Burkina Faso: Arts plastiques - Som et les couleurs du sacré

Les Ateliers Maneeré accueillent depuis le 10 février 2023 l'exposition du peintre Som, Djiguimdé Windessom, à l'état civil. Il présente une dizaine de tableaux abstraits qui sont une fête des sens, une sarabande de couleurs et un voyage à travers des territoires inconnus, pleins de poésie et de mystère.

Som est un artiste peu connu du microcosme artistique de la capitale burkinabè. Il aurait exposé au début des années 2000 mais ensuite, il a cultivé son violon d'Ingres loin des bruits et fureurs de la cité, se nourrissant de la lecture des textes de Biraogo Diop et des mythes fondateurs africains pour tenter, au moyen de la peinture, de réinjecter du sacré dans l'art et de mettre l'invisible à la portée de tous. Fromentin ne disait-il pas que " l'art de peindre n'est que l'art d'exprimer l'invisible par le visible " ?

Calixte Kaboré, spécialiste d'Adorno, qui est le curateur de cette expo dénommée " Vers une écologie sacrée ", a tenu à mettre en miroir les premiers travaux de l'artiste avec les tout derniers pour montrer le long cheminement du peintre. On découvre qu'il est passé d'une peinture figurative où les personnages étaient proches de la BD japonaise à l'abstraction où il somme désormais la peinture de rendre compte non seulement d'une expérience individuelle, mais aussi des mystères de la nature.

Sur de grandes toiles, l'artiste déverse des rigoles de couleurs. De la rencontre improbable entre ces nappes de couleurs, il advient une topographie singulière avec des anfractuosités, des lacs de peinture, des sentes, des renflements, des lignes de séparation ou de mélange de couleurs. Sur ce produit du hasard, ce don de la fortune, le peintre décrypte les possibles développements et les fait advenir en y ajoutant encore et encore des coulures de peinture. Si la technique est la même, les tableaux sont toujours différents. Au finish, on imagine que le peintre contemple son tableau, découvre le travail préliminaire du hasard, puis finit l'œuvre et lui trouve un titre en lien avec ce qu'il a découvert dans la toile. Donc, il laisse une large place au hasard, ensuite à l'intuition et enfin à la technique. C'est pourquoi Calixte Kaboré compare la démarche de Som à celle du géomancien.

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Au résultat, on a des patchworks de couleurs, des sortes de robes d'Arlequin où dominent les couleurs primaires ainsi que le blanc et le noir. Et comme la peinture est, comme le disait Vinci, une chose mentale, l'imagination du spectateur, cette folle du logis, se livre à des associations devant ces œuvres. Alors, devant une certaine toile, l'œil arpente la croûte rocheuse d'un noir anthracite, côtoie le rivage marin où s'entremêlent le vert des algues et l'or du couchant pour se perdre dans l'impénétrable entrelacs de branchages et des frondaisons de la mystérieuse forêt, en arrière fond. A-t-il-profané une aire sacrée ? L'œil rapidement se retire en se signant devant le ciel qui a pris le pourpre du l'astre solaire agonisant qui éclabousse tout le haut du tableau de ses flammèches et tisons.

Parfois, devant un tableau, on se remémore un autre tableau et on essaie d'y chercher les points de convergence. Ainsi, Le Souffle de la terre fait penser à certains tableaux impressionnistes de Turner où les couleurs estompent totalement les choses et les êtres. Bien que Som inscrive ses tableaux dans l'abstrait, le " regardeur ", lui, peut y voir parfois des représentations du réel. Et c'est peut-être cela, l'atout de ce peintre abstrait qui peut séduire le public local plus habitué à des œuvres qui sont des représentations du réel.

Cette exposition reste visible jusqu'au 19 février 2023. Il faut venir découvrir un peintre dont la quête est de réconcilier l'homme et la nature en retissant les liens sacrés.

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