C'est le ressenti d'un ancien lauréat qui, en cette semaine où les résultats du HSC ont été proclamés, jette un regard clairvoyant sur le pays. "Je n'oublie pas que mes études ont été financées par l'argent des contribuables.
Je voulais moi aussi apporter ma pierre à l'édifice. Mais plus je suis l'actualité de Maurice, essentiellement au niveau de la politique, moins j'ai envie de rentrer. Je ne suis pas le seul dans cette situation. Le pays ne donne plus envie. Et nous, les jeunes, sommes devenus pessimistes. Est-ce que je serai heureux si je reviens ? Quand on prend connaissance du coût de la vie de plus en plus élevé, du pouvoir d'achat en baisse, je ne vois pas pourquoi je devrais rentrer pour vivre une vie qui n'est pas confortable, où je n'aurai pas un salaire que je mérite et où il n'y a pas l'égalité des chances. Même si je sais que je dois revenir parce que je suis lauréat, est-ce que ça vaut le coup de rentrer maintenant ?"
Ainsi parle Luciano Azor (sur les ondes de Radio One vendredi), lauréat de la cuvée 2018, qui partage un sentiment rempli de désillusion sur notre pays dont l'ambiance pourrie ne s'améliore pas ! Doit-on s'étonner de ce genre de propos quand nous assistons aux départs de plus en plus fréquents de cadres professionnels et de jeunes, qui préfèrent jeter l'éponge, quitter Maurice, en allant s'épanouir intellectuellement ailleurs ? Peut-on ne pas les comprendre quand, jour après jour, l'espoir d'un meilleur lendemain s'amenuise ? Chaque semaine nous enfonce dans un fossé d'où il semble difficile de remonter !
Comment qualifier toute cette affaire Franklin, que le grand public découvre à la manière de plusieurs épisodes d'une série sur une mafia aux maillons insoupçonnés ! Et dire que pendant la même semaine, on aura assisté à un discours du Premier ministre sur la guerre sans merci que mène son gouvernement contre les trafiquants de drogue (lors de l'inauguration d'un centre de surveillance portuaire), tandis que le même Jugnauth est resté muet sur l'incompréhensible position de Maurice face à la condamnation de Celerine, connu comme Franklin, à la Réunion !
C'est l'Attorney General qui a ensuite été envoyé pour défendre l'honneur de son leader, dont la photo avec un accusé, prête-nom de Franklin, ne devrait pas provoquer d'"amalgame dangereux" ! On connaît la suite : Gobin, acculé par les journalistes, et visiblement impréparé, esseulé, embarrassé, nous a livré une scène pathétique en choisissant de quitter nerveusement une conférence de presse que lui-même avait organisée ! Et ce, parce qu'il a été incapable de répondre à la question que tout le monde se pose : est-ce que les autorités mauriciennes ont délibérément choisi de ne pas coopérer avec l'île de la Réunion sur une affaire aussi sérieuse qu'une condamnation de trafic de drogue ? Si oui, quelles en sont les raisons ?
Est-ce que Gobin et Jugnauth réalisent que c'est l'absence de transparence et le refus de rendre des comptes (alors qu'ils sont payés des fonds publics) qui jettent le doute sur toute cette histoire qui, après avoir fait la Une des journaux pendant plusieurs jours, a fini par sortir tardivement les enquêteurs de l'ICAC de leur torpeur ? Jugnauth aura beau proférer des menaces pour empêcher "un rapprochement malveillant" (que lui-même ne s'est pas privé de faire à l'égard d'autrui en utilisant la même tactique des photos), il faudra bien que son gouvernement nous explique pourquoi les saisies de l'ICAC, qui découvre subitement l'immense fortune de Franklin, s'apparentent plus à un gag, voire à un bouclier, servant une fois de plus des intérêts obscurs ?
D'autant que l'on sait que Franklin avait, avant même son arrestation, essayé par voie d'injonction (rejetée !) en cour de barrer la route à une éventuelle extradition de sa personne vers l'île sœur ! De là à penser que Franklin, pour des raisons que le grand public ignore, bénéficiait de protections secrètes lui permettant de se croire intouchable, c'est un pas que traversent allègrement certains esprits en fixant le financement des politiques !
C'est sur cette toile de fond du pourrissement d'un climat imprégné de malaise que plus de 5 000 jeunes ont pris connaissance de leurs résultats du HSC ce vendredi. Quel avenir les attend dans un pays où le copinage politique et la mafia s'enrichissent sur le dos des citoyens honnêtes ? Comment ne pas comprendre le pessimisme de l'ancien lauréat Azor dont le retour au pays ne fait plus rêver ?