Afrique: À Oran, les ronds-points de l'espoir pour les migrants africains

Dans le centre-ville d'Oran, des dizaines de migrants africains, arrivés en Algérie après de longs périples, arpentent quotidiennement les ronds-points Palais d'Or et Canastel. Ils ont l'espoir de trouver du travail, gagner de l'argent pour quitter le pays et poursuivre leur rêve de rallier l'Europe.

Leur vie est presque à l'image de ces milliers de véhicules qui s'engagent dans ces ronds-points, choisissent une sortie, et poursuivent leurs routes. Sauf que pour ces migrants, la porte de sortie de la galère n'est pas facile à trouver. Ils tournent en rond. Disséminés autour du rond-point Palais d'Or, dans la ville algérienne d'Oran, ils sont une dizaine de migrants africains attendant qu'une voiture s'arrête à leur niveau. Que quelqu'un leur propose une journée de travail qui leur permette de manger, se loger, et, peut-être, économiser de l'argent pour continuer leur route vers l'Europe.

Pour tous ces migrants, en effet, l'Algérie n'est qu'une étape dans leur quête de l'eldorado européen. Mais la route a été longue avant d'arriver à Oran, et le reste du chemin jonché d'incertitudes. Ibrahima Baldé, 21 ans, est en ville depuis trois mois. Il a quitté son village en Casamance, dans le sud du Sénégal, il y a près de deux ans. Parti avec 300 000 CFA (450 euros), il a évidemment tout dépensé en passant par la " Mauritanie, le Sahara, Tindouf, Béchar ".

" Aller en France " ou " en Espagne "

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Aujourd'hui, le jeune Sénégalais attend sur le rond-point que quelqu'un lui propose du travail. " Cela peut être de l'aide au bricolage, faire le maçon, le déménagement, le nettoyage ou la manutention ", explique-t-il. À ses côtés, Alpha Mohamed Diallo. Il est arrivé le jour même à Oran et a " la chance de croiser " Ibrahima. " Heureusement que j'ai rencontré Ibrahima ce matin, je ne savais pas où aller, quoi faire. Là, je le suis comme son ombre ", confie le Guinéen légèrement vêtu sous ce temps frisquet. Originaire de Mamou, ville à 250 km au nord-est de la capitale Conakry, Alpha est parti de chez lui, il y a deux mois. Il est passé par le Mali et le désert avant d'arriver en Algérie. Comme Ibrahima, son but est de gagner assez d'argent pour passer en Europe. " Moi, je veux aller en France ", dit-il. " Et moi, en Espagne ", lui répond Ibrahima.

Non loin, Mamadou Barry a les yeux rivés sur les voitures qui passent dans l'espoir d'en voir une s'arrêter. Il a besoin de travailler rapidement pour payer son loyer hebdomadaire, 2000 dinars (près de 15 euros). " Là, je suis fatigué, je n'ai pas même d'argent pour m'acheter de quoi manger. Et même si je trouve du travail aujourd'hui, ce sera payé entre 1500 et 2000 dinars. Pas plus. "

Parti de Kolda, au Sénégal, Mamadou est arrivé à Oran au mois de novembre dernier, après un long périple : Tombouctou-Sevaré-Bordj Mokthar-Reggane-Adrar. Son but est d'aller en Italie en passant par la Tunisie. En attendant, il espère pouvoir trouver un téléphone pour appeler sa famille et les rassurer.

" On s'attendait à un peu plus d'aide "

Au rond-point Canastel, le décor est le même. Des migrants ont également investi cet endroit situé à l'est d'Oran. Saïdou et Abou sont Camerounais. Le premier vient de Douala, du quartier Bali, le deuxième de Yaoundé.

Abou est renfermé, les mains dans les poches, le visage tendu. Il met du temps avant de répondre aux questions, mais finit par lâcher, amer : " Il y a tellement de choses qui ne sont pas faciles à dire. Beaucoup de gens ici sont racistes, ils n'aiment pas les Noirs. Au dernier endroit où je logeais, les Noirs ont été attaqués avec des couteaux. Il y a eu des blessés aux bras, aux mains, à la tête. Moi, je n'ai rien eu, mais mes amis sont allés se faire recoudre à l'hôpital. Après, quand on est allé à la gendarmerie pour se plaindre, on nous a chassés. Honnêtement, on s'attendait à un peu plus d'aide dans un pays qui se dit musulman. "

Comme invité par la confession d'Abou, Saïdou renchérit : " Quand tu rentres dans le bus, certains se bouchent le nez, ouvrent les fenêtres ou pulvérisent du parfum. D'autres bloquent les places libres pour que tu ne t'assoies pas à côté d'eux ", affirme-t-il.

Les deux jeunes Camerounais de 22 et 23 ans se sont rencontrés à Oran. Saïdou y est depuis un an. Il est passé par l'Extrême-Nord du Cameroun, puis par le Nigeria, le Niger, avant d'entrer en Algérie. Il affirme avoir fui la misère dans son pays. " Je suis jeune, j'ai envie de travailler, de gagner de l'argent, de me marier, lâche-t-il en réajustant son bonnet. Au Cameroun, pour économiser un million de francs CFA, il te faut plus d'un an. En Europe, en un mois, ou deux, tu peux les avoir, essaye-t-il d'expliquer. Mais je ne fais pas de fixation sur l'Europe, si je peux m'épanouir dans un pays maghrébin autre que l'Algérie, je prends. " Pour Abou, par contre, il n'est pas question d'aller dans un " autre pays arabe ". " Je veux entrer en Europe, j'espère y arriver le plus rapidement possible, lance-t-il. Je suis trop fatigué. "

Une voiture vient de s'arrêter. Le conducteur a besoin bras pour un travail au port. Les deux amis camerounais et un compagnon bissau-guinéen sont embarqués pour la journée. Ils gagneront de quoi manger ce soir et payer leur loyer pour une semaine. En attendant des jours meilleurs pour sortir définitivement du rond-point.

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