Tunisie: Dettes et pertes des entreprises publiques - L'Etat veut-il vraiment récupérer ses sous ?

12 Février 2023

La situation économique du pays n'est pas du tout à envier. On n'a pas cessé de le répéter et de le souligner. Malheureusement, toutes les solutions proposées par les experts et les responsables tardent à être mises en place. D'un côté, nous constatons que l'Etat est lourdement endetté (extérieurement et intérieurement) et d'un autre côté, nous assistons, médusés, à l'inaction des pouvoirs publics pour récupérer leurs créances.

Tout est sens dessus-dessous en matière de finances. Les dettes de l'Etat envers les entreprises publiques ou privées s'élèvent à des milliers de milliards de nos millimes. Mais, en même temps, différentes autres parties doivent à l'Etat des milliers de dinars. L'Etat cherche-t-il à les récupérer ou y a-t-il une volonté de le faire ?

Pertes énormes

Aux difficultés que rencontre l'Etat à mobiliser les fonds nécessaires au budget de 2023 s'ajoutent les nombreux obstacles qui se dressent devant lui à cause des revendications sociales et de la conjoncture internationale. Toutefois, on peut affirmer qu'il y a un manque de volonté de la part des responsables de récupérer leur argent auprès de leurs nombreux débiteurs.

Il suffit de regarder les pertes enregistrées par des entreprises comme la Steg (près de 50 milliards de nos millimes chaque année), la Sonede (les dettes cumulées dépasseraient les 60 milliards), la Transtu (celle-ci perd des sommes énormes dues aux actes de vandalisme, tandis que les dettes avoisinent les 1.000 milliards), la Sncft (qui perd chaque jour pas moins de 120 millions de millimes à cause du blocage de la ligne 13 qui assure le transport de phosphate, en plus de près de 1.000 milliards de millimes de dettes), les sociétés de transport régional ne sont pas épargnées par cette vague de pertes et de déficits.

%

D'autres entreprises connaissent le même sort et constituent un lourd fardeau pour l'Etat qui doit, nécessairement, leur venir en aide pour les empêcher de "couler". Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, on voit clairement que l'Etat ne fait, quasiment, aucun effort pour revendiquer ses droits.

A titre d'exemple, nous prenons le secteur du transport. Là, on constate avec amertume que les passagers des métros ne payent pas. Ils montent et descendent gratuitement sans acheter leurs tickets.

Ce phénomène est devenu une habitude qui ne manque pas d'étonner. Les rares clients qui payent ne peuvent pas aider la société à retrouver sa bonne santé. Les responsables subissent cet état et ne réagissent pas de la façon appropriée. Chaque année, il y aurait près de 20 milliards de pertes dus au fléau de la resquille. Idem pour la Sncft. Ce serait le double. Soit 40 milliards. A bord des bus, le phénomène est moins grave, mais il n'en reste pas moins préjudiciable.

Les autorités évitent de bousculer les choses depuis des années, prétextant des questions de sécurité et pour éviter des problèmes de troubles à l'ordre public. Or, il nous semble qu'il n'est plus possible de laisser la situation pourrir sans faire de gestes susceptibles de diminuer les retombées financières de ces actes frauduleux de la part de millions de voyageurs indélicats.

Transport : entretien

et maintenance

Les sociétés de transport concernées sont appelées à réagir pour établir une stratégie de reprise en main de la situation et remettre un peu d'ordre dans ce secteur. Par ailleurs, il y aurait lieu de noter que le manque d'entretien et de maintenance des réseaux est à l'origine des grosses pertes subies régulièrement. Le laisser-aller que l'on ne manque pas de voir est, lui aussi, lourd de conséquences.

C'est ainsi que des voitures de métros acquises, il y a moins de 15 ans, ressemblent beaucoup plus à des engins qui ont 40 ans d'âge. On en a la preuve sur les métros qui desservent, par exemple, les lignes 1, 4 ou 6 qui sont considérées comme "neuves" par rapport aux rames des autres lignes (2, 3 ou 5). Les portières ne ferment pas, l'état extérieur des voitures est déplorable (graffitis, vitres fêlées, éclairages, affichages lumineux défaillants, sièges vandalisés, barres sans boulons de fixation, etc.)

Pourtant, il aurait été possible de réparer au moment opportun toutes ces insuffisances grâce à une équipe de maintenance régulière. C'est une urgence. On pourrait même penser à envoyer des techniciens passer des stages auprès des pays fournisseurs pour qu'ils soient capables de trouver les solutions à n'importe quel problème. Les pièces de rechange doivent être disponibles. Cette inertie que l'on constate a de quoi étonner plus d'un. En tout état de cause, lorsque la volonté existe, les solutions deviennent possibles. Sur un autre plan, nous ne retrouvons pas cette volonté. La Steg ou la Sonede (pour ne citer qu'elles) ne donnent pas l'impression qu'elles cherchent à recouvrer les montants auprès de leurs clients. Les milliards de pertes pour factures impayées (les estimations pour la Steg se chiffrent à près de 2.500 milliards de millimes et sûrement autant pour la Sonede).

Ce qui est, aussi, très étonnant, c'est que ces deux entreprises ne mobilisent pas leurs services comme il faut pour couper l'eau ou l'électricité aux non-payeurs. Les prétextes avancés ne peuvent pas expliquer l'attitude de ces sociétés. Celles-ci fournissent un service à leurs clients (publics ou privés) et ces derniers sont tenus de payer. Il n'y a pas d'excuses valables. Il y a un engagement réciproque entre les deux parties et chacun doit l'honorer. Quant aux considérations soi-disant sociales, la question est à revoir et à dépasser. De nombreux clients refusent de payer alors que leurs factures s'élèvent à plusieurs centaines de dinars. Ni la Sonede ni la Steg ne procèdent aux coupures pendant des mois et des mois. Situation incompréhensible!

Dans les guichets, les clients doivent faire la queue pendant plusieurs minutes devant une seule caisse pour payer leurs factures, alors que deux ou trois autres caisses restent fermées. Autrement dit, on dissuade les honnêtes gens de payer. Si vous n'êtes pas contents, dégagez ! Parfois, on explique cela par un manque de personnels ! Même chose dans d'autres services où le Tunisien peine à s'acquitter de ses devoirs envers l'Etat et ses entreprises (recettes des finances, postes, municipalités etc.).

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.