Afrique: Relations Chine-Afrique - Des liens qui restent solides en toutes circonstances

analyse

Cela fait maintenant 33 ans depuis que l'Afrique est la destination de la première visite annuelle à l'étranger des ministres chinois des Affaires étrangères. Le nouveau Ministre Chinois des Affaires Etrangères Qin Gang, qui a remplacé Wang Yi, a bien évidemment maintenu cette tradition, démontrant ainsi l'engagement chinois envers l'Afrique en tant que partenaire stratégique de premier ordre.

En effet, afin d'approfondir le partenariat stratégique et coopératif global sino-africain et de renforcer la coopération amicale entre la Chine et l'Afrique, le Ministre des Affaires Etrangères Qin Gang s'est rendu en Éthiopie, au Gabon, en Angola, au Bénin, en Égypte, au siège de l'Union Africaine et au siège de la Ligue des États arabes basé en Egypte (sur invitation) du 9 au 16 janvier 2023, selon le Ministère des Affaires Etrangères de la République Populaire de Chine.

La tournée de Mr. Qin en Afrique envoie également un message clair que la Covid a atteint son apogée en Chine et que la vie a retrouvé son cours normal, Cette visite est intervenue après que les autorités chinoises ont mis fin à la politique chinoise zéro COVID et ont annoncé la réouverture des frontières du pays.

La stratégie de relance post-Covid de la Chine s'articule autour de la nouvelle phase de réforme et d'ouverture du pays, comme l'a annoncé le Vice-Premier Ministre Chinois Liu He devant un public des milliardaires et de banquiers internationaux et d'autres participants au Forum Economique Mondial de Davos, en Suisse, le 17 janvier 2023.

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" Les investissements étrangers sont les bienvenus en Chine et la porte de la Chine ne fera que s'ouvrir davantage, " a déclaré le Vice-Premier Ministre Chinois, comme l'a rapporté le Financial Times basé à Londres.

Il a exprimé son optimisme quant à la reprise économique de la Chine après la pandémie et la récession causée par les fermetures et la distanciation sociale. Cela rappelle la politique de réforme et d'ouverture de la Chine de 1978 sous le Président Deng Xiaoping à travers laquelle le gouvernement chinois a commencé à poursuivre une politique de porte ouverte (après la crise économique provoquée par la révolution culturelle), dans laquelle il a adopté une position pour atteindre la croissance économique grâce à l'introduction active des capitaux étrangers et des technologies tout en maintenant son attachement au socialisme. Le pays s'est ouvert au commerce et aux investissements étrangers, a libéralisé les prix, diversifié la propriété, renforcé les droits de propriété, maîtrisé l'inflation et maintenu des taux d'épargne et d'investissement élevés (voir : Bert Hofman, Reflections on forty years of China's reforms, East Asia & Pacific on the Rise relayed by world Bank Blogs, 1 February 2018).

La tournée africaine du nouveau Ministre Chinois des Affaires Etrangères Qin Gang revêt une importance capitale pour l'Afrique parce que l'Afrique ne peut pas contrer les effets d'une crise sanitaire mondiale, comme la crise du Covid-19 sans compter sur les partenaires extérieurs, notamment la Chine.

Au niveau multilatéral, Qin Gang a dû discuter avec Moussa Faki, président de la Commission de l'Union africaine, les modalités pratiques de l'adhésion de l'UA au G-20 et la recherche du soutien de la Chine aux positions africaines au G-20 et dans d'autres fora multilatéraux tels que l'ONU et l'OMC. Il s'agissait également d'engager la Chine dans le développement de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF) et assurer le suivi de plusieurs engagements à l'échelle du continent pris lors du Forum sur la Coopération Chine-Afrique (FOCAC), tels que les projets d'infrastructures régionales et les droits de tirage spéciaux (DTS).

En effet, en août 2022, la Chine a été parmi les premiers pays du monde à soutenir publiquement la candidature de l'Union africaine à être représentée en permanence par le président de l'UA et la Commission de l'Union Africaine au sein des Pays du G20.

