Sénégal: Ousmane Sow - L'obsession de transmettre l'art de la sculpture

Louga — Le sculpteur lougatois Ousmane Sow s'inspire de l'adage selon lequel il n'y pas de sot métier pour vivre de son art et partager le savoir-faire qui en résulte, histoire d'assurer la transmission d'un métier qu'il a hérité de son père.

Le sculpteur de 47 ans, dont l'atelier se trouve à Thiokhna, un quartier de Louga situé en face de la préfecture, travaille à partir du bois d'ébène. Il réalise principalement des tables à manger, des mortiers et des pilons, mais également des bancs décoratifs et divers autres gadgets. Il a rejoint son père dans son atelier à 10 ans, pour s'initier au métier. Mais l'enfant turbulent qu'il était a eu du mal à s'adapter, de la même manière qu'il n'a pu faire avec les contraintes de l'école.

L'apprenti-sculpteur a été donc envoyé vivre en Mauritanie avant de revenir auprès de son père à Louga, en 1989, sans que son côté rebelle ait changé pour autant. Ce qui le mettait toujours autant en mal avec son père. "Mon père ne cessait de me frapper parce que j'étais très turbulent, et c'est pourquoi j'avais décidé de fuir, mais j'étais déjà tombé sous le charme du métier de sculpteur", dit-il.

Sa nouvelle passion l'amena à faire le tour des pays limitrophes du Sénégal - Gambie, Guinée Bissau, Guinée Conakry et Mali -, pour s'aguerrir au métier.

Dans son atelier, l'attention du visiteur et des passants se porte naturellement sur divers objets traditionnels fabriqués à partir de bois d'ébène. Un univers dans lequel Ousmane Sow s'évertue à transmettre son savoir-faire à son fils et son beau-fils. En cela, il s'inspire de son père qui obligeait ses enfants à aller à l'école ou à rejoindre son atelier pour apprendre le métier.

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"Le plus grand héritage que l'on peut laisser à son enfant, c'est un métier, parce que c'est ce qui lui permettra de pouvoir gagner sa vie partout où il se retrouvera", dit Ousmane Sow. Aussi considère-t-il que c'est de sa responsabilité de transmettre son savoir-faire aux jeunes notamment à ses enfants notamment.

Un parcours scolaire marqué par des échecs successifs

"Je fais de mon mieux pour partager le peu de mon savoir avec les jeunes, car je crois que c'est mon devoir de transmettre ce que j'ai appris à mes enfants pour éviter qu'ils se retrouvent demain sans métier et sombrent dans la délinquance", a-t-il déclaré, citant en exemple son propre parcours scolaire "fortement marqué par trois échecs successifs". Ce qui assure-t-il, ne l'empêche pas de réaliser sa vie comme bon lui semble.

D'où sa détermination à "inciter les jeunes adolescents ou les jeunes qui ont abandonné les études à aller très tôt apprendre un métier". "J'ai très tôt quitté l'école parce que j'ai fait trois fois la classe de CP, et tous les trois ans, j'étais le dernier de la classe. Mais c'est grâce à mon métier que je n'envie personne de mes camarades" de l'époque qui ont poursuivi leurs études, a-t-il martelé.

Selon lui, "le vrai défi" auquel tout homme se trouve confronté est d'avoir un métier et de ne pas avoir le complexe de l'exercer, l'essentiel à ses yeux étant de parvenir à "gagner dignement sans vie". "C'est grâce à ce métier que je parviens à subvenir aux besoins de ma famille, de mes deux épouses et de mes enfants, parce que les affaires marchent bien", déclare-t-il.

Se disant d'un "optimisme raisonné", l'artiste-sculpteur insiste sur "la nécessité de s'acquitter de ses devoirs et de laisser le reste entre les mains du Tout-Puissant, car Dieu a toujours le dernier mot". "En me levant le matin pour venir travailler, je n'ai aucune certitude de ce que je vais gagner, mais je reste confiant parce que je sais que j'ai fait ce que je devrais faire", a-t-il ajouté, assis sur son tabouret, les cheveux hirsutes, le visage radieux et sourire aux lèvres.

Ousmane Sow dit être incapable de dire ce qu'il gagne par jour, mais il ne se plaint pas. "Tout dépend de Dieu car je peux rester une journée sans avoir un seul centime, et le lendemain me retrouver avec une somme de 100.000 francs CFA grâce à la vente de mes objets d'art", ajoute-t-il, avant d'assener que sous ce rapport, la sculpture est un métier qui fait bel et bien vivre son homme.

"Je crois que ceux qui disent qu'il n'y a pas de travail dans ce pays se trompent lourdement ou ils ont opté pour l'Europe, la facilité ou être employé par l'Etat, alors que l'essentiel est de se former, apprendre un métier et l'exercer pour subvenir à ses besoins", lance-t-il.

L'artiste considère qu'à ses yeux, "le premier soutien de l'Etat" tient au fait que les pouvoirs publics lui donnent déjà la possibilité d'occuper, sans "aucun problème", la place lui servant actuellement d'atelier en face de la préfecture.

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