Au Cameroun, tout le monde pensait déjà scellé, le sort de l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga et la vingtaine de personnes suspectées dans l'assassinat du journaliste Martinez Zogo. En effet, alors qu'ils s'attendaient à être inculpés le 14 février dernier, ils ont été finalement renvoyés à l'étape des enquêtes préliminaires pour complément d'informations.
Dans une société camerounaise très pieuse, d'aucuns iraient jusqu' à dire que Jean-Pierre Amougou Belinga et compagnie ont été sauvés par les prières de Saint-Valentin. Mais, cette décision prise par le magistrat militaire qui instruit le dossier, n'a rien de nouveau. Car, on le sait, l'objectif d'une telle décision est, en principe, de pouvoir compléter au mieux les éléments à charge et à décharge. Cela peut contribuer à éviter des erreurs judiciaires où des innocents seront condamnés en lieu et place des vrais coupables.
Tant que le juge militaire en question reste dans une posture de dire le droit et la justice, dans toute leur rigueur, il faut saluer sa démarche. D'autant que cela a le mérite de montrer que le juge veut travailler en toute indépendance et sans la moindre pression. Mais connaissant les réalités judiciaires dans les pays du " Gondwana ", l'on se doit de garder aussi à l'esprit les pressions et influences possibles que pourrait subir le juge en charge du dossier de l'assassinat de l'ex-directeur général de la radio Amplitude FM.
Le juge militaire a une double responsabilité devant l'histoire
En effet, le suspect n°1, en l'occurrence Jean-Pierre Amougou Belinga, n'est pas " n'importe qui ". Et beaucoup de ses complices parmi lesquels, des hommes en uniforme, aussi. Par leurs réseaux dans les sphères politico-judiciaires et économiques, les suspects ont tous les moyens d'orienter le juge selon la boussole de leurs intérêts. Rien n'est à exclure, en tout cas. C'est pourquoi l'on est en droit de se poser certaines questions : le juge militaire a-t-il décidé en âme et conscience, de renvoyer les suspects à l'étape des enquêtes préliminaires ?
Ou des lobbys tentent-ils d'influencer la conduite de l'enquête ? S'agit-il de chantage comme le prétendent certains, permettant de soustraire des suspects à leurs responsabilités criminelles dans cette affaire ? Est-ce une diversion pour permettre aux vrais bourreaux de mieux se cacher ou de prendre la tangente ?
L'on attend de voir. Dans tous les cas, le juge militaire a une double responsabilité devant l'histoire. Soit il rend le droit et la justice selon les règles de l'art, et son nom sera inscrit dans le marbre de ceux qui auront contribué à réhabiliter l'image du pouvoir judiciaire. Soit il s'embarque dans un tourbillon de marchandage politico-judiciaire et laisse filer entre les mailles, des criminels et son image sera ternie et associée à ceux qui auront davantage souillé la réputation d'une justice qui souffrait déjà d'un manque de crédibilité.