Depuis ce 14 février 2023, un collectif de médias internationaux diffuse chaque jour dans un dossier surnommé " Story Killers " le fruit d'une enquête sur des opérations d'influence, de campagnes de dénigrement et de manipulation de l'information conçues par de discrètes sociétés commerciales. Ce 16 février, les enquêteurs affirment qu'au Burkina Faso, une campagne hostile envers Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été montée de toutes pièces par une mystérieuse société israélienne.
La mèche aurait été allumée par une tribune publiée dans le magazine français d'extrême-droite Valeurs Actuelles en août 2020. Un texte se demandant si le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n'était pas en fait un soutien involontaire du terrorisme au Burkina Faso, notamment à travers des négociations entre le CICR et les islamistes pour y déployer l'aide humanitaire.
Or, ce genre de pratique existe depuis des décennies. Elle est utilisée par de multiples organisations humanitaires pour atteindre des populations en difficulté.
L'ancien pouvoir mis en cause
L'information aurait ensuite été montée en épingle, manipulée et diffusée largement au Burkina Faso, dans les médias locaux, nationaux, sur Internet, avant de faire le tour du monde. Le but était de nuire à l'image du CICR, perçu comme trop critique vis-à-vis de l'armée burkinabè.
Car, en effet, le pouvoir burkinabè est mis en cause par l'enquête. Derrière cette campagne, on trouverait Samuel Sellem, présenté par l'auteur de la tribune dans Valeurs Actuelles comme le " Conseiller spécial en charge de la communication " du président burkinabè de l'époque, Roch Marc Christian Kaboré. On trouverait aussi une société israélienne appelée Percepto.
Créée en mars 2021 par Lior Chorev et Royi Burstien, Percepto se présente comme une entreprise de marketing et de renseignement. En apparence, elle utiliserait des services légaux de marketing d'influence. Mais les enquêteurs affirment avoir découvert en fait une redoutable machine de désinformation aux méthodes extrêmement douteuses, voire totalement illégales.
" Cas d'école "
Les enquêteurs de Forbidden Stories ont rencontré les responsables de Percepto qui leur ont décrit cette opération au Burkina Faso comme " un cas d'école ". Une opération qu'elle classerait dans les " campagnes non-attribuées ", c'est-à-dire anonymes. Pour le compte de ses clients, la société dit posséder de faux comptes Facebook et WhatsApp pour diffuser des informations erronées.
La mystérieuse société dispose aussi d'un réseau d'influenceurs chargés de diffuser sur Internet les informations biaisées ou fausses de sa campagne. Ce réseau est composé de fausses personnalités, qui sont en fait les employés de Percepto eux-mêmes.
L'enquête a révélé l'existence de faux comptes Twitter se faisant passer pour des internautes burkinabè et partageant des messages favorables au président Kaboré. Ils ont également été très actifs fin 2021 dans la diffusion d'une vidéo hostile à l'activiste Ibrahima Maïga, connu pour ses critiques du pouvoir.