Washington/Ouagadougou — Selon des observateurs et des acteurs du secteur minier, le Burkina Faso manque de ressources financières et la junte est aussi en quête de devises étrangères pour répondre à ses multiples besoins dont la commande d'armes pour son armée mais surtout pour ses 60.000 Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP), récemment recrutés.
"Conformément à l'article 16 du Code minier, l'or produit par la société minière industrielle de Mana d'une quantité de 200 kg est réquisitionné ce jour pour nécessité publique", peut-on lire dans un décret signé mardi 14 février par le ministre de l'Energie, des Mines et des Carrières du Burkina Faso, Simon-Pierre Boussim, faisant allusion à la mine d'or de la société canadienne Semafo.
Des sources indiquent à la VOA, sous couvert d'anonymat par peur de représailles, que le volume réel de l'or saisi est beaucoup plus élevé: au moins 200 kg d'or ont été réquisitionnés de Semafo et au moins 300 kg additionnels de Nordgold, une autre entreprise active dans le secteur.
Une nationalisation qui ne dit pas son nom?
En plus de l'or, le gouvernement aussi est à la recherche du cash. Jeudi matin, plusieurs responsables de sociétés minières ont été convoqués par le ministre des Mines Simon-Pierre Boussim qui leur a signifié l'obligation de verser à l'Etat un certain pourcentage de leur chiffre d'affaires.
Joint par la VOA, le responsable d'un sous-exploitant minier a expliqué que le ministre leur a exigé de verser à l'Etat 1% du chiffre d'affaires, soit environ 1 milliard de francs CFA pour cette structure. "On nous a dit de répondre d'ici la semaine prochaine, c'est comme un ordre", a-t-il confié à la VOA.
Il y a quelques semaines, le chef de la junte, le capitaine Ibrahim Traoré, a réuni tous les représentants des mines d'or du pays pour leur exposer les besoins financiers de son gouvernement. Au départ, selon plusieurs sources, il était question que les sociétés minières décaissent quelque 500 milliards de Francs CFA. Une demande accueillie froidement par les miniers.
Des assurances peu convaincantes
Selon des sources opérant dans le secteur des mines, les compagnies minières ont exigé que le gouvernement burkinabè communique clairement sur le sujet.
Et mercredi soir, ce dernier a produit un communiqué dans lequel il "rassure les investisseurs" et explique qu'il s'agit d'une opération "à titre exceptionnel et temporaire". Le gouvernement explique aussi que cette transaction s'effectue d'ailleurs "aux conditions d'achat de l'or sur le marché international".
Une déclaration jugée insuffisante par les miniers qui se plaignent de ne pas avoir obtenu des détails sur les conditions d'acquisition de leur or et encore d'avoir une date claire pour quand ils seront rémunérés. "Cela ne rassure pas les investisseurs", dit cet acteur du secteur, expliquant que dans les milieux miniers, on craint désormais que ce soit "le mode adopté par le gouvernement pour s'accaparer l'or produit".
Contourner les sanctions sur la Russie?
Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer cet acte souverain.
Selon des sources bien informées, le Burkina Faso est en manque de liquidité. Le gouvernement peine à honorer sa dette interne et plusieurs fournisseurs de l'Etat ne savent pas quand leurs factures seront payées. Le pays a aussi besoin de devises étrangères pour s'approvisionner en carburant. La Société nationale d'hydrocarbures est surendettée auprès de ses fournisseurs.
Selon des experts, la réquisition de l'or devrait permettre au gouvernement d'aller lui-même écouler cet or sur le marché international, à Dubaï notamment, et se procurer ainsi directement des devises étrangères. Ce qui va lui permettre de s'équiper en armement auprès d'un pays comme la Russie qui est sous sanctions occidentales à cause de la guerre en Ukraine.
Contacté par la VOA, le gouvernement du Burkina Faso n'a pas encore réagi.