Il y a une dizaine de jours, King annonce deux concerts, pour les 11 et 12 mars, au J&J Auditorium. Vingt ans après la chanson "Let me fly" (inspirée en 2003 et disque de l'année en 2005), King explique son choix de rester dans le registre du gospel alors que le "mainstream" lui avait ouvert les bras.
Voir sa chanson disque de l'année - "Let me fly" en 2005 - cela a été plus un fardeau qu'autre chose ?
Au début, je ne savais pas comment gérer ça. À l'époque, je ne savais que chanter à l'église. Quand le disque de l'année est arrivé, je n'avais pas la maturité (NdlR : King a aujourd'hui 49 ans).
Il y aura toujours des critiques même si vous faites 100 % bien. Certains ont dit "aster King sant dan diskotek". Je n'ai rien contre les boîtes de nuit mais ce n'est pas mon style de vie. J'avais un peu peur de ce que les responsables de l'église allaient dire.
Qu'ont dit ces responsables d'église ?
Ils n'ont pas tous eu le toupet nécessaire pour m'en parler. Peut-être que derrière mon dos... Que les choses soient claires. Chanter en dehors de l'église était alors perçu comme la délaisser. Kouma dir nou pe rod laglwar.
Ce regard a-t-il changé ?
Je suis mal placé pour dire que je suis le modèle à suivre. C'est clair qu'il y a eu un grand changement. J'ai été parmi les premiers à proposer des concerts spirituels payants. Au début, j'ai eu des tonnes de critiques. Dimounn dir "pou al ador Bondie aster bizin peye". Les billets c'était peanuts : Rs 100, Rs 125. Pour les deux concerts le mois prochain au J&J Auditorium c'est à Rs 350. Des prestataires m'ont dit qu'ils n'ont jamais travaillé à un prix aussi bas.
Ce qui veut dire qu'une fois tous les frais payés, il ne restera rien ?
Chanter, ce n'est pas mon métier. Je ne veux pas en faire mon gagne-pain. Mo deza ena mo travay (NdlR : il dirige l'agence de communication et marketing GreatCom Ltd). Cela montre qu'on ne fait pas ça pour de l'argent, que nous sommes sincères.
Aujourd'hui je me considère comme un éclaireur. C'est lui qui prend les branches dans la figure, mais il ouvre la voie pour ceux qui sont derrière lui.
Nous sommes parmi les premiers à avoir enregistré un concert en multipistes en 2003. J'ai commencé en 1997 avec des cassettes. Là, le dernier bébé, ce sont des chansons sur une clé USB. Tout cela a apporté le respect. En 2007, j'ai eu une offre de Sony Music en Angleterre.
Pourquoi l'avoir refusée ?
À 17 ans, quand je commence à fréquenter l'église, mo enn piti kinn gagn kriz epilepsi.
Vous avez raconté que vous étiez le voyou du quartier à Quatre-Bornes.
L'histoire n'a pas changé. À 17 ans, je n'étais rien. Je suis reconnaissant de tout ce que j'ai eu. Dans ce quartier (NdlR : rue Malartic à Quatre-Bornes), des gens disent avec fierté : "King sorti isi mem."
Vous ne dites pas pourquoi vous avez refusé l'offre de Sony Music.
Je savais que si je prenais cette voie, j'aurais complètement dévié de ma foi. Je ne regrette pas mes choix. Let me fly ouvre des portes extraordinaires.
Presque vingt ans plus tard c'est toujours le cas ?
Quand je rencontre quelqu'un pour la première fois, même un manager dans une entreprise, au moment où cette personne me dit "se pa ou mem santer... ", il y a une confiance qui s'instaure. Ena manager donn mwa travay lizie ferme. Après tout ce temps où j'ai été exposé aux médias, ils savent que je sais vendre un produit.
Avec cette chanson, je suis rentré dans la maison des gens, dans les oreilles de leurs enfants. Je suis devenu comme un membre de la famille. Sur les réseaux sociaux, quelqu'un m'a écrit : "You are my childhood."
Vous avez pris un coup de vieux ?
Non. Je suis très fier que dans ce monde, j'ai pu semer quelque chose de bien. Un artiste doit apprendre à toucher les gens. Cela ne se fait pas dans la chair. C'est de coeur à coeur.
