Madagascar: Commerce électronique - Le retard de l'application des textes crée des surcoûts

Madagascar déploie des efforts importants pour dévélopper le commerce électronique. Une série de lois liées au domaine a été adoptée et attend son application.

Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), avec un score de commerce sans papier évalué à 48,15%, Madagascar fait partie des pays qui ont fait des efforts pour construire un environnement propice au commerce électronique grâce à des réformes. La principale avancée réside dans la série de lois clés sur le commerce électronique et l'instauration d'un Comité de Pilotage pour le Développement du Commerce Électronique (CPDCE) pour leur mise en œuvre et la définition de stratégies.

Toutefois, il reste encore au début du processus de mise en œuvre, notamment sur la logistique du commerce et la facilitation des échanges et sur la sécurisation. Dans la pratique, les entreprises du e-commerce en pâtissent. Le Computer Incidence Response Team (CIRT), l'instance chargée d'assurer la sécurité des systèmes d'information, et la Commission Malgache de l'Informatique et des Libertés (CMIL), garant de la sécurité des données personnelles, tardent à s'activer. " Nous avons préconisé la mise en place d'un référent de données personnelles dans chaque entreprise, puisqu'à l'heure actuelle il y a 40.000 incidents d'intrusion déclarés par jour, une menace réelle sur la sécurité des données", indique Gil Razafintsalama, président de l'Association des entreprises du e-commerce.

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En fait, le rapport mondial sur la facilitation du commerce digital et durable fait état du manque d'autorité reconnue de certification et de programme de réception de paiement à Madagascar. Par conséquent, les entreprises opérant dans le commerce électronique sont obligées de supporter en interne le coût d'implémentation de ces outils. De plus, les entreprises formelles n'ont pas de visibilité à l'international et n'ont pas accès à tous les services mondiaux. Gil Razafintsalama cite l'exemple du système de paiement Paypal, il n'est pas accessible à Madagascar, faute de système de paiement.

Le rapport de la CNUCED confirme que la logistique demeure l'un des principaux freins au développement du commerce électronique à Madagascar, que ce soit en termes d'adressage, ou de transport, lesquels sont confrontés à la concurrence déloyale et informelle. Faute de chiffres, on n'arrive pas à cerner la taille du commerce électronique à Madagascar. Cependant l'explosion du nombre de marketplaces sur Facebook, estimés à 2 millions d'utilisateurs, fait que la majorité des achats en ligne dans le pays se font sur ce réseau, soit 78%, selon une étude réalisée en 2020. Mais ils opèrent pour la majorité dans l'informel.

A défaut d'outils plus fluides et sécurisés, le paiement par espèces à la livraison demeure le moyen de paiement préféré des Malgaches pour leurs achats sur Internet, en priorité des vêtements et des accessoires de mode à moins de 50 000 ariary. Ce qui ne fait pas entièrement usage de la notion de commerce électronique. En d'autres termes, la demande est bien réelle mais est absorbée par le secteur informel. " Il suffit d'une bonne régulation pour canaliser ces activités vers le secteur formel. Cela facilite les transactions, augmente les parts de marché et formalise une certaine partie du commerce " argumente Gil Razafintsalama.

Besoin d'extension du système de paiement sécurisé

En même temps, la situation profite aux opérateurs étrangers. Ces derniers, ayant déjà bénéficié du système sérieux dans leurs pays, donc à un niveau de développement élevé, viennent s'installer ici et intègrent facilement le marché malgache à forte demande mais dont le tissu productif est encore à un niveau embryonnaire. Ces entreprises recourent à l'utilisation d'outils déployés dans d'autres pays, beaucoup moins chers et plus pratiques, et rentabilisent mieux que les enseignes locales. Sur le système de paiement par exemple, certains utilisent des comptes enregistrés à l'étranger. D'autres proposent des services de colocation, de data center, de cloud et de sécurisation.

Pour les locaux, le marché du développement web et de création de sites de commerce en ligne explose, quasiment tous les étudiants sortants des écoles d'informatiques sont absorbés par cette filière. Mais encore une fois, le secteur formel domine le marché. Près de 23.000 travailleurs sont dans le formel et 85.000 travailleurs informels dans les services de développement web, de rédaction web, de traduction, de design et graphisme et dans le community management.

La CNUCED a rendu un rapport de supervision de la mise en œuvre des recommandations lors des évaluations de l'état de préparation au commerce électronique (eT Readies 2019). Les résultats publiés en avril 2022 montrent un taux moyen d'exécution des mesures préconisées, qui s'élève à 59% pour Madagascar (soit un gain de 9% par rapport au premier examen) quand il est de 81% pour le Sénégal et de 92% pour le Cambodge. Selon l'Autorité de Régulation des Technologies de Communication, les infrastructures numériques sont à 64% de couverture en 2018.

Le taux de bancarisation reste faible à Madagascar. 4% de la population possèdent un compte bancaire, dont moins de 0,5% utilise une carte de débit et moins de 0,1% une carte de crédit, selon les chiffres de la CNUCED en 2018. Avec un peu plus de 3 millions d'utilisateurs actifs de monnaie mobile, le téléphone est devenu un moyen de paiement courant, accepté dans de nombreux magasins. Certaines sociétés de grande distribution et des points de vente acceptent le paiement en ligne via le téléphone mobile. Toutefois, l'extension de ce mode de paiement se heurte à la réglementation actuelle qui, sans interdire le paiement en ligne, repose sur la mise en place d'un dispositif sécurisé des systèmes de paiement, tel que la mise en œuvre du Switch national, qui devrait être prévu par la stratégie nationale de paiement, conduite par la Banky Foiben'i Madagasikara. En d'autres termes, les consommateurs ne sont pas sécurisés. Au moment où les besoins de mise à jour du cadre réglementaire du renforcement des dispositifs relatifs à la protection du consommateur se font sentir, l'absence de décrets d'application des textes en vigueur demeure le blocage, souligne la CNUCED.

Quelques chiffres sur la monnaie mobile

Taux de pénétration 38%

Utilisateurs identifiés 9.9 millions dont 3 millions d'actifs

Points de distribution 35 000

Transactions par mois 21 millions

Volume de transactions par mois 430 millions d'euros

(Sources : CSBF et Banque Mondiale)

Réseaux sociaux en septembre 2021

Utilisateurs Facebook : 3.156.000 soit 10,9% de la population dont 45% de femmes et 55% d'hommes,

Utilisateurs LinkedIn: 238.500

Secteur du digital à Madagascar en 2020

Chiffres d'affaires 365 millions d'euros,

Poids dans le PIB 2%

Répartis comme suit :

Le secteur BPO occupe 17%,

Les opérateurs télécoms 76%,

Les entreprises de service numérique 6%

(Source : Cartographie et propositions de mesures d'atténuation des effets du COVID-19 en appui au secteur numérique)

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