Ile Maurice: Affaire Bruneau Laurette - Une motion, trois témoins et dix audiences

11 Février 2023

Après presque deux mois, les débats dans le cadre de la motion de remise en liberté de Bruneau Laurette ont pris fin jeudi. Cette motion a été débattue lors de dix audiences avec trois témoins, dont le Supervising Officer, l'ASP Rajaram, qui a passé sept jours à la barre des témoins. Revenons sur les points forts de ces dix jours d'audience qui ont été marqués par plus d'une vingtaine d'objections et maints "rulings" de la magistrate Jade Ngan Chai King.

A la suite de son arrestation le 4 novembre dernier, la demande de Bruneau Laurette pour qu'il obtienne la liberté conditionnelle a été entendue la première fois le 7 décembre. La poursuite représentée par Me Roshan Santokee, Principal State Counsel, devait faire appel au Supervising Officer de l'enquête, l'ASP Rajaram, pour soutenir ses objections. L'enquêteur principal avance alors trois points, soit le risque que l'activiste ne prenne la fuite, la possibilité qu'il manipule les preuves et aussi qu'il entre en contact avec d'autres témoins dans cette affaire. L'ASP Rajaram fait savoir que Bruneau Laurette n'avait pas consenti à l'examen de ses téléphones portables, de son téléphone satellitaire ainsi que ses deux laptops. Me Shakeel Mohamed le contre-interroge durant quatre heures et l'audience est marquée par plusieurs objections de la poursuite quant à l'admissibilité des questions.

"Nature of evidence"

Le lendemain, le 8 décembre, l'ASP Rajaram est de retour à la barre des témoins et l'on sait déjà qu'il sera un témoin qui sera longuement entendu car la défense veut obtenir beaucoup de réponses de lui. Cependant, Me Santokee, intransigeant sur le fait que lors d'un débat pour une motion de remise en liberté la cour ne peut entrer dans la nature des preuves à l'appui de l'accusation, maintient ses objections. A chaque question de la défense, une objection de la poursuite, nécessitant souvent un ruling de la magistrate. Les esprits s'échauffent par moments avec Me Mohamed qui ne veut pas lâcher prise et insiste sur le fait que la police ne veut pas répondre de ses actes. A chaque audience, la magistrate, dans son rôle d'arbitre, arrive toutefois à les calmer, rappelant souvent que "we are wasting time". Durant ces dix jours d'audience, l'admissibilité des questions, la capacité de la cour de district de trancher sur certaines preuves et éléments de l'affaire ainsi que la pertinence de certaines questions sont souvent revenues sur le tapis.

Des révélations

En dépit des réserves émises par l'ASP Rajaram pour répondre aux questions ou encore donner trop de détails sur le progrès de l'enquête, il y a tout de même eu des révélations. Le 12 décembre, à la demande de la défense, les débats sont mis en suspens en attendant que la police examine les appareils électroniques de Bruneau Laurette. Cette étape s'avère clé pour la défense en vue de démonter les arguments de la police que Bruneau Laurette pourrait manipuler les preuves et contacter d'autres témoins dans cette affaire. L'ASP Rajaram évoque un réseau de trafic de drogue international et d'autres protagonistes. Des propos qui ne peuvent être pris à la légère selon la défense.

Le 16 décembre, Bruneau Laurette est transféré à la prison de Melrose. Le 9 janvier, Bruneau Laurette comparaît de nouveau au tribunal de Moka et les enquêteurs font savoir que le rapport de l'examen des appareils de Bruneau Laurette n'est pas prêt. Le 16 janvier, le mandat de perquisition est au centre des débats. L'audience est suspendue et la magistrate tranche. Au final Me Shakeel Mohamed n'est pas autorisé à poser des questions sur la légalité du mandat de perquisition. Le 20 janvier, l'ASP Rajaram en est à son quatrième jour de contre-interrogatoire et en dépit des objections de la poursuite, la défense parvient à lui arracher l'inavouable. Le Supervising Officer, qui dit être déjà en possession des rapports de l'examen des appareils de l'activiste, confirme en cour qu'à ce stade aucun élément incriminant n'a été trouvé contre Bruneau Laurette. De même aucune trace d'ADN de Bruneau Laurette sur la drogue saisie ou sur le coffre de sa voiture. Le témoin ne se prononce toutefois pas sur la fonctionnalité du téléphone satellitaire ainsi que les comptes bancaires de Bruneau Laurette indiquant qu'ils n'ont pas encore ces informations. La Poursuite, de son côté, continuera à parler d'une "fishing expedition" de la défense.

Confronter Lucifer

Le 3 février, le contreinterrogatoire de l'ASP Rajaram prend fin et enter Bruneau Laurette à la barre des témoins. L'activiste, serein, a finalement l'opportunité de s'exprimer et rappelle son combat contre la drogue. La déposition de Bruneau Laurette aura été un moment fort pour ses sympathisants qui, fidèles au rendez-vous à chaque comparution malgré les intempéries, ont tenu à venir l'écouter. "Je suis prêt à confronter Lucifer en cour car je crois en une justice divine", déclara Bruneau Laurette, et la salle répondit : "Amen!" Une dernière audience le 9 février alors que beaucoup pensaient voir Bruneau Laurette repartir en homme libre, la magistrate fait savoir que sa décision sera connue le 20 février. Entre-temps, les débats sont loin d'être finis, ceux pour la motion de radiation des charges reprennent le 14 février.

Marie Joëlle D'Autriche: les qualités de père de Bruneau Laurette mises en avant

Outre l'aspect politique et légal, les débats pour la remise en liberté conditionnelle de l'activiste ont aussi vu le côté humain avec le témoignage de son ex-épouse Marie Joëlle D'Autriche qui, à la barre des témoins, a tenu à parler des qualités de père de l'activiste. Une autre facette de Bruneau Laurette, père présent et aimant, a ainsi été dévoilée. Marie Joëlle D'Autriche confirmera en cour que depuis sa séparation, l'activiste a toujours été présent pour sa fille de 10 ans qui lui écrit souvent depuis qu'il est en prison pour partager son quotidien.

Enter Eshan Patel

Témoin surprise. Depuis l'arrestation et les maintes comparutions de Bruneau Laurette, c'est la première fois que l'on entend parler de l'ancien ambassadeur de Maurice en Malaisie comme l'un de ses sympathisants. Il est même celui qui faisait des dons de Rs 30 000 par mois à l'activiste pour ses dépenses. L'ancien ambassadeur a révélé qu'il aidait l'activiste social pour ses dépenses mensuelles liées à ses combats sur l'environnement et autres combats personnels après l'affaire Wakashio.

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