Après la campagne #STOPEACOP en Ouganda, c'est en Afrique du Sud que les militants environnementaux se mobilisent contre les projets de TotalEnergies. La major a demandé la licence de production de deux blocs gaziers au large de la côte sud-africaine. Un investissement qui pourrait s'élever à 3 milliards de dollars pour des réserves estimées à plus d'un milliard de barils. Mais ce projet est loin de faire l'unanimité.
Ce nouveau projet d'extraction d'énergie fossile mobilise les acteurs sur le terrain en France, comme l'association de défense des milieux marins Bloom, mais également en Afrique du Sud. Parmi ces militants, Christian Adams, qui représente la 4e génération de pêcheurs de sa famille. Il a deux fils à qui il souhaiterait passer le flambeau, mais le développement des projets pétroliers et gazier sur la côte risque de compromettre ces perspectives.
" J'ai très peur de cela, explique-t-il. En réalité, je commence déjà à leur dire que d'ici à ce qu'ils soient adultes, ils ne pourront sans doute pas devenir pêcheurs ". Il essaie de les convaincre de se diriger vers d'autres carrières mais sans succès pour l'instant. " La seule chose qu'ils veulent, c'est avoir cette connexion avec l'océan et de continuer à subvenir aux besoins de notre famille, tout comme le ferait une longue lignée de docteurs ou d'avocats, raconte-t-il. Ma famille pratique la pêche depuis des décennies et maintenant l'amplification de la crise climatique à cause d'entreprises comme Total ou de gouvernements comme celui d'Afrique du Sud fait que ma pratique de la pêche, mon métier, touche peut-être à sa fin avec ma génération ".
C'est pourquoi Christian Adams, ainsi que différents militants sud-africains, ont fait le déplacement en Europe la semaine dernière pour alerter les dirigeants et l'opinion publique sur ce sujet. Parmi eux, Liziwe McDaid, prix Goldman - surnommé le Nobel de l'environnement -, et responsable stratégique de l'organisation sud-africaine Green Connection. " C'est une grande étape qui se joue car pour la première fois en Afrique du Sud, Total essaie d'obtenir une licence de production, ce qui signifierait des puits et potentiellement des fuites. Aujourd'hui, si nous nous y opposons tous, nous croyons que nous pouvons arrêter Total ", espère l'activiste. Et d'ajouter : " Nous pouvons nous battre sur les autorisations environnementales ".
Nécessité de diversification énergétique
Mais la production électrique d'Afrique du Sud dépend aujourd'hui essentiellement du charbon. Les autorités cherchent donc à diversifier leur approvisionnement. Gwede Mantashe, le ministre de l'Énergie, expliquait les besoins sur une chaine de télévision sud-africaine : " Notre transition sera durable si nous accédons au pétrole et au gaz qui se trouvent sur nos côtes. Personne ne se plaint lorsque nous importons du gaz du Mozambique mais lorsque nous annonçons que Shell, par exemple, mène des activités, tout le monde fait des bonds ".
Le ministre s'exprimait également à une autre occasion depuis une plateforme d'exploration de TotalEnergies. " Je dois travailler avec les écologistes, mais ce à quoi je résiste, c'est à la déstabilisation, au fait que nous ne puissions pas penser au développement. Nous sommes une économie en développement et nous avons un long chemin à parcourir ", affirmait-il.
Un argument que les écologistes réfutent. Nevill van Rooy, en charge des liens avec les communautés de Green Connection, explique qu'en tant qu'écologistes, " nous sommes perçus comme étant contre le développement ". " Ce n'est pas le cas, abonde-t-il, ce que nous disons, c'est que le développement doit être conduit de la base pour que tous puissent en bénéficier ".
Par ailleurs, pour Liziwe McDaid une transition énergétique via les énergies fossiles est une perte de temps. Elle met également en avant les risques environnementaux concrets de fuites et autres accidents. D'autant qu'il y a déjà eu des difficultés dans ces eaux profondes lors des phases d'exploration, rappelle-t-elle. " Lorsque Total est arrivé pour essayer de faire des forages dans cette zone, ils n'ont pas réussi à mener à bien leurs opérations et ont dû s'arrêter parce que les courants océaniques y sont parmi les plus rapides du monde, et cela s'amplifie à cause du changement climatique, détaille l'activiste sud-africaine. C'était trop violent. Donc pour nous, c'est vraiment de la folie. "
Risques environnementaux et impacts culturels
Les deux blocs gaziers sont situés dans la Mossel bay, dans le sud du pays, sur la côte est. Une zone de grande biodiversité et, par ailleurs, de migration des baleines. Elles attirent chaque année des milliers de touristes.
Mais les organisations mettent également en avant que l'environnement marin et notamment le contact avec les baleines fait partie intégrante de la culture des communautés côtières. " Nous avons même une tradition culturelle. Quelqu'un souffle la corne pour annoncer l'arrivée des baleines, explique Nevill van Rooy de Green Connection. Vous savez, les baleines ont une signification très importante parce qu'elles viennent là pour donner naissance et élever leurs petits. Cela fait écho à la reproduction et au cycle de la vie ".
Communautés et militants en Afrique du Sud sont donc très actifs et n'hésitent pas à porter les affaires en justice. Ils ont obtenu par exemple l'annulation d'un programme d'exploration sismique de grande envergure de Shell. La justice sud-africaine a justifié sa décision par le manque de concertation avec les communautés locales, notamment les pêcheurs.
En réponse à la campagne lancée par l'ONG de protection des océans Bloom et de Greenconnection en octobre dernier, TotalEnergies assurait dans un communiqué qu'une étude d'impact environnemental et sociétal va permettre de préciser les impacts économiques, sociaux et environnementaux du projet et " les mesures d'accompagnement envisagées ". La major précise également avoir déjà " volontairement " réduit le périmètre de la demande de licence pour exclure la zone maritime protégée.