Rs 239,5 milliards. C'est le montant représentant la dette du secteur privé, sans compter le global business et les ménages, à fin décembre 2022, contre Rs 209,5 milliards à novembre 2021, selon les chiffres de la Banque centrale. Si le niveau de la dette est en hausse, il est important de mettre en exergue que le repo rate est aussi en hausse - il est passé de 1,85 % en novembre 2021 à 4,50 % aujourd'hui ; ce qui rend le remboursement des dettes plus difficile pour les corporates.
Pourtant, comme on peut le constater dans les différents rapports financiers d'entreprise, la capacité de remboursement des opérateurs s'améliore progressivement avec la reprise des conditions économiques et des activités dans les différents secteurs. Dans ce contexte, il est nécessaire que les corporates donnent priorité à leur désendettement, car une dette des entreprises trop forte est une menace pour la stabilité financière. Elle devient donc un facteur restrictif à la nouvelle politique monétaire de la Banque de Maurice (BoM) dans sa lutte contre l'inflation.
Cette dette élevée des entreprises n'est pas un phénomène qui concerne uniquement Maurice. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), la dette des entreprises a augmenté de plus de USD 12 trillions dans les économies avancées et émergentes pendant la pandémie, les entreprises ayant emprunté pour renforcer leur bilan.
Mais, aujourd'hui, la forte hausse des taux d'intérêt met les finances des entreprises à rude épreuve. Un ralentissement économique au niveau mondial augmente aussi les risques auxquels sont confrontées les économies avancées et émergentes ; une dette élevée des entreprises pourrait aussi se traduire par un ralentissement de la croissance, une hausse du chômage, une pression sur les ménages vulnérables, une volatilité des prix des actifs et une flambée de prêts non productifs dans les institutions financières, prévient ainsi le FMI.
Revenons toutefois à Maurice. Les entreprises ont, pour ainsi dire, toujours eu recours à l'endettement, considérant surtout les taux d'intérêt favorables et la dette coûtant moins cher que les capitaux en fonds propres. Mais cela dépend de la capacité de l'entreprise à générer du cash pour payer les intérêts et le capital emprunté. Compte tenu de la reprise économique, finalement, il ne s'agit pas d'éliminer la dette, mais plutôt de la réduire à un niveau soutenable et surtout non restrictif à une politique monétaire efficace.
Pour commencer, il est clair que réduire le niveau de la dette du privé devra se faire par des initiatives propres aux entreprises et non par l'apport et le soutien étatiques, l'État devant recentrer ses priorités sur une meilleure performance de son économie, que ce soit la lutte contre l'inflation ou la réduction du déficit de son compte courant, entre autres.
Dans quelles conditions fonctionnent actuellement les entreprises ? "Les entreprises ont été très affectées par le Covid-19 avec des baisses d'activité énormes, mais l'économie a montré une capacité de rebond exceptionnelle, avec un retour désormais proche du niveau d'activité d'avant la crise. Cependant, avec la hausse des taux d'intérêt, le poids de la dette va se faire sentir puisque le profil d'endettement des entreprises locales est de nature variable. On s'attend aussi à un ralentissement de l'économie mondiale en 2023 qui va impacter l'activité des entreprises et, tenant en compte l'environnement inflationniste, le besoin en fonds de roulement des entreprises va également augmenter", explique Anthony Leung Shing, Country Senior Partner PwC Mauritius.
Dans ce contexte, il existe plusieurs options qui permettraient à une entreprise de réduire sa dette. Elle peut vendre ses actifs, substituer la dette par des apports en fonds propres, ou ouvrir son capital à des investisseurs tiers, entre autres options. "De manière générale, la trésorerie des entreprises s'est stabilisée et est retournée à un niveau pré-Covid. La hausse des taux d'intérêt va pousser les entreprises à revoir leur niveau d'endettement, mais cela va être difficile avec la pression des salaires, la flambée des coûts et la pénurie de main-d'oeuvre. Je pense que certaines entreprises commenceront à se désendetter au détriment d'investissements qu'elles repousseront et cela contribuera à un ralentissement de l'activité économique. Les entreprises ont aussi d'autres outils pour réduire leur taux d'endettement comme consolider leur dette, restructurer leur bilan ou injecter plus de capitaux propres. Cependant, il n'y a pas de solution facile et la montée en flèche de l'inflation va impacter la capacité de remboursement des entreprises", précise-t-il.
Si les solutions ne sont pas simples à appliquer, il est nécessaire que les entreprises trouvent, seules, un meilleur équilibre entre leurs dettes et leurs fonds propres, compte tenu de la tendance à la hausse des taux d'intérêt. Si l'inflation ralentit aux États-Unis, sa politique d'augmentation des taux ne change pas, ce qui par ricochet pourrait pousser la BoM à suivre le pas.