La Guinée, le Burkina et le Mali veulent " institutionnaliser un cadre permanent de concertations " entre ces pays qui connaissent une même situation sociopolitique dont les dirigeants ne manquent pas l'occasion d'exprimer leur volonté de prendre leur destin en main. Ouagadougou a donc accueilli, le 9 février dernier, une rencontre de haute importance des ministres en charge des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, de la Guinée, Morissanda Kouyaté et du Burkina, Olivia Rouamba. De par la profondeur de leurs échanges et le calendrier présenté, les ministres des trois pays appellent les institutions régionales à "comprendre " le cri d'orfraie des populations ostracisées par des décisions pénibles.
Il faut donc trouver la formule pour éviter ce qui semble être une volonté de " punir " des populations au nom d'un sacro-saint principe de la démocratie que rares de chefs d'Etat de la communauté peuvent se prévaloir de respecter. Ouagadougou a surtout été un cadre pour les ministres de réaffirmer l'esprit des transitions dans ces trois pays. C'est bien la fusion avec une population à majorité jeune qui crie depuis, haro sur le baudet et appelle à relire les relations séculaires avec des partenaires occidentaux " traditionnels ", qui se donnaient un droit de regard absolu sur les relations des pays africains.
Ouagadougou, c'est aussi un clin d'œil à la communauté ouest-africaine, invitée à réorienter les schémas de sa coopération. Lorsque le Premier ministre burkinabè, Me Apollinaire Kyélem de Tembela, révèle que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des partenaires ont bloqué les armes dont le Burkina avait besoin pour contrer les groupes armés, il met à nu une coopération qui ne profite toujours pas aux pays africains.
Quand les Burkinabè se rappellent les pénibles moments de la récente crise du carburant, solutionnée grâce à l'aide d'un pays africain frère loin du corridor naturel, la Guinée, il y a de quoi applaudir le nouveau partenariat qui se met en place avec ces trois capitales. Vu les défis communs, l'idée salutaire de chemin de fer entre Conakry, Bamako et Ouagadougou, n'est ni trop tôt ni trop tard. Avouons tout de même que depuis longtemps, la sous-région aurait pu être reliée par les rails et les Etats de cet espace auraient pu prendre en charge cette question. Mais comme mieux vaut tard que jamais, ce projet tient à cœur les populations.
La sagesse africaine qui demande de ne jamais mettre les œufs dans un même panier, trouve ici écho favorable. En tous les cas, ce partenariat naissant piloté par des " jeunes " chefs d'Etat, officiers de nos armées, mais surtout souverainistes et panafricanistes, s'inscrit dans la continuité des décisions, qui, hier auraient pu être jugées hasardeuses, mais aujourd'hui, épousent bien l'air du temps. Et ce, dans une Afrique où les organisations de la société civile, ces " gilets " d'une autre couleur poussent nos dirigeants à se mettre à l'écoute de leur peuple.
A coup sûr, la nouvelle coopération entre les trois pays, qui réaffirment leur attachement à l'intégration des peuples et appellent à plus d'humanité, demande aux autorités de Ouagadougou, Bamako et Conakry de serrer la ceinture. Les traditions qui nous enchainent depuis ces temps immémoriaux ont la dent si dure, avec des soutiens qui se montrent souvent plus royalistes que des partenaires venus de l'autre rive. Ce nouveau partenariat est condamné à réussir.
Il incarne un défi à relever pour donner à la CEDEAO, les moyens d'être vraiment une organisation au service des peuples et d'éviter des décisions qui les briment. C'est une graine qui a été semée, avec l'espoir qu'elle portera des fruits, cet espoir né depuis belle lurette ayant été souvent déçu. La Guinée, le Burkina Faso et le Mali ont plusieurs réalités en commun avec des populations qui nourrissent les mêmes aspirations de liberté, de justice, de développement et surtout de sécurité dans une sous-région ouest-africaine où la crise terroriste a plutôt montré des pays repliés sur eux et attendant chacun son tour. Le hasard, sinon la providence a fait que ce sont des pays qui connaissent des régimes de Transition.
Ce destin croisé est bien une aubaine à saisir pour poser les bases de cette Afrique des Africains qui se fraie un chemin dans le sens du développement. En refusant de se substituer à une quelconque organisation sous régionale ou continentale, Maliens, Burkinabè et Guinéens savent qu'ils doivent se donner les moyens de réussir le pari entamé depuis le jour où le Premier ministre burkinabè Me Apollinaire Kyélem de Tambela en visite à Bamako, a évoqué la possibilité d'aller vers un Etat fédéral avec le Mali. Ouagadougou concrétise donc une volonté de changer de paradigme dans la coopération Sud-Sud, soutenue au plus haut sommet par les chefs d'Etat des trois pays. Assetou