Dimanche 5 février, à Madagascar, la mémoire de tout un peuple s'en est allée. Paul Jaoravoana, alias Paul Congo, a rendu son dernier souffle, après avoir sauté de joie au but de la victoire des Baréa pour la 3e place de la CHAN. De quoi ajouter une dernière touche de magie au légendaire parcours de cet homme humble, simple, dont la voix et les récits ont bercé tant de Malgaches. Témoignages de personnes dont la rencontre avec Paul Congo a marqué à jamais leur vie.
Archiviste, griot contemporain, gardien des traditions orales du nord de l'île, Paul Congo a œuvré inlassablement pour préserver ce patrimoine immatériel menacé. Le corps du septuagénaire a été inhumé mardi 8 février au tombeau familial, dans la petite commune rurale d'Antsakoamanondro, près d'Ambanja.
Paul Congo est parti retrouver les étoiles qu'il avait tant contées, laissant derrière lui, des milliers d'orphelins. Comme Griotte, artiste auteure malgacho-réunionnaise, qui a perdu son guide, celui qui l'avait poussée à passer la porte du monde spirituel.
" Paul a été vraiment la première personne qui m'a amenée dans la culture malgache. Il avait un très fort rapport à tout ce qui est spirituel, des traditions malgaches. Il me disait "viens, je vais te montrer les kalanoro" [petits êtres magiques des forêts, ndlr], il n'avait aucun doute. "
Après avoir embrassé une carrière de collecteur culturel, Paul Congo aimait restituer au plus grand nombre.
" Il ne s'est jamais dit "c'est à moi et je garde ça pour moi". Au contraire. Pour Paul, c'était vraiment important de partager et de continuer à faire vivre la tradition orale malgache ", ajoute Griotte.
" Le conte fait partie de l'oraliture "
Mentor, Paul Congo l'a aussi été pour le chorégraphe et professeur d'art et culture à l'Université de Diego Suarez, Cerveau Kotoson.
" On l'appelait Papa Congo. Il a toujours estimé que le conte fait partie de l'oraliture. Donc, ce qui est à l'oral doit rester à l'oral. Et ce qui est à l'écrit doit rester à l'écrit. Congo a été un grand auteur de contes qu'il n'a jamais voulu écrire. Sur les centaines de contes qu'il a créés, il n'a jamais voulu les poser sur papier. Mais il n'empêchait pas les autres de le faire... Il lui arrivait de raconter debout, en mimant, dans sa tenue soubaya de conteur, avec son bâton sacré de conteur. Il lui arrivait aussi d'être assis. Mais même assis et immobile, il avait une prestance et une aura, qui pénétrait son auditoire. "
Un auditoire très large qui aura pu, le temps de deux décennies, s'abreuver de ses contes sakalava-antakarana déclamés au cours de son émission hebdomadaire à la radio nationale.
Pour Bristowe Willison, le directeur régional de la Communication et de la Culture de la région Diana, " son départ est une perte immense. Nous perdons l'un des piliers et l'un des plus fins connaisseurs de notre culture du nord. "