Quelques années se sont écoulées depuis l'événement Busliah, ce jeune de Roche-Bois qui avait défrayé la chronique en tant qu'exception à la règle selon laquelle le titre de lauréat était réservé à une certaine classe, une catégorie de personnes.
Et cette année encore, on est bien sûr content qu'un enfant d'un quartier qui est loin d'être huppé vienne prouver que malgré les difficultés matérielles et morales qui affligent bon nombre de Mauriciens, une exception à la règle est toujours possible. Mais cela nous empêche-t-il de réfléchir sur les injustices flagrantes de notre système éducatif qui condamne des milliers d'enfants et de jeunes, pour manque de ressources, à un avenir sombre ?
L'injustice éducative
À voir l'enthousiasme, les pétarades et la couverture médiatique, et tout le tam-tam de la communication gouvernementale, aidée en cela par des médias complaisants, on est tenté de croire que toute la société approuve un système qui est la source des déséquilibres qui la minent. Mais on ne comprendra jamais comment on ne peut applaudir que moins de quatre sur dix des enfants qui entrent à l'école sortent avec un HSC en poche, que moins de 50 % des enfants nés il y a 17 ou 18 ans de cela se retrouve dans une classe de HSC. Où sont passés les autres ? On sait déjà qu'il y a des écoles primaires qui connaissent un taux d'échec de 100 % au PSAC. On sait très bien de quel quartier, de quelle classe sociale nous proviennent les déchets du système éducatif mauricien. Et pourtant nous feignons de ne pas comprendre l'injustice éducative qui s'étale devant nos yeux et nous faisons éclater des pétards pour 49 jeunes alors que la majorité de ceux du même âge, faute de moyens, sont poussés à un destin sombre. Pour chaque lauréat, 300 ratés !
L'éducation, du business !
En effet, et là il est nécessaire d'accepter de voir les réalités en face, tout est une question d'argent. Évidemment les bien-pensants sortiront la carte de l'exception d'Angelo Mars ou de Busliah pour contredire. Mais, soyons honnêtes et reconnaissons que pour être lauréat, pour réussir son HSC, il y a des milliers de roupies à dépenser chaque mois : un accessoire pour ceux qui en ont, mais une grosse fortune pour le travailleur d'usine qui ne peut pas se le permettre. Les leçons particulières, une réalité qui vient prouver l'absurdité de la prétention de l'éducation gratuite, sont interdites de fait pour les foyers avec une rente de 15 000 roupies par mois !
Cette situation, nous la connaissons très bien à Maurice. Mais évidemment il y a des exceptions, et des fois on peut constater les cancres que produisent les foyers riches malgré les milliers de roupies dépensées en leçons particulières.
Éclatement du jeu d'artifice
Les bien-pensants nous ont parlé pendant des décennies de la réforme du système éducatif. Mais combien de temps devrons-nous attendre qu'enfin un système juste, égalitaire et non fondé sur l'argent soit mis en place afin de ne pas défavoriser une bonne partie de la population et condamner des milliers d'enfants à chercher quelques miettes d'une société qui, elle, trouve son compte dans le statu quo ? Cette situation n'est pas soutenable dans le long terme. Un système éducatif qui est à la source de déséquilibres profonds au sein d'une société occasionnera l'éruption d'un volcan social. Et ce sera alors l'éclatement du jeu d'artifice du pays...
...et non pas d'un "filoir" de pétards !