Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), alors que les combats entre les Forces armées de la RDC et la rébellion du M23 se rapprochent de Goma, la tension monte au sein de la capitale provinciale du Nord-Kivu. La population locale reproche notamment à la force de la Communauté est-africaine (EAC) déployée dans la ville de ne pas passer à l'attaque. Une attitude des troupes de l'EAC qui s'explique par des moyens limités et des risques diplomatiques. Décryptage.
À Goma, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la pression a été forte cette semaine. Dans les rues a eu lieu une mobilisation de la société civile pour demander à la force de la communauté est-africaine (EAC) déployée dans la région, et plus particulièrement, au contingent kényan, d'intervenir contre les rebelles du M23. Rébellion qui met la pression sur l'armée congolaise.
Les combats, cette semaine, se sont rapprochés de Saké, dernière grande localité avant Goma, côté ouest. Depuis la prise de Kitchanga par le M23, le 26 janvier dernier, le front est en effet descendu le long de la route reliant Sake à Butembo, pour se figer à une dizaine de kilomètres au nord de la ville.
Ce 9 février 2023, les Forces armées de la RDC (FARDC) ont annoncé avoir déjoué une offensive des rebelles qui ont tenté de contourner ses positions, selon le porte-parole de l'armée au Nord-Kivu.
Des manifestations qui ont dégénéré
Des affrontements qui provoquent d'importants mouvements de population, notamment vers Goma. Une situation qui crée de la tension.
Cette semaine, des manifestations ont ainsi demandé à la force est-africaine, et surtout au contingent kényan déployé dans la capitale provinciale, de prendre part aux combats contre le M23. Des manifestations qui ont dégénéré puisqu'il y a eu des violences et des pillages à caractère intercommunautaires.
Face à cette situation, l'ancien président kényan, actuel médiateur de l'EAC pour la crise sécuritaire dans l'est de la RDC, Uhuru Kenyatta, a instamment demandé, dans un communiqué publié ce 9 février 2023, aux pays membres de la communauté est-africaine participant à la Force régionale de déployer leurs troupes, qui doivent prendre position " de toute urgence et sans plus tarder dans tout l'est de la République démocratique du Congo ". Uhuru Kenyatta demande aussi à la force régionale de s'interposer entre les forces combattantes dans les zones où le retrait des groupes armés a été effectué.
Pas d'offensive militaire de l'EAC
Pour l'instant, les FARDC ne peuvent pas compter sur les militaires kényans pour les accompagner sur le front, en revanche, des témoins évoquent la présence de milices d'auto-défense et de groupes armés en première ligne. Mais clairement, l'option militaire n'est pas la première option envisagée par l'EAC.
Première raison : les moyens sont limités. Le contingent kényan déployé à Goma comprend 903 hommes. Pour rappel, en 2013, la brigade d'intervention qui a mis en déroute le M23 avait 3 000 hommes et des moyens nettement supérieurs. Le financement de cette force n'est par ailleurs pas finalisé et elle manque d'armement face à un M23 que l'on dit bien équipé et surtout soutenu pour le Rwanda, selon l'ONU, les chancelleries occidentales, la diplomatie américaine, l'Union européenne et d'autres...
Ce qui amène à la deuxième raison : " Est-ce que le Kenya a vraiment envie de prendre le risque d'une confrontation directe avec le Rwanda ? " Plusieurs spécialistes de la zone répondent plutôt négativement à cette question. Et ils estiment que, finalement, il y a comme un malentendu entre les autorités congolaises et la région : force offensive contre force d'interposition.
Et cette différence de perception, c'est ce qui fait naître finalement cette déception du côté des populations. " On s'est un peu illusionné à croire que les Kényans étaient prêts à risquer leur vie pour combattre le M23 ", conclut un observateur de la région. Néanmoins, si jamais Goma est menacée, " l'EAC va devoir faire un choix ", explique un autre analyste. " Son immobilisme n'aura alors plus de sens ", selon lui.