En outre, Monsieur Qin a assisté à la cérémonie d'inauguration du nouveau siège du nouveau Centre Africains de Contrôle et de Prévention des maladies (Africa CDC) au siège de l'Union Africaine Addis-Abeba, en Ethiopie, construit par la Chine - précédemment, c'était un projet dans lequel devaient collaborer la Chine et les Etats-Unis (mais ces derniers se sont retirés). C'est une institution qui a joué un rôle central dans l'admirable réponse de l'Afrique à la COVID-19. Elle est aujourd'hui la concrétisation d'un engagement pris par la Chine lors de la septième réunion du Forum sur la Cooperation Chine-Afrique (FOCAC) en 2018. Il ne fait aucun doute que le leadership du CDC cherchera à tirer parti de cela en encourageant la Chine à faire davantage pour soutenir la production locale des vaccins et de médicaments en Afrique (Yixin Yu et Charlie Zong, TheDiplomat, 11 janvier 2023).

Selon Yixin Yu et Charlie Zong, si le commerce avec le continent africain est resté robuste au cours de la période COVID-19, une ambition chinoise clé pour cette mission et les futures missions des dirigeants Chinois à l'étranger a été sans aucun doute de rassurer les partenaires Africains de l'engagement de la Chine à renforcer les liens économiques, notamment par le biais d'un renforcement des mouvements transfrontaliers de personnes, ce qui ne peut être réalisé sans investissement dans la construction d'infrastructures.

C'est pourquoi les pays africains sont profondément engagés dans la grande vision de la Chine de " l'Initiative la Ceinture et la Route " (ICR), ou " Belt and Road Initiative (BRI), ou encore " One Belt, one Road " (IBOR) comme elle est connue par ses acronymes anglais, et qui a donné un nouvel espoir à l'Afrique, à l'Asie et à l'Amérique Latine.

Dans une situation mondiale de plus en plus difficile et complexe, l'initiative BRI devient encore plus significative en termes de renforcement des investissements bilatéraux entre la Chine et les pays le long de la route BRI, pour promouvoir le développement de l'économie régionale et prévenir les défis actuels et futurs qui pourraient survenir. Malgré la tendance à la baisse de la récession économique due au covid-19, le Ministère Chinois du Commerce a indiqué que les investissements chinois dans les pays situés le long de la route BRI ont atteint 14,11 milliards de dollars au cours des dix premiers mois de 2020 (Alessia Amighini, China After Covid-19 : Economic Revival and Challenges to the World, ISPI Report, 29 June 2021).

Réitérons que la nouvelle route de la soie (parfois aussi au pluriel) est un projet stratégique chinois visant à relier économiquement la Chine à l'Europe en intégrant les espaces d'Asie Centrale par un vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires. Ce terme (Belt and Road Initiative ou BRI en anglais) a remplacé en 2017, dans la terminologie officielle, l'expression de " One Road, One Belt " (" One Belt, One Road " (" Une Ceinture, Une Route ") ou OBOR. Dans son versant maritime, ce réseau de routes commerciales inclut les espaces africains riverains de l'Océan indien, Océan Atlantic, Mer Méditerranée (Nashidil Rouiaï, Routes de la soie, nouvelle route de la soie, GEOCONFLUENCES, septembre 2018. Dernière modification : mars 2022).

C'est pourquoi, au Gabon, les entretiens du nouveau Ministre Chinois des Affaires Etrangères Qin Gang avec les autorités gabonaises ont dû s'articuler autour de la mise en œuvre de " l'initiative une Ceinture, une Route" dans ce pays. En effet, en septembre 2022, en marge de l'Assemblée Générale de l'ONU à New York, le Ministre Chinois des Affaires Etrangères de l'époque, Wang Yi, a rencontré son homologue gabonais et il a été annoncé que la Chine travaillerait avec le Gabon pour construire une " ceinture et une route " de haute qualité dans le pays, selon le reportage de Yixin Yu et Charlie Zong. En effet, c'est au Gabon où la Chine vient de construire un pont long de 9,5 km, reliant le Port Gentil de la ville d'Ombwe (le plus long de l'Afrique), ce que la France, l'ancienne puissance coloniale qui exploite le pétrole et le manganèse gabonais depuis près d'un siècle maintenant, n'a pas fait.

