Afrique de l'Ouest: Plaidoyer du Burkina, du Mali et de la Guinée auprès de l'UA pour la levée de leur suspension - Quelles chances de succès ?

Sommet CEDEAO
16 Février 2023
analyse

Les 18 et 19 février prochains, se tient la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d'Etat de l'Union africaine (UA) au siège de l'institution à Addis-Abeba, en Ethiopie. L'objectif principal est l'accélération de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) censée favoriser le commerce entre pays du continent et donner un coup de fouet aux économies africaines. Mais à côté des questions économiques qui occuperont une bonne place dans les discussions dans ce contexte post-Covid-19 marqué par les effets induits de la guerre en Ukraine, les questions politiques ne seront pas en reste. D'autant que le continent est secoué d'Est en Ouest et du Nord au Sud, par des crises multiformes, allant des questions sécuritaires en lien avec le terrorisme comme c'est par exemple le cas en Afrique de l'Ouest, à la persistance des insurrections armées comme cela est observable dans bien des pays d'Afrique centrale et dans le bassin du Lac Tchad. Sans oublier la guerre au Tigré, dans le Nord de l'Ethiopie, qui demeure, à ce jour, l'un des conflits les plus meurtriers au monde.

Ce ne sont pas les arguments qui manquent pour justifier une telle demande

C'est dire si entre les questions économiques et celles éminemment politiques, la quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement attendus à ce sommet, ne manquera pas de sujets de débats. D'autant que, saisissant l'occasion, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée, tous des pays en transition et dirigés par des juntes militaires issues de coups d'Etat, plaident pour la levée de leur suspension de l'organisation continentale. Le moins que l'on puisse dire, c'est que si ces trois pays ressentent aujourd'hui le besoin de se rabibocher avec l'institution panafricaine au point d'entreprendre une telle démarche de retour en grâce, sans doute faut-il croire qu'au-delà de leur absence au sein des instances de l'organisation continentale, ces suspensions pèsent bien plus lourd sur leurs épaules.

Toujours est-il que c'est un plaidoyer qui n'est pas sans fondement puisqu'à l'issue de la rencontre tripartite du 10 février dernier à Ouagadougou, qui a regroupé les chefs de la diplomatie de ces trois pays, ils ont clairement indiqué que ces sanctions " touchent des populations déjà meurtries par l'insécurité et les instabilités politiques, privent la CEDEAO et l'UA de la contribution des trois pays, nécessaire pour relever les défis majeurs, et portent atteinte à la solidarité sous-régionale et africaine qui constitue le principe cardinal de l'intégration, de la coopération régionale et continentale ". Puis d'appeler " à un appui technique et financier concret et conséquent aux efforts de sécurisation et à accompagner le processus de retour à un ordre constitutionnel ". C'est dire si du côté de ces trois pays, ce ne sont pas les arguments qui manquent pour justifier une telle demande. Et l'on ne peut pas reprocher à leurs autorités intérimaires, de multiplier les initiatives à l'effet de desserrer l'étau des sanctions et les effets induits de leur suspension des instances de l'organisation panafricaine.

Au-delà du discours, il appartient aux dirigeants de ces trois pays de multiplier les actes de bonne foi

Mais, en revanche, l'on peut s'interroger sur les chances de succès d'une telle initiative qui vise à demander à l'UA de revoir sa copie en acceptant de les réintégrer sans autre forme de procès. La question est d'autant plus fondée que l'institution panafricaine, tout comme la CEDEAO, est connue pour marcher sur des principes. La question est de savoir, pour autant que l'UA veuille accorder une oreille attentive à cette requête, comment y déroger sans aller contre ses propres principes ni poser un acte qui pourrait être considéré comme un précédent.

Et ce n'est pas l'argument des " sanctions imposées de façon mécanique qui ne tiennent pas compte des causes profondes et complexes des changements politiques ", qui pourrait changer quelque chose à la donne. Ce que demandent ces pays à l'UA, peut tout à fait se justifier au regard des souffrances des populations confrontées aux effets induits de ces pronunciamientos qui mettent leurs pays respectifs au ban des institutions africaines, mais aussi au regard du terrorisme qui trouble le sommeil des populations du Sahel depuis près d'une décennie. Mais comment savoir que cette demande répond à la seule nécessité de soulager les souffrances des populations et pas à autre chose ? C'est dire si, au-delà des principes, entre l'UA, la CEDEAO et ces pouvoirs militaires, il peut aussi y avoir une question de confiance. Et le fait que le Mali, par exemple, ait déjà manqué à son premier engagement de retour à l'ordre constitutionnel au bout des dix-huit premiers mois de sa transition, est un élément qui peut jouer.

En tout état de cause, on n'a pas besoin de dire que cette suspension est un moyen de pression pour l'UA sur ces juntes, à l'effet de les tenir à l'œil voire les prendre aux mots de leur engagement au retour à l'ordre constitutionnel dans les délais impartis. Dans ces conditions, comment pourrait-elle s'en délester sans avoir d'autres garanties concernant la parole donnée de ces pouvoirs kaki? C'est dire si au-delà du discours, il appartient aux dirigeants de ces trois pays de multiplier les actes de bonne foi à l'effet de renforcer la confiance avec l'institution continentale et sa sœur cadette, la CEDEAO qui aurait pu porter la requête pour lui donner encore plus de poids.

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