S'est-il tiré une, voire plusieurs balles dans le pied ? En tout cas, l'incohérence, les mensonges et "aveux" faits durant sa première "apparition" médiatique remontent à la surface au fur et à mesure qu'avance cette épineuse affaire. Coup de tonnerre cette semaine : on a même assisté à l'arrestation du trafiquant de drogue pour blanchiment d'argent.
La "révélation" est de taille. Franklin a déjà été lavé de tout soupçon - en ce qui concerne une affaire de blanchiment d'argent du moins - par l'Independent Commission against Corruption (ICAC). Ce n'est pas nous qui le disons mais Jean Hubert Celerine lui-même... C'est en tout cas ce qu'il a affirmé lors de sa désormais "fameuse" apparition devant certains membres de la presse le 14 janvier, à son retour de Madagascar. On ne sait pas quel était le montant en jeu, ni la nature de la propriété et encore moins la date de son interpellation par la commission anticorruption.
En tout cas, l'ICAC n'avait rien trouvé à redire semble-t-il contre Franklin mais aurait changé d'avis en 2023 ; cela après l'initiative prise par la Financial Intelligence Unit (FIU). Le boss de Rivière-Noire, comme on le surnomme, a finalement été arrêté par l'ICAC le 7 février pour blanchiment d'argent.
Autre déclaration fracassante : Franklin a évoqué un bail de l'État dont il a bénéficié pour l'élevage d'animaux. En vérité, le bail serait illégal. Une autre incohérence concerne ses entreprises. Lors de sa "conférence de presse", il n'était pas sûr du nombre. Trois à quatre, a-t-il dit. Il a parlé notamment de fast-food (Ti mimi Grill), de location de voitures (Topfleet Car Rental Ltd) et d'élevage d'animaux. On se doute un peu désormais en quoi consistait sa quatrième entreprise : le trafic de drogue... Mais selon la FIU, il possède également un commerce appelé New York Boutik Ltd, est aussi "banyan" (il achète et vend du poisson). Ce n'est pas tout : il possède en outre une entreprise spécialisée en équipements de construction. En ce qui concerne ses autres activités liées à l'événementiel, les détails donnés par Franklin dans son entretien avec des journalistes le soir des révélations étaient un peu floues.
Protection de l'ADSU
La question qui vaut des millions : connaît-il Ashik Jagai, le patron de la Special Striking Team ? Sa réponse : "Je ne l'ai jamais vu. Peut-être qu'il m'a déjà interpellé lors d'une fouille mais je n'étais pas au courant du fait que c'était lui." Combien de fois a-t-il été fouillé par l'ASP Jagai ou son équipe ? Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? Franklin ne l'a pas dit. Cependant, dans une vidéo, on peut voir des membres de l'Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) comptant des billets de banque dans la maison de Franklin, lors d'une perquisition.
Dans cette même vidéo qui circulait depuis le 6 janvier et dans laquelle d'aucuns affirment qu'on l'a fouillé, puis relâché, Franklin répond, avec l'aide du journaliste : "C'est un montage. Moi je ne dis que de la vérité !" Il dément par la même occasion vouloir piéger Bruneau Laurette (NdlR: certains soutiennent que Franklin aurait aidé à planter la drogue trouvée chez l'activiste) mais s'embarque sans y être invité sur de graves allégations contre l'activiste. Ce dernier lui aurait demandé de l'argent, Rs 75 000 à Rs 100 000 mensuellement, en échange de la protection de l'ADSU où il aurait ses entrées, selon Franklin. Il aurait répondu à Laurette ainsi selon ses dires : "Pa koz sa bann zafer-la. Mo pa dan trafik mwa... " Pourtant dans le même souffle, il ajoute que malgré le fait qu'il n'ait besoin ni de la protection de l'ADSU, ni de celle de Bruneau Laurette, il aurait quand même remis de l'argent à ce dernier...
