Après la FIU, au tour de l'ICAC de s'intéresser à Jean Hubert Celerine. La presse, elle, a déjà révélé que Franklin a été condamné à La Réunion pour trafic de drogue entre nos deux îles.
C'est la Financial Intelligence Unit (FIU) qui avait dégainé des armes pas trop lourdes contre Franklin le 20 janvier (Voir hors texte). L'Independent Commission against Corruption (ICAC) a suivi en arrêtant d'abord, lundi soir, le prête-nom allégué de Jean Hubert Celerine, un certain Rikesh Sumboo. Et Celerine, aliais Franklin ? Nous nous sommes enquis auprès d'une source. Réponse : "Il faut d'abord interroger le prêtenom." Rikesh Sumboo est ressorti de l'ICAC à la mi-journée d'hier pour être présenté devant la cour de Bambous.
Pas de menottes pour Monsieur Franklin
Peu après, Franklin est arrivé dans les locaux de la commission anti-corruption en homme libre et en est ressorti après deux heures, direction la cour de Bambous. L'ICAC confirme que Franklin a bien été arrêté, bien qu'il ne soit pas menotté, contrairement à Rikesh Sumboo. On apprend également que lors de son interrogatoire par l'ICAC, Jean Hubert Celerine a gardé son droit au silence. Un peu comme son avocat (voir hors-texte).
Franklin est ressorti du tribunal de Bambous, toujours sans menottes, pour être conduit en cellule policière jusqu'au 14 février. Sa demande de libération conditionnelle sera entendue le 20 février. La police aurait objecté à sa remise en liberté conditionnelle en n'invoquant que le risque d'interférence avec les témoins et les preuves, mais curieusement pas celui de fuite.
Il faut savoir que Jean Hubert Celerine a été convoqué "et arrêté", non pour trafic de drogue pour lequel il a été condamné à l'île soeur le 2 juillet 2021 mais pour le délit allégué de blanchiment de Rs 25 millions. Généralement, c'est l'enquête sur le trafic de drogue qui aurait dû être entreprise avant. À moins qu'elle ait déjà commencé et qu'elle soit en cours... D'ailleurs, d'après la FIU, Franklin est sur la watch list de l'Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) depuis de nombreuses années "and an enquiry is ongoing at its level (NdlR, de l'ADSU)".
Voilà une affaire (de blanchiment d'argent) qui, selon un avocat, mettrait Franklin à l'abri de toute velléité d'extradition vers La Réunion. "On dira qu'une affaire est en cours à Maurice. Il fallait y penser, n'est-ce pas ?" Nous avons tenté en vain de savoir de Maneesh Gobin si telle sera la position de notre pays.
La police ne semble pas encore décidée à interpeller le trafiquant
Ni l'ADSU ni la Special Striking Team et non plus le Central Criminal Investigation Department, special unit ou pas, ne se sont penchés sur le cas Franklin. Pourtant, pour qu'il y ait délit avéré d'exportation de drogue de La Réunion vers Maurice, il devrait y avoir aussi celui d'importation de drogue de l'île soeur vers Maurice.
D'ailleurs, l'express faisait état lundi du cas de Cédric Lebon qui a été arrêté, jugé (pas par contumace) et condamné à trois ans de prison à l'île soeur. À son retour à Maurice, il a été arrêté sur le champ pour les mêmes faits concernant une saisie à Sainte- Rose de 142 kg de zamal. Notre police a su trouver dans ce cas un chef d'accusation différent pour l'inculper, à savoir "doing any act preparatory in any place outside Mauritius to the importation of cannabis into Mauritius with an averment of trafficking". Pour Franklin, notre police n'y a même pas songé jusqu'ici.
Pourquoi la police mauricienne ne fait-elle pas de même à l'encontre de Franklin ? Nous l'avons demandé à notre interlocuteur-avocat. Réponse : "La police aurait pu le faire bien sûr mais aussi initier une autre enquête sur l'importation d'autres cargaisons de drogue et leur distribution dans le pays. Attendons voir."
À noter que si Franklin est éventuellement jugé et condamné à Maurice pour les mêmes faits de complicité de trafic de 141 kg de drogue, il risque sous la Dangerous Drug Act un maximum de 45 ans de prison, alors qu'à La Réunion, les mêmes faits et accusations n'ont donné que sept années de d'emprisonnement. Avec la possibilité d'expulsion vers Maurice avant la fin de sa peine.
Donation de Rs 10 millions
Pourquoi ce traitement spécial à Franklin ? Il se chuchote que celuici s'est arrangé pour que l'opposition sache qu'il aurait donné Rs 10 millions à un candidat de la majorité pour les élections de novembre 2019. Il aurait menacé de poursuivre sa "confession".
La FIU alertée depuis 2016
C'est le commissaire de police qui a référé à la FIU - qui tombe directement sous le Prime Minister's Office (PMO) - le cas de soupçons de blanchiment d'argent de la part de Franklin en... 2016. C'est ce que nous apprenons à la lecture de l'affidavit juré par la FIU le 20 janvier pour obtenir le gel des avoirs de Jean Huberte Celerine. D'autres morceaux choisis : Franklin est aussi banian, c'est-à-dire qu'il fait le commerce de poissons. Il possède deux speedboats, un jet ski et un bateau de type Legend de 26 pieds de long. Hormis les trois voitures qui auraient été saisies par l'ICAC hier, il "posséderait", à travers la compagnie Topfleet, 60 voitures, toutes n'ayant pas plus de trois ans. Le problème justement est que ses voitures, ses maisons, ses villas et ses autres business ne sont pas toujours au nom de Franklin. Les deux villas valant Rs 25 millions de La Gaulette par exemple sont au nom de Rikesh Sumboo, qui les aurait "vendues" à Franklin, mais en a conservé la propriété. Avec le gel ou restraining order émis par la FIU, qui interdit toute vente, Rikesh Sumboo ne pourra plus, ou du moins pas pour le moment, transférer les titres à Franklin.
Réponses à la presse : ça varie
Me Yatin Varma a été encore une fois très économe lors de ses déclarations à la presse après l'arrestation de son client, trafiquant de drogue. À une question d'un journaliste qui lui a rappelé qu'il avait beaucoup bavardé face la presse lors de l'expulsion du slovaque Uricek, Yatin Varma a sorti un argument imparable : c'est le client qui l'autorise à parler ou pas à la presse. Question : Uricek, qui était menotté et emmené de force dans l'avion en direction de la Slovaquie, a-t-il eu le temps de l'autoriser à parler à la presse ?
Kailash Trilochun confiant pour Sumboo, consterné pour Celerine
Contacté, l'avocat de Rikesh Sumboo, Me Kailash Trilochun, précise que son client n'a mis qu'une maison en location-vente à Franklin. Et une des voitures de Sumboo a été louée à une tierce personne qui l'a sous-louée à Franklin. "C'est tout. Pourtant l'ICAC a même saisi deux voitures de la fiancée de mon client. Celle-ci a pourtant démontré que l'achat de ces voitures a été fait à partir de financement bancaire." Me Trilochun se dit confiant que son client pourra prouver les sources licites de ses revenus. L'interrogatoire de Sumboo par la commission anticorruption reprendra demain à 13 h 30. L'avocat déposera une demande pour sa libération le 17 février. Concernant Franklin, Me Trilochun se dit consterné que ce ne soit qu'après que la presse a fait des révélations sur le trafiquant que les institutions ont décidé d'agir. "La drogue n'a jamais fait autant de ravages parmi nos jeunes que sous l'ère des Jugnauth... "