En Côte d'Ivoire, les jeunes filles parlent plus facilement des violences domestiques et sexuelles grâce notamment au projet "Esprit Jeunes, esprit de Paix".
"En classe de 5ème, le grand frère d'une amie avec qui je partais à l'église, ce jour-là s'est jeté sur moi. Mais je me suis débattue jusqu'à ce qu'il me laisse. Je suis devenue une personne méfiante" explique Carène Sery. Il y a quelques années, il lui était quasiment impossible de parler de cette tentative de viol. Après avoir pris part au projet "Esprit Jeunes, esprit de paix" qui lui a servi de forum de discussion, aujourd'hui, elle peut s'exprimer plus librement sur le sujet.
Les violences sexuelles ne sont toutefois pas les seules violences que subissent les femmes dans la société ivoirienne.
"Quelqu'un que je connais dans la cour où j'habitais était constamment battue par son mari. Et malheureusement on n'osait pas dénoncer. Parce que comme on le dit en Afrique, c'est un problème de foyer. On doit régler ça ensemble, il faut supporter, il ne faut pas partir", raconte Marina Sakandé, une autre participante au forum d'échange.
Marqué à vie
Selon les estimations mondiales de l'Organisation Mondiale de la Santé, 35% de femmes, soit près d'une femme sur trois indiquent avoir été exposées à des violences physiques ou sexuelles en Afrique.
En Côte d'Ivoire, l'on peine à définir un chiffre exact des femmes et filles victimes des violences physiques et sexuelles.
Pour certaines Ivoiriennes comme Denise Tagro, quel que soit le type de violence, ça laisse toujours des traces.
"C'est une situation qui n'est pas intéressante, qui est gênante pour la femme, pour la jeune fille. Parce que quand on est confrontée à ce genre de problème, on est marquée à vie" explique-t-elle.
Face aux violences physiques (violences conjugales, mariages précoces et forcés) aux violences sexuelles (viol, harcèlement, mutilations génitales féminines), le nombre de femmes et de filles victimes ou exposées en Côte d'Ivoire est de nature à susciter des inquiétudes. Arlette Edoukou, Marina Sakandé et Khadidja Koladé, toutes les trois étudiantes proposent que les victimes apprennent à sortir de leur silence et acceptent de dénoncer.
"La violence domestique tout comme la violence sexuelle faite aux femmes, je pense que ce sont des choses qu'il faut décrier. Parce que je pense qu'au fur à mesure que l'humanité avance, on se rend compte que la femme a beaucoup de valeurs et qu'elle ne mérite pas ce genre de mauvais traitement", estime Arlette.
Pour Marina "c'est vraiment un fléau dangereux et malheureusement on n'ose pas en parler. C'est encore tabou". Elle pense donc qu'on doit "encourager toutes les personnes qui sont victimes de ce genre de violence à s'exprimer."
"On peut passer par des lois. Mais le changement en lui-même commence par le sujet lui-même. Donc je dirais que la femme qui est violentée sexuellement, physiquement ou moralement, c'est à elle-même d'agir. En dénonçant", estime pour sa part Khadidja.
Un projet pour donner un coup de pouce
Si des jeunes filles osent désormais s'exprimer, c'est aussi grâce notamment à la Fondation Dr. Peter Graze et la Deutsche Welle Akademie en partenariat avec l'Union Européenne et le studio Mozaiko à travers le projet "Esprit Jeunes, esprit de Paix".
Un projet ayant pour objectif de renforcer par le dialogue la voix des jeunes, des femmes, des Organisations de la Société Civile (OSC) et des médias indépendants.
Les 84 jeunes journalistes formés ont ainsi donné la parole aux femmes et produit des programmes de radio, télé et web (reportages, magazines, micro-trottoir, interviews et émissions publiques), organisés trois caravanes "Espaces de dialogue" qui ont sillonné la Côte d'Ivoire.
La parole a été donnée à environ un millier de jeunes qui ont librement échangé entre eux et avec les organisations de la société civile, les autorités traditionnelles et les autorités administratives.
En Côte d'Ivoire, en 2020, 822 viols et 152 cas d'agression sexuelle ont été enrégistrés, selon le rapport statistique sur les Violences basées sur le genre (VBG). Ces statistiques sont largement sous-estimées, selon la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH). Et derrière ces statistiques se cache la réalité de la prise en charge qui est complexe ainsi que le problème de la stigmatisation des victimes.