Pour "prouver" ses dires, Franklin montre rapidement des sms présumément envoyés par l'activiste et promet de remettre ces messages à la presse. Un mois après, aucun journaliste n'en a reçu une copie. Pour enfoncer davantage Bruneau Laurette, Franklin affirme que celui-ci cherchait une maison à acheter à la Balise, Rivière-Noire. Or à ce jour, personne n'a pu confirmer si Bruneau Laurette avait les Rs 75 millions, le prix convenu pour cette supposée acquisition. Lorsqu'il montre ces sms, Franklin déclare que "mo pa konn lir me mo konpran". Phrase devenue (presque) culte depuis et à l'origine de nombreux mèmes moqueurs et railleries en tous genres.
Last but not least, lorsque les journalistes lui demandent s'il est un trafiquant de drogue, Franklin répond "fran fran" qu'il n'a jamais eu de problème. Cet ultime "aveu" mis au jour par la presse après la révélation du jugement de La Réunion - où il a été condamné à sept ans de prison pour trafic de zamal - lui servira d'ailleurs de prétexte pour poursuivre l'express. Cependant, il faut dire à sa décharge que l'on n'est pas certain que les autorités mauriciennes lui ont communiqué le jugement. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement et plus particulièrement de Maneesh Gobin. L'Attorney General devra venir dire tôt ou tard s'il l'a fait. Mais voilà, celui-ci vient de refiler la patate chaude à l'État français.
Hors-bord vs yacht
L'un des deux speed boats de Franklin vaut bel et bien Rs 2,5 millions, alors que le yacht enregistré sous un prête-nom, saisi jeudi et qui est actuellement au port, vaudrait dans les Rs 15 à Rs 17 millions au bas mot. Qui plus est, le convoyage de drogue entre Maurice et La Réunion se fait surtout par hors-bord car les anciens modèles ne sont pas équipés de GPS. Par contre, un yacht est facilement repérable car il doit obligatoirement émettre des signaux pour que sa position puisse être localisée. De plus, un hors-bord peut facilement approcher les côtes réunionnaises et mauriciennes et décharger les colis puis démarrer plus vite qu'un yacht si les occupants doivent prendre la fuite... D'ailleurs, le jugement réunionnais contre Franklin et compagnie fait mention de speed boat et non de yacht.
Fin janvier, avant l'arrestation de Franklin, des habitants du Sud ont découvert 75 bidons d'essence cachés sur la plage de La Prairie et on a ensuite découvert que ce sont les hommes de Franklin qui utilisaient ce carburant... Nos sources s'étonnaient du fait qu'on puisse utiliser autant d'essence sauf pour un long voyage comme à La Réunion par exemple... Ce jour-là, alors que nous étions sur le terrain, les policiers n'ont pu accéder à la plage car il y avait une manifestation organisée dans la région par rapport à la pénurie d'eau.
L'essence a donc pu être utilisée pour alimenter le moteur d'un hors-bord, dont le réservoir ne permet pas d'en stocker suffisamment pour effectuer la traversée entre les îles sœurs, à l'aller et au retour. Ce qui fait dire à certains que le trafic aurait donc continué même après le live de Franklin et le questionnement de la presse...
En attendant, ce que l'on sait à l'officiel sur les biens de Franklin serait qu'il possède deux speed boats, un jet-ski et un bateau type Legend mesurant 26 pieds. Il a aussi sous sa "garde" (NdlR : pas enregistré à son nom) une voiture Hyundai, une Range Rover, une Toyota Hilux, deux JCB ainsi plusieurs motocyclettes.
Enter Bruneau Laurette...
À la suite de l'audience de Bruneau Laurette jeudi au tribunal de Moka, Me Rouben Mooroongapillay, avocat de l'activiste, a annoncé que ce dernier jurera bientôt un affidavit concernant "tout ce qu'il sait sur Franklin". On se rappelle que lors de son rassemblement du 29 octobre, Bruneau Laurette avait fait des allégations contre un trafiquant de drogue de l'Ouest, sans toutefois citer de nom. Selon nos renseignements, l'affidavit contiendra bel et bien des noms et autres détails croustillants. Parmi : l'implication présumée du fils d'un haut gradé de la police et aussi comment celui-ci a rencontré Franklin mais a pris ses distances après avoir découvert les activités illicites de ce dernier. Ça promet...