Récemment, trois mineures placées au Probation Home de Phoenix ont fugué de l'établissement... pour la seconde fois. Quelques semaines plus tôt, d'autres adolescentes avaient également fui de ce centre. Qu'est-ce qui coince dans ces organisations ? Une refonte du modèle existant ainsi que l'intégration des éducateurs spécialisés au système sont nécessaires, soulignent les défenseurs des droits des enfants. Comment y parvenir ? Explications.
Et de deux... fugues pour ces trois mineures placées au Probation Home de Phoenix. Après s'être enfuies de l'établissement un dimanche, elles ont été retrouvées une première fois deux jours plus tard. Le lendemain, elles ont repris la poudre d'escampette. Selon les informations, ce même établissement a recensé une autre fugue concernant plusieurs mineures récemment. Parmi elles, une fille de 15 ans, exclue de son collège après une bagarre. Admise au centre de probation, elle a fui avec d'autres adolescentes. Hélas, ces fugues semblent survenir fréquemment depuis le début de l'année. Elles remettent en question le fontionnement du système actuel.
Quel modèle faut-il adopter pour ces établissements pour adolescents à problème ? Selon Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, il y a un manque d'éducateurs spécialisés. Il s'agit d'une profession bien réglementée, notamment dans les pays européens, qui ceci nécessite une formation de BAC + 4. "Je connais bien le système vu que je suis éducatrice spécialisée. À Maurice, nous sommes deux professionnelles. Quand on encadre des enfants aussi difficiles que ceux des centres de probation, il est vital que le personnel appelé à les encadrer dispose d'une formation très spécialisée. Sinon, on ne sortira pas de l'auberge."
Afin de gérer des enfants en situation ou à risque de conflits avec la loi, les éducateurs suivent une formation très assidue, ajoute-t-elle. Rita Venkatasawmy soutient également que la "probation n'est pas en faute", mais ces établissements ne sont pas bien "outillés et équipés de ressources nécessaires pour encadrer ces mineurs". "Des lois sont tombées sur la probation et les gestionnaires se retrouvent avec cette responsabilité. Je ne parlerai pas de centre de probation mais plutôt de structures pour accueillir des mineurs avec des troubles comportementaux." De tels changements impliquent d'abord une formation spécialisée. Deuxièmement, de petites structures sont nécessaires. "Dans ces foyers, on peut avoir certains enfants scolarisés et qui étaient bien mais avec la pression des pairs, ils ont fugué." Il incombe d'équilibrer les groupes d'enfants mais ce n'est pas une tâche facile, souligne-t-elle.
Pour le Dr Trisha Boodhoo, psychologue clinicienne et responsable de projets au CEDEM, il importe de créer une structure favorisant la réhabilitation et remontant à la source du problème ayant conduit les jeunes aux centres de probation. "Évidemment, l'encadrement aura ce composant de réhabilitation. Le but est de revoir les comportements de l'enfant qui s'y est retrouvé et de comprendre ce qui a cloché dans la structure familiale. Qu'est-ce qui a fait qu'il ne soit pas dans un environnement paisible et sécuritaire ?" se demande-t-elle.
Définitivement, soutient Sam Lauthan, travailleur social et ancien ministre de la Sécurité sociale, il faut des éducateurs spécialisés pour ces jeunes ayant besoin de compassion et d'empathie. "Ce ne sont pas des prisonniers classiques mais des jeunes nécessitant beaucoup de compréhension. Par exemple, on doit déterminer comment ils ont grandi. Bien souvent, ils sont issus de familles éclatées ou dysfonctionnelles. Au lieu de punir, il faut intégrer un encadrement spécialisé."
Il revient sur d'autres fugues, notamment au centre de détention à l'étage d'un poste de police. Ce sont des enfants à risque à qui il rendait visite lorsqu'il était ministre. "Il faut entrer dans leur vie. J'ai connu des situations où des jeunes étaient abandonnés et devaient tras trase pour se nourrir et survivre", confie-t-il.
Parallèlement, Sam Luthan affirme que l'atmosphère dans laquelle évoluent ces enfants est déterminante. Selon lui, certains ont une maison mais passent leur temps dans la rue. D'autres vivent totalement dans la rue. D'où le projet d'éducateurs de rue, renchérit-il. "Il faut travailler en amont, avant que ces jeunes ne commettent des délits."
Qu'en est-il des formations disponibles localement en éducation spécialisée ? Selon Trisha Boodhoo, certains cours sont dispensés par des universités mais davantage orientés vers le travail social. Toutefois, ajoute-t-elle, la réhabilitation ne se fait pas à travers une profession unique mais de façon multidisciplinaire.
"Il faut capter les divers aspects nécessitant un travail avec l'enfant en question. Cela demande une intervention des professionnels formés dans ces différentes disciplines justement. Il y aura donc ce côté éducation spécialisée, la réhabilitation psychologique et dans certains cas, des enfants auront besoin d'une approche psychiatrique également ou d'un pédopsychiatre. Ce sont là des suivis encore plus spécifiques." Pour elle, il est crucial que les droits de ces mineurs soient respectés dans cet espace et qu'ils accèdent parallèlement à des loisirs et à une vie sociale.
"Y a-t-il des approches les aidant à se réinsérer socialement et par rapport à la famille ? Plusieurs approches sont à prôner par différents professionnels pour atteindre ces résultats", indique-t-elle. Subséquemment, y aura-t-il moins de fugues ? D'après Trisha Boodhoo, un encadrement adéquat et un espace d'écoute permettront aux enfants de s'y sentir mieux. Le milieu de réhabilitation sera alors propice aux changements de ces mineurs et au niveau de la structure familiale. Une telle approche pourra favoriser des répercussions positives. "Il y aura également des difficultés mais il faut se focaliser sur un modèle contribuant à se réunir et à élaborer des solutions."
Pour Rita Venkatasawmy, les formations d'éducateurs spécialisés peuvent être mises en place à Maurice. Non seulement, cela peut se faire mais il faut aussi se donner les moyens d'y parvenir. On peut demander l'assistance de La Réunion, enchaîne-t-elle. "Cette formation est dispensée à l'île soeur. Dans le passé, il y a déjà eu des tentatives d'accord avec l'École d'éducateurs de La Réunion. Donc, cela doit se faire... mais surtout être bien structuré", rappelle-t-elle.
D'après elle, il faut former des éducateurs dans la durée. Par exemple, cela ne peut être comptabilisé en semaines ou mois. Au minimum, suggère Rita Venkatasawmy, cela nécessite deux années.
Parentalité et fléaux: une fondation bientôt lancée
Préoccupé par le sort des adolescentes en situation de grossesse précoce et d'autres fléaux, Sam Lauthan vient avec un projet de fondation. Celle-ci comprendra trois axes : le combat contre la drogue, la violence et finalement, des cours de préparation pour les parents y seront assurés. Il sera question surtout des "new parenting skills", indique-t-il. Le lancement aura lieu très bientôt, nous a-t-il déclaré.