De l'Occident ne viennent que des critiques et des allégations selon lesquelles la Chine crée un "piège de la dette" en Afrique. Or, comme l'a révélé Mr. Qin, citant les données de la Banque Mondiale, ce sont les institutions multilatérales et les créanciers commerciaux qui détiennent près des trois quarts de la dette extérieure totale de l'Afrique, et cela, sans prendre des mesures énergiques pour alléger le fardeau de la dette des pays africains. C'est plutôt la Chine, pour sa part, qui a signé ou était parvenue à des consensus avec 19 pays Africains sur l'allègement de la dette ayant contribué à la construction des infrastructures et donc au développement (y compris avec la RDC, le Tchad, la Zambie, pour ne citer que ceux-là). En outre, la Chine est le plus grand contributeur à l'allégement des dettes africaines parmi les pays du G20. En plus de cela, le Président Chinois Xi Jinping a déclaré lors de la cérémonie d'ouverture de la 8eme Conférence Ministérielle du FOCAC en novembre 2021 que la Chine était prête à canaliser vers les pays Africains 10 milliards de dollars américains provenant de sa part de la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux du FMI et ce travail a progressé par étape, comme l'a confirmé Mr. Qin. A la fin des comptes, le soi-disant "piège de la dette" en Afrique n'est qu'un "piège narratif" imposé à la Chine et à l'Afrique.

Vues la profonde amitié et l'importance des relations bilatérales qui lient la Chine et l'Ethiopie, Mr. Qin a choisi l'Ethiopie comme première étape de sa première visite à l'étranger et sa première visite traditionnelle en Afrique en tant ministre des affaires étrangères de la Chine. En effet, l'Ethiopie est considérée par la Chine comme un partenaire important en Afrique avec lequel Beijing a tissé des relations spéciales sur les plans diplomatique, stratégique, économique voire idéologique: Addis-Abeba abrite le siège de l'Union Africaine (UA) ainsi que la Commission Economique pour l'Afrique (CEA) des Nations Unies, le poids démographique qui fait de l'Éthiopie la deuxième puissance démographique du continent noir après le Nigeria, sa situation stratégique régionale, notamment par le contrôle qu'elle exerce sur les sources du Nil bleu (Lac Tana); l'importance de ses besoins en matière de développement même si elle est démunie de matières premières dans son sol et sous-sol; et enfin la stabilité politique du pays. Cependant, le conflit dans la région du Tigré est une épine politique et militaire qui vient de perturber cette stabilité politique dans un pays où la Chine a beaucoup investi. En effet, l'Ethiopie demeure le pays africain de premier plan qui a participé à la coopération en matière de capacité industrielle avec la Chine. En témoigne, leur coopération étroite dans des domaines variés comme les infrastructures, l'économie verte, l'agriculture, l'aviation civile et les parcs industriels (usines de chaussures).

Même si l'Éthiopie s'efforce de consolider une paix encore fragile, Mr. Qin a exprimé le souhait et le soutien de son pays en vue de la poursuite du développement pacifique de l'Éthiopie en particulier et de l'Afrique en général, faisant référence à la Corne de l'Afrique, à la Région du Sahel et à la Région des Grands Lacs; et pour le renforcement des investissements après la crise du Covid-19 tout en assurant leur protection. Il a lancé un appel à la communauté internationale, plus particulièrement aux partenaires traditionnels occidentaux de l'Afrique, d'en faire autant.

A cette occasion, Ethiopian Airlines, la première compagnie aérienne en Afrique, a annoncé que la fréquence de ses vols vers la Chine augmentera à compter du 06 février 2023, revenant aux niveaux pré-Covid le 01 mars 2023. Peu de temps avant la tournée africaine de M. Qin, le Gouvernement Chinois a annoncé la levée des restrictions des vols aériens, mettant ainsi fin à la quarantaine obligatoire pour les voyageurs entrants.

En tant que plus grand producteur de coton d'Afrique et l'un des principaux producteurs de noix de cajou et de soja, le Bénin considère la Chine comme un important marché d'exportation de produits de base et soutient donc définitivement les projets régionaux chinois tels que l'autoroute du corridor Abidjan-Lagos.

