Ile Maurice: Bradley Vincent - "En passant de l'eau à la terre, je réalise d'autres rêves"

13 Février 2023
interview

Qui ne connaît pas Bradley Vincent. Toujours nageur de haut niveau, premier et seul Mauricien à avoir nagé le 100m crawl en moins de 50 secondes, l'habitant de Moka, 31 ans, a une autre passion que la natation, à savoir celle d'arboriculteur où il s'adonne à la culture du fruit de la passion. Le recordman national des 50 et 100 mètres nage libre, des 50, 100 et 200 mètres dos ainsi que du 100m papillon nous en dit plus sur ses nouveaux objectifs.

Vous cultivez les fruits de la passion. D'où vous vient cet intérêt pour le métier d'arboriculteur ?

La culture du fruit de la passion est une pratique familiale depuis un bon nombre d'années (1996-2008 environ). J'en ai fait l'expérience quand mes parents résidaient aux Seychelles. Mon père, Roland Vincent, y possédait une grande ferme. Il était dans la culture hydroponique. Après la culture de melons et de légumes, il s'est tourné - durant les deux ou trois dernières années aux Seychelles - vers celle du fruit de la passion, sur une immense plantation où se trouvaient 42 tonnelles de 40 mètres.

Où les cultivezvous et à quel marché sont-ils destinés ?

Ma plantation (NdlR, la compagnie de Bradley Vincent se nomme In'Bio Ltd), qui existe depuis 2020, se trouve près de la vallée de Ferney ; elle occupe une superficie de 9 000 mètres carrés. Nous avons 1 300 plants de fruits de la passion. Nos récoltes avoisinent les 800 à 900 kilos par mois. Mais notre souhait est d'avoisiner une tonne, voire plus, dans le futur. Je suis aidé de deux employés. Nous produisons pour le secteur hôtelier principalement. Nous travaillons de lundi à samedi. Les jours de récolte, nous travaillons depuis tôt le matin jusqu'à 17 h 30-18 heures. En temps normal, je suis à la plantation de 6 à 13 heures. Puis, je reviens dans l'après-midi après mes entraînements. Cela dit, la pollinisation des fleurs se fait de 15 à 18 heures.

L'eau a été votre élément privilégié durant de nombreuses années. Vous êtes passé à la terre. Comment s'est faite cette transition ?

Même nageur, je cultivais le fruit de la passion (rires). Mais c'était pour ma consommation personnelle. Pour en revenir à votre question, je vous répondrais que c'est plus dur de cultiver la terre que de nager. Quand je nageais, je suivais le programme d'entraînement de mon coach. Mais quand on est arboriculteur, ce n'est pas aussi facile que ça. On peut suivre toutes les étapes que l'on veut mais si mère Nature est capricieuse, on ne peut rien faire.

Avez-vous des exemples de ce que vous avancez par rapport à la nature ?

Tenez, à un moment donné, en 2022, lorsqu'on a mis en terre de nouvelles plantes pour remplacer les anciennes, les lièvres les ont toutes mangées en un week-end. Heureusement, on a trouvé une astuce en entourant les plantes de cylindres en plastique pour que les lapins ne s'y intéressent plus. Autre chose : dans la culture du fruit de la passion, le plus difficile c'est la pollinisation car c'est fait à la main. Mais quand il pleut, nous ne pouvons le faire. Néanmoins, nous n'allons pas nous plaindre puisque nous avons aussi besoin d'eau pour les plantations.

Bien que vous affichiez une passion pour l'arboriculture, la natation ne vous manque-t-elle pas ?

Je suis toujours nageur de haut niveau. La dernière fois que j'ai représenté Maurice c'était lors des Mondiaux de natation à Melbourne (13-18 décembre). J'étais en lice dans les séries du 50m nage libre. Ce qui me manque le plus, ce sont les gens, et aussi, je dois l'avouer, le rêve qui accompagnait tout cela. Mais aujourd'hui, mes objectifs ont changé, mes rêves ne sont plus les mêmes. C'est un point de départ pour d'autres projets.

Quels sont ces rêves ?

Déjà, je suis très heureux de voir le plaisir que mon projet - en cultivant le fruit de la passion - procure à ma famille. Ma soeur, Melissa Vincent-Dalais, est partenaire de ce projet. Elle vient quelquefois avec ses enfants pour voir comment cela se passe. Et ils en sont ravis. J'ai comme rêve de voir ma ferme s'agrandir. Je voudrais avoir une belle équipe autour de moi. Je souhaite pouvoir aider le sud du pays. Ce serait bien que ma ferme puisse aider à créer des emplois et contribuer à l'éducation des habitants.

Que diriez-vous aux jeunes qui entreront bientôt dans la vie active ?

J'ai eu une vie d'athlète. La natation m'a permis d'avoir une certaine discipline et d'être structuré. Je me sers de cela dans mon travail aujourd'hui. Mais ce que je donnerai comme conseil aux jeunes, c'est de croire en leur plein potentiel et de ne pas avoir peur de prendre des risques. En commençant par ma plantation, à Ferney, j'ai fait des erreurs. J'ai fait de gros investissements que je n'ai pas pu récupérer. Mais j'ai pu voir le potentiel qu'il y avait dans ce projet. Je me répète depuis deux ans que je suis le "most valuable asset" pour mon business. Pour toute chose que je fais, je me répète la même chose.

Pour que tout marche, l'important, c'est que je puisse croire en moi-même d'abord et que j'arriverai, par le travail et mes qualités, à faire que cela marche. Car, enfin, il faut se donner la possibilité de se donner à fond dans ce que l'on fait pour accéder à ses rêves.

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