ou asiatiques, peut rayonner à travers le monde.

"On a démarré avec deux machines, mais on en est à une multitude, bien que ce soit d'anciennes machines", relève-t-il.

"Nous pouvons produire jusqu'à 2.000 paires de chaussures en vingt jours ou moins en fonction de notre capital et de l'acquisition de matériaux", dit-il.

L'atelier qui exécute des commandes de chaussures de l'armée, a approché la gendarmerie pour leur proposer la confection de selles pour le harnachement des chevaux. La proposition est pour le moment restée sans suite.

La sellerie est une spécialité rare au Sénégal, relève M. Guèye, notant avoir été sollicité par une structure anglaise, pour une formation dans ce domaine.

Dans le cadre d'une mission du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il a aussi séjourné pour 15 mois en Centrafrique, pour y former des jeunes en cordonnerie.

A l'en croire, l'installation d'une usine de fabrication de boucles et autres accessoires importés jusque-là, faciliterait aussi la tâche aux cordonniers de Ngaye.

Le maire de Ngaye, Maguette Wade, farouche défenseur de l'artisanat local, se bat pour l'installation de cette usine, dit-il.

Aussi Mactar Guèye plaide-t-il pour un meilleur accès à la commande publique.

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