Depuis 2014, la Chine et l'Egypte entretiennent une coopération approfondie sur des projets comprenant des trains, des routes et des parcs industriels (comme la zone de coopération économique et commerciale de Suez à investissement chinois). Pour rappel, l'Egypte était la destination africaine la plus prisée des touristes chinois en 2018, selon le rapport de Yixin Yu et Charlie Zong. En 2021, la société pharmaceutique publique égyptienne VACSERA a coopéré avec la chinoise Sinovac pour produire localement des vaccins contre la COVID-19. En février 2022, 30 millions de doses avaient été produites. Cependant, cela devra s'intensifier si l'Égypte veut devenir une plaque tournante régionale africaine pour la fabrication de vaccins en coopération avec la Chine, respectant son engagement du FOCAC de produire localement 400 millions de vaccins sur le continent d'ici 2024. Ainsi, ces zones ainsi que le tourisme ont été placé en bonne place sur l'agenda égyptien de Mr. Qin.

L'Angola, quant à lui, s'attend à approfondir davantage sa coopération avec la Chine et accueille favorablement davantage d'investissements chinois en Angola, comme l'a déclaré le Président João Lourenço. La visite de Monsieur Qin Gang a coïncidé avec les relations Angola-Chine atteignant un cap de 40 ans. De nombreux grands projets historiques soutenus par la Chine, notamment des aéroports, des centrales hydroélectriques, des routes et des ports, ont progressé sans heurts en Angola, jouant un rôle indispensable dans la reconstruction d'après-guerre et le développement économique et social de l'Angola. Les entreprises chinoises ont apporté des contributions positives à l'amélioration des infrastructures et des moyens de subsistance de la population en Angola. L'Angola espère approfondir davantage sa coopération avec la Chine et accueille favorablement davantage d'investissements chinois en Angola.

Selon Monsieur Qin, la Chine apprécie l'engagement de l'Angola envers le principe d'une seule Chine. La Chine soutiendra, comme toujours, l'Angola dans sa lutte contre l'ingérence extérieure, dans le choix indépendant de sa voie de développement et dans la sauvegarde de la souveraineté nationale, de la sécurité et des intérêts de développement. La Chine est prête à travailler avec l'Angola pour mettre en œuvre les importantes ententes communes conclues entre les deux chefs d'État et améliorer la coopération pragmatique, afin d'apporter plus d'avantages aux deux peuples.

Selon M. Qin, la Chine apprécie la médiation active de l'Angola sur les questions régionales sensibles et soutient l'Angola pour qu'il joue un plus grand rôle dans les affaires internationales et régionales. Comme on le sait, le Président Angolais a été nommé médiateur par la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) et l'Union Africaine (UA) pour la désescalade entre la RDC et son voisin agresseur, le Rwanda.

Il s'avère malheureusement que pour le moment, la RDC sous le régime pro-occidental du Président Felix Tshisekedi demeure un géant aux pieds d'argile. Si les investissements bilatéraux ne sont pas renforcés entre la Chine et la RDC, un grand pays riche en ressources naturelles, surtout dans la construction d'infrastructures dans le cadre de " l'Initiative une Ceinture, une Route ", ce sont les pays voisins de la RDC qui vont profiter de ladite " initiative " pour promouvoir leurs économies à travers l'augmentation des investissements chinois dans la construction de leurs infrastructures. En effet, l'expérience chinoise elle-même démontre que les infrastructures ne sont pas seulement le moteur du développement économique, mais elles constituent aussi un passage obligé pour atteindre le taux élevé de croissance du PIB.

C'est déjà aberrant de constater que les pays voisins de la RDC comme l'Ouganda et la Tanzanie qui ont modernisé leurs infrastructures grâce à " L'Initiative la Ceinture et la Route" se permettent de vouloir construire des routes en RDC alors que Kinshasa peut directement concrétiser son plan de reconstruction des infrastructures en partenariat directe avec la Chine. La diversification des partenaires reste un passage obligé pour un développement rapide de la RDC. La RDC est enlisée dans le sous-développement en dépit de ses potentialités énormes ; et ce n'est pas seulement qu'avec l'aide des Occidentaux qu'elle s'en sortira.

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