Ile Maurice: Dépréciation de la roupie - La baisse du fret maritime aura-t-elle un impact sur l'inflation ?

Passant de transitoire à importée pour devenir un problème local, l'inflation reste un thème chaud de l'actualité en ce début d'année. Si les raisons expliquant la ténacité du taux élevé de l'inflation ont été à maintes reprises abordées, l'impact du coût du fret tend à être sous-estimé.

Selon une analyse du Fonds monétaire international (FMI), quand le coût du fret maritime double, cela entraîne une augmentation de 0,7 point de pourcentage à l'inflation. Compte tenu des restrictions de mouvement, des ralentissements dans les ports et de l'augmentation faramineuse du coût du fret qui s'ensuivit en 2021, le FMI estime donc que l'impact sur l'inflation en 2022 a été de plus de 2 points de pourcentage. Pourquoi cette hausse après coup ? Son étude démontre que l'effet des coûts de transport maritime sur l'inflation est plus durable que les effets des prix des produits de base, dont le carburant. Dans le premier cas, l'impact sur les consommateurs peut atteindre un pic après environ un an et durer jusqu'à 18 mois. En revanche, l'impact des prix mondiaux du pétrole sur l'inflation culmine après seulement deux mois.

Post-Covid-19, les prix du fret commencent à se stabiliser, pourtant si l'on suit l'analyse du FMI, l'on ne devrait pas en ressentir les effets en ce début de 2023. D'un autre côté, le glissement persistant de la roupie fait que même si effet il y a, il se verra bien vite contrecarré par l'écart entre la valeur des devises étrangères, dont le dollar et l'euro, face à notre roupie pour nos importations, gardant l'inflation en hausse. Nous y reviendrons.

Voyons l'évolution des coûts du fret. En 2019, le conteneur 20 pieds pour les pays de l'Est, dont la Chine, Singapour et la Malaisie, coûtait USD 800. Le conteneur de 20 pieds d'Inde, de Dubaï ou du Pakistan coûtait USD 850 en décembre 2019 et pour l'Europe, le conteneur coûtait USD 1000 en décembre 2019 toujours. En octobre 2022, le conteneur de 20 pieds sur l'Europe coûtait EUR 2 469 et EUR 3 090 pour le conteneur de 40 pieds. Celui de 20 pieds couvrant les pays de l'Est, dont la Chine, Singapour et la Malaisie coûtait USD 4 000 et celui de 40 pieds, USD 7 175. Le conteneur de 20 pieds d'Inde, de Dubaï ou du Pakistan coûtait USD 3 700 et celui de 40 pieds coûtait USD 5 500.

À vendredi dernier, l'on note une nouvelle tendance. Si les prix sont loin d'avoir retrouvé leur niveau de 2019, la tendance à la baisse est visible. Le porte-parole de l'Association professionnelle des transitaires, Yousouf Delbar, nous en dit plus : "Le conteneur de 20 pieds couvrant les pays de l'Est, dont la Chine, Singapour et la Malaisie, coûte USD 2 000 et celui de 40 pieds, USD 4 000. Le conteneur de 20 pieds d'Inde, de Dubaï ou du Pakistan est aussi à USD 2 000 et celui de 40 pieds à USD 2 700. En ce qui concerne l'Europe, celui de 20 pieds est à USD 2 000 et celui de 40 pieds varie entre USD 2 800 et USD 3 000." Or, il le précise, nous devrions pouvoir confirmer cette tendance à la baisse vers le mois de juin, le marché étant pour l'instant encore volatil.

Dans l'éventualité où la logistique internationale trouve une stabilité pérenne cette année, ceci ne voudrait toujours pas dire que l'inflation est de facto en baisse à Maurice. Une des raisons qui l'explique reste le déficit du compte courant et son impact sur une roupie qui continue à se déprécier. Si le dollar s'échangeait en moyenne à Rs 44,10 en décembre 2022, il s'échangeait à Rs 45 vendredi dernier.

Déficit du compte courant

Nous avons assisté à une dépréciation de la roupie de plus de 20 % depuis le début de la pandémie. Cette tendance d'une roupie faible devrait se maintenir tout au long de 2023, si ce n'est au-delà. Il est important de suivre la tendance de la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis. Jeudi dernier, la Fed a annoncé une nouvelle hausse de 0,25 point de pourcentage de son taux d'intérêt, impactant la valeur du dollar. Selon JP Morgan, si le dollar s'est apprécié de 12 % en 2022, sa valeur devrait trouver une stabilité au courant de 2023. Si cela s'avère, il y aura une pression en moins sur la roupie. Par contre, il faut s'attaquer à nos problèmes locaux. La Banque centrale a accumulé les interventions sur le marché des changes pour tenter de défendre la roupie.

Or, les forces du marché et nos réalités économiques locales, dont le déficit du compte courant et les investissements étrangers qui stagnent face à une dette élevée, rendent difficile toute action visant à maintenir la stabilité de la roupie sur la durée. Aussi, la nouvelle politique monétaire qui vise à ramener l'inflation à un taux variant entre 2 et 5 %, dont l'alignement des taux d'intérêt, se fera à travers des mesures fortes, nécessaires, mais graduelles compte tenu du niveau de la dette des ménages et des entreprises.

Ces mesures peuvent forcément avoir un impact sur la croissance tirée par la consommation en 2023, et une faible croissance réduit notre marge de manoeuvre pour atteindre nos objectifs de réduction du ratio dette/PIB et de renforcement de la valeur de la roupie. Sans oublier les spéculations qui accentuent, artificiellement, le glissement de la roupie.

Finalement, autre que la politique monétaire, il serait opportun de s'attaquer à d'autres chantiers titanesques, dont la consolidation fiscale et la performance de nos exportations et notre compétitivité, si l'on veut stabiliser notre roupie.

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