De 2005 à aujourd'hui, vos autres chansons n'ont pas traversé les frontières du gospel pour entrer dans le "mainstream". Vous le regrettez ?
Je n'ai fait aucun effort pour ça. En 2007, avec l'offre de Sony Music, j'ai dû prendre une décision. C'est comme un bébé qui est venu au monde (NdlR : King est aussi père d'un fils de 11 ans). Quand vous mettez un bébé au monde, il faut subvenir à ses besoins. C'est pareil pour un chant. Il faut en faire la promotion auprès des animateurs radios. On vous invite à vous produire dans des soirées.
Let me fly, c'est mon côté jeune qui s'est exprimé à l'époque, avec du ragga. Cette chanson m'a déjà ouvert beaucoup de portes. On m'a souvent demandé : à quand le prochain hit ? Je n'ai pas voulu continuer dans cette voie. Je n'ai même pas eu besoin de faire un remix de Let me fly (NdlR : Soul Faya cover de deux jeunes DJ est sorti en 2020). Pourquoi je ferais un remix ? On ne touche pas à Billie Jean, on ne touche pas à Careless whisper.
Vous vous comparez à Michael Jackson et George Michael, là.
Je veux dire qu'on ne touche pas aux classiques.
Vous ne voulez pas sortir des cantiques et de l'église, mais vous dites que le public lui, transcende les barrières religieuses.
À l'église, on ne cherche pas des chanteurs. On a besoin de vrais adorateurs. Je le redis, je ne me considère pas comme un chanteur...
Même si vous avez une carrière de chanteur ?
Peu importe. Si je me présente à un concours de chant, je crois que je ne serais même pas sélectionné. J'ai grandi avec le Grup Lataniers. Se pa zot lavwa ki ti pe sante, se zot leker ki sante. Leurs chansons étaient des cris du coeur. En Angleterre, avec Let me fly, on cherchait la performance, le show. Mo enn sofer bis. Mon travail est de rapprocher des gens de Dieu.
Les réseaux sociaux ont bien aidé. Avant leur existence, le public entendait parler de nous une fois le temps à la radio. On n'était pas dans les playlists. Ou alors les gens achetaient un CD. Avec les réseaux et cette liberté de poster nos oeuvres, sans être un pasteur, cela a touché des gens. Au fil des ans, j'ai aussi chanté des textes qui disent pa dekouraze, ena enn solision. Les cantiques ont traversé les barrières de la religion et les couches sociales. Combien de gens vivent des dépressions, traversent des situations extrêmement difficiles ? Souvent, ils ne savent pas vers qui se tourner. Je reçois tellement de messages. J'ai six à sept pages (NdlR : dont Jenkins King, Jenkins King III etc. sur Facebook). Parfois les gens se sentent mieux rien qu'en partageant leur peine.
Le choix des dates du 11 et 12 mars, ce n'est pas un hasard ?
C'est pendant le carême menant à la Pâques.
C'est le moment où les artistes "mainstream" ne font pas de concerts.
Exactement. Notre démarche est autre. Je suis aussi extrêmement reconnaissant d'être né à Maurice. J'aurais pu naître dans un pays où des bombes tombent sur ma famille tous les jours. Il y a des gens qui travaillent pendant 11 mois pour venir ici pendant deux semaines. Je ne dis pas que nous sommes dans un pays parfait. Nulle part n'est parfait. La seule chose que je puisse faire pour aider, c'est de prier pour mon pays.
Levée de fonds
King en concert c'est le samedi 11 mars à 19 heures et le dimanche 12 mars à 15 heures au J&J Auditorium. Sur scène, il y aura une chorale "d'environ 90 personnes, huit musiciens et une équipe de techniciens de 12 personnes".
Ces concerts serviront aussi de levée de fonds pour aider une personne qui a été diagnostiquée d'un cancer l'an dernier. "Cela servira à payer la chimiothérapie", précise King.
Le chanteur de gospel confie : "En 2020, pour le concert au centre de conférences swami Vivekananda, on a dépensé Rs 250 000. De cette somme, Rs 150 000 ont été données à PCF pour des enfants. Le reste a servi pour financer un déjeuner, un jouet et le matériel scolaire pour environ 75 enfants". Renseignements et réservations dans le rezo Otayo. Tel : 466 9999 ou otayo.com