Ile Maurice: Ramgoolam et ses Judas

11 Février 2023

Comme petit-fils, du côté maternel, de Thacoordial Ramjoorawon, grand recordman en tonnage de canne récolté par arpent mais aussi descendant des planteurs Ramgoolam, le leader du Parti travailliste a certainement hérité du talent de l'agriculteur aguerri, toujours prêt à éradiquer les pikan-loulou, les fataques et autres chiendents envahissant son terrain. Mais quid des Judas dans son entourage politique ?

Navin Ramgoolam a déjà repéré des éléments travaillistes, qui voudraient casser la baraque et l'amoindrir. Surtout dans un contexte où des pourparlers sont engagés avec les dirigeants du Mouvement militant mauricien (MMM) et du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) en vue de concrétiser une alliance électorale pour reprendre le pouvoir des mains du Mouvement socialiste militant (MSM).

Un Ramgoolam fragilisé dans un moment crucial, cela profiterait à qui ? Certainement au MSM car de toute évidence, seul le leader des Rouges poserait une menace directe à Pravind Kumar Jugnauth. Avec un challenger autre que Navin Ramgoolam, le MSM économiserait largement sur son trésor de guerre car il ne lui serait plus nécessaire de dépenser sur des 'bases', sur le "manze-bwar" de ses agents et sur l'achat d'activistes de l'adversaire.

Un Ramgoolam amoindri par les Judas, cela ferait-il aussi l'affaire du MMM et du PMSD ? A première vue, lors des négociations, un Ramgoolam en difficulté serait moins exigeant dans les conditions qu'il pourrait imposer à ses alliés. Mais tel ne serait pas vraiment le cas car un Ramgoolam diminué pourrait aussi compromettre les chances du MMM et du PMSD d'accéder au pouvoir. Car le MSM exploiterait au maximum les faiblesses éventuelles de Ramgoolam. Par exemple, tout arrangement qui verrait les Travaillistes obtenir moins de 35 investitures dans une alliance avec le MMM et le PMSD serait une aubaine pour le MSM, bien parti pour exploiter le slogan "Pa less pouvwar sap dan nou lame".

Navin Ramgoolam risque-t-il de tout perdre, d'être éjecté comme leader ? Une telle éventualité se produirait si une majorité des membres de son conseil exécutif ou de son bureau politique décidait de l'expulser. Et même un congrès spécial qui voterait pour son limogeage.

Selon ce scenario du pire, Ramgoolam serait contraint d'abandonner la politique. Il ne serait pas le seul perdant. Dans l'optique d'un changement de leadership au Parti travailliste, le MMM et le PMSD en subiraient des conséquences négatives pour leur propre avenir. En effet, un leader autre que Ramgoolam pourrait adopter une attitude conciliante envers le MSM et même entrer dans une alliance électorale basée sur la plateforme de "l'unité de la famille", comme on en fit dans le passé en 1983, 1987 et 2010. Cela avec la bénédiction d'un "grand-frère" étranger devenu de plus en plus puissant et présent. Une telle alliance serait assurée d'une majorité plus que confortable aux élections générales.

Les présentes secousses ressenties dans l'establishment du Labour sont appelées à déclencher de sérieuses répercussions sur l'évolution de la situation politique. Seul le MSM semble pouvoir récolter des gains, quels que soient les scenarios à venir. Ramgoolam, tout en soufflant le chaud et le froid, parviendrait-t-il à éliminer les Judas, surtout ceux de la dernière vague, constituée de deux "géants" au patronyme colossal ?

Ce qu'il reste à savoir, c'est l'étendue des dégâts que subirait Navin Ramgoolam quand des critiques et des allégations s'abattraient sur lui. Il se pourrait aussi que le leader rouge profite du tremblement de terre annoncé pour se construire un édifice tout beau et tout moderne. En récupérant Fabrice David, Mahen Gungapersad, Eshan Juman, Osman Mahomed, Farhad Aumeer, Dhananjay Ramful, Stephanie Anquetil, Patrick Assirvaden et Michael Sik Yuen et en accueillant une forte composante de sang neuf, ce serait une occasion pour lui de se débarrasser de poidslourds autrement indécrottables.

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