Des informations rares en provenance d'Érythrée, publiées ce jeudi 9 février par Human Rights Watch, permettent de lever le voile sur la campagne de répression qui a accompagné la guerre dans le Tigré voisin ces derniers mois. Dans un rapport, l'organisation a documenté, sur la base de témoignages et de photos satellites, l'accélération des rafles visant les réfractaires du service militaire obligatoire et les représailles contre leurs familles.
Les " giffas ", comme on les appelle en Érythrée, sont les rafles régulièrement organisées dans un quartier ou un village. L'armée boucle le secteur et contrôle tout le monde, avec pour objectif de débusquer et d'arrêter les déserteurs ou ceux qui ne se sont pas présentés aux appels à la mobilisation.
Or, depuis l'été 2022, les " giffas " se sont multipliées, démontre Human Rights Watch, y compris après la fin des opérations dans le Tigré, en Éthiopie, où l'armée érythréenne était partie prenante. Des photos satellites révèlent notamment que la cour extérieure de la prison d'Adi Abeito, en périphérie d'Asmara, a été de plus en plus bondée à partir de la fin octobre, et ce jusqu'en janvier dernier, soit deux mois après la signature de l'accord de paix inter-éthiopien.
Les témoignages recueillis évoquent parallèlement une campagne de représailles contre les familles des réfractaires : un oncle de 80 ans, expulsé de chez lui en septembre et désormais à la rue, une dame malade de 71 ans, réfugiée depuis octobre sous un abri de fortune parce que son fils manque à l'appel... Certains parents ont également été détenus jusqu'à ce qu'un enfant caché se rende.
Pour démasquer les familles, les administrations locales confisquent ou comptent les coupons alimentaires, et retiennent parfois le bétail ou empêchent les travaux des champs, pour les contraindre à livrer leurs proches.
" C'est une façon d'augmenter la répression sur la société. Ça fait des années que les Érythréens vivent dans un contexte de peur. On parle là d'une campagne qui a augmenté la terreur à tous les niveaux. "
Laetitia Bader (Human Rights Watch) évoque la répression perpétrée sur la société